Imaginez-vous réveillé en pleine nuit par des rafales d’armes automatiques à quelques kilomètres de chez vous, dans la capitale économique de votre pays. C’est exactement ce qu’ont vécu des milliers de Cotonouviens dans la nuit de samedi à dimanche dernier. Une poignée de militaires a décidé de renverser l’ordre constitutionnel. Le projet a échoué, mais il a laissé derrière lui des morts, des otages libérés et une région entière en alerte maximale.
Une tentative de putsch d’une rare violence
Le gouvernement béninois a attendu le lundi soir, à l’issue d’un conseil des ministres extraordinaire, pour livrer le récit officiel des événements. Selon le secrétaire général du gouvernement, un groupuscule de soldats avait minutieusement préparé l’opération. Objectif : démettre le président de la République de ses fonctions, neutraliser les institutions et prendre le pouvoir par la force.
Le plan comportait plusieurs phases simultanées : enlèvements de hauts gradés, assaut sur la résidence présidentielle et prise de contrôle d’une base militaire stratégique.
Les premières heures : kidnappings et assaut meurtrier
Tôt dans la nuit de samedi à dimanche, les mutins passent à l’action. Ils attaquent d’abord le domicile du général Bertin Bada, directeur du cabinet militaire du président Talon. L’assaut est d’une brutalité extrême. L’épouse du général est mortellement blessée et succombe à ses blessures quelques heures plus tard. Le général lui-même échappe de justesse à l’enlèvement.
Dans le même temps, deux autres officiers supérieurs sont capturés : le chef d’état-major de la garde nationale, le général Faïzou Gomina, et le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Abou Issa. Les ravisseurs les emmènent jusqu’à Tchaourou, à plus de 350 kilomètres au nord de Cotonou. Les deux hommes seront finalement libérés dans la journée de dimanche.
Ils ont entrepris, dans un premier temps, de neutraliser ou de kidnapper certains officiers généraux et supérieurs de l’armée.
Edouard Ouin-Ouro, secrétaire général du gouvernement
L’assaut sur la résidence présidentielle
Vers l’aube, le commando le plus déterminé lance l’attaque finale : la résidence privée du président Patrice Talon. Les violents affrontements opposent les putschistes à la garde républicaine. Les échanges de tirs sont nourris. Il y aura des victimes dans les deux camps. Le président, lui, est rapidement mis en sécurité.
Cette séquence est probablement la plus spectaculaire de la journée reste la moins détaillée dans le communiqué officiel, sans doute pour préserver la sécurité des lieux et des personnes.
La base de Togbin, quartier général des mutins
Le cœur de l’opération se trouvait à la base militaire de Togbin, située en pleine agglomération de Cotonou. C’est là que les mutins s’étaient regroupés après leurs actions nocturnes. Très vite, les forces loyalistes encerclent le site.
Face à la résistance des assiégés, l’état-major décide d’employer la manière forte. Des frappes aériennes ciblées sont déclenchées. Le gouvernement insiste : ces frappes ont été « chirurgicales » et n’ont exposé aucun quartier civil. L’opération aurait été menée avec le soutien direct de l’armée de l’air nigériane.
À l’issue de l’intervention, la base est reprise. La plupart des mutins survivants prennent la fuite. Certains sont arrêtés dans les heures qui suivent, d’autres restent recherchés.
Une mobilisation régionale immédiate
L’ampleur de la menace a provoqué une réaction rapide de la communauté internationale et surtout régionale. La Cedeao a annoncé dès dimanche le déploiement de contingents militaires provenant de quatre pays membres pour sécuriser le Bénin et empêcher toute nouvelle tentative.
Cette solidarité ouest-africaine rappelle les interventions passées au Mali, en Gambie ou en Guinée-Bissau face à des crises similaires. Elle montre aussi que la région a tiré les leçons des coups d’État successifs ces dernières années.
Chronologie résumée de la journée de dimanche
- Nuit de samedi à dimanche → Enlèvements et assassinat de l’épouse du général Bada
- Aube → Assaut sur la résidence du président Talon
- Matin → Encerclement de la base de Togbin
- Milieu de journée → Frappes aériennes avec appui nigérian
- Après-midi → Reprise totale de la base et libération des otages à Tchaourou
- Soir → Conseil des ministres extraordinaire et communiqué officiel
Un bilan humain encore flou
Le gouvernement parle de « plusieurs victimes des deux côtés » sans donner de chiffre précis. On sait avec certitude que l’épouse du général Bada fait partie des victimes civiles. Du côté militaire, les pertes loyalistes et mutins restent confidentielles pour l’instant.
Cette discrétion habituelle dans ce genre de crise. Elle permet d’éviter les surenchères et de protéger les enquêtes en cours.
Qui sont les putschistes ?
À ce stade, très peu d’informations filtrent sur l’identité et les motivations profondes du groupe. Le terme officiel de « groupuscule » laisse entendre qu’il s’agit d’une minorité isolée au sein de l’armée. Aucune revendication politique claire n’a été formulée publiquement.
Certains observateurs évoquent des frustrations accumulées, des questions de soldes ou de conditions de travail. D’autres y voient une tentative opportuniste profitant du contexte régional troublé. L’enquête judiciaire en cours devrait apporter des réponses dans les prochaines semaines.
Les conséquences immédiates pour le Bénin
Le président Patrice Talon, réélu en 2021 dans un climat déjà tendu, sort renforcé de cette épreuve sur le plan sécuritaire. L’armée loyaliste a démontré sa capacité de réaction rapide réaction. Le soutien international massif envoie également un message clair aux éventuels imitateurs.
Cependant, l’événement laisse des traces. La mort de l’épouse d’un général proche du pouvoir touche l’institution militaire dans sa chair. La présence de troupes étrangères, même amies, peut susciter des débats sur la souveraineté.
Enfin, la fuite d’une partie des mutins maintient une menace diffuse. Les recherches se poursuivent dans tout le pays et au-delà des frontières.
Cet épisode rappelle brutalement que même dans un pays souvent cité en exemple pour sa stabilité relative en Afrique de l’Ouest, le risque de coup d’État militaire reste bien réel. La vigilance reste de mise, et les prochaines semaines seront décisives pour comprendre les racines profondes de cette crise et éviter qu’elle ne se reproduise.
Le Bénin a frôlé le chaos. Il en est sorti debout, mais marqué. L’histoire n’est pas encore totalement terminée tant que le dernier fuyard n’aura pas été retrouvé.









