Pénurie de bulletins, tablettes en panne, files d’attente interminables… Le scrutin présenté comme le plus disputé de l’histoire namibienne a viré au fiasco organisationnel ce jeudi, poussant la commission électorale à prolonger indéfiniment le vote. Une décision qui suscite colère et suspicion dans un pays où le parti au pouvoir, la Swapo, est plus contesté que jamais.
Démissions en cascade à la commission électorale
Après une journée chaotique marquée par des défaillances techniques et des attentes exténuantes, la commission électorale namibienne s’est retrouvée sous le feu des critiques de tous les partis, Swapo comprise. Face à la grogne, elle a pris la décision inédite de prolonger les opérations « sans durée spécifiée ». Mais cette mesure de dernière minute n’a pas suffi à éteindre la polémique.
Selon des sources concordantes, plusieurs cadres de la commission auraient présenté leur démission dans la nuit. Des départs qui jettent une ombre sur la crédibilité du processus électoral et ravivent les craintes de fraude, alors que l’opposition espère créer la surprise.
Une candidate en position de faire tomber la Swapo
À 72 ans, Netumbo Nandi-Ndaitwah, égérie de la Swapo et figure de la lutte pour l’indépendance, brigue la présidence face à une concurrence inédite. L’ex-dentiste Panduleni Itula, qui a fondé son propre parti en 2020, pourrait la contraindre à un second tour du jamais vu dans ce pays d’Afrique australe.
La Swapo est ma famille. Mais je veux qu’elle soit mise au défi pour améliorer les politiques publiques.
Marvyn Pescha, électeur à Katutura
Après 30 ans de règne sans partage, le mouvement de libération est confronté à une désillusion grandissante. Chômage massif, inégalités persistantes, renouvellement des générations… Autant de défis qui érodent son socle électoral, notamment chez les jeunes qui représentent plus de 60% de la population.
Une journée électorale chaotique
Dans les bureaux de vote, les incidents se sont multipliés tout au long de la journée :
- Mise à jour intempestive des tablettes servant à vérifier les identités, causant des interruptions
- Surchauffe et batteries à plat de ces mêmes appareils
- Rupture de stock de bulletins dans de nombreux bureaux, parfois pendant plusieurs heures
Malgré la mobilisation des électeurs, qui ont parfois patienté plus de 12 heures sous un soleil de plomb, beaucoup n’ont pas pu voter. Un constat amer pour ceux qui espéraient un changement.
C’est navrant. Les électeurs se sont déplacés, mais la commission nous a trahis.
Reagan Cooper, cultivateur de 43 ans
Le spectre des fraudes plane sur le scrutin
Au fil de la nuit, la tension est encore montée d’un cran. Plusieurs partis d’opposition, dont l’IPC de Panduleni Itula, ont ouvertement accusé la commission électorale de vouloir « dissuader les électeurs » et « saboter » le vote. Des accusations graves dans un pays où le spectre des manipulations hante chaque scrutin.
Si un second tour venait à être organisé, il s’agirait d’une première pour la Swapo. Mais à ce stade, c’est la sincérité même du vote qui est remise en cause. Entre démissions en série à la commission électorale et accusations de fraude, cette élection censée ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire namibienne prend des allures de chemin de croix pour la démocratie.