À quelques semaines de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, prévue pour le 25 octobre 2025, le climat politique s’électrise. La préfecture d’Abidjan a interdit une manifestation de l’opposition prévue pour le lancement de la campagne électorale, invoquant la nécessité de préserver l’ordre public. Cette décision, loin d’être anodine, reflète les tensions qui traversent le pays alors que le scrutin approche. Entre candidatures rejetées, débats constitutionnels et stratégies politiques, la Côte d’Ivoire se trouve à un tournant décisif.
Un Contexte Politique sous Haute Tension
La Côte d’Ivoire entre dans une période cruciale avec l’ouverture officielle de la campagne électorale. Pendant deux semaines, cinq candidats s’affronteront pour convaincre les électeurs dans un climat marqué par des restrictions et des controverses. La récente interdiction d’une marche de l’opposition à Abidjan, prévue pour le 11 octobre, illustre les défis auxquels fait face la démocratie ivoirienne. Cette mesure, justifiée par les autorités comme un moyen de maintenir la stabilité, soulève des questions sur la liberté d’expression et le droit de manifester.
Le rejet des candidatures de figures majeures de l’opposition, comme Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, par le Conseil constitutionnel en septembre dernier, a exacerbé les tensions. Ces exclusions, basées sur des motifs juridiques tels que la radiation des listes électorales, ont conduit à des accusations de partialité à l’encontre des institutions. L’opposition, déterminée à faire entendre sa voix, avait prévu une manifestation pour dénoncer ces décisions, mais les autorités ont rapidement mis fin à cette initiative.
Les Candidatures Rejetées : Un Coup Dur pour l’Opposition
Le Conseil constitutionnel, chargé de valider les candidatures, a écarté plusieurs figures de l’opposition pour des raisons controversées. Laurent Gbagbo, ancien président de 2000 à 2011, a été exclu en raison d’une condamnation pénale, tandis que Tidjane Thiam, leader du principal parti d’opposition, a vu sa candidature rejetée pour des questions liées à sa nationalité. Ces décisions ont provoqué un tollé parmi les partisans de l’opposition, qui y voient une tentative de limiter la compétition électorale.
« Ces exclusions sont perçues comme une stratégie pour consolider le pouvoir en place », estime un analyste politique local.
En réponse, les partis d’opposition ont tenté d’organiser des manifestations, comme celle prévue le 4 octobre pour promouvoir la démocratie, la justice et la paix. Cependant, cette initiative avait déjà été annulée par les autorités, tout comme la marche prévue pour le 11 octobre. Ces interdictions successives renforcent le sentiment d’une opposition muselée, incapable de s’exprimer librement à l’approche du scrutin.
La Polémique autour du Quatrième Mandat
Un autre point de friction réside dans la possible candidature d’Alassane Ouattara pour un quatrième mandat. Au pouvoir depuis 2011, le président actuel bénéficie du soutien du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP). Cependant, sa volonté de se représenter suscite des critiques virulentes de l’opposition, qui juge cette démarche contraire à la Constitution ivoirienne. Celle-ci limite en principe le nombre de mandats présidentiels à deux.
Le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que la nouvelle Constitution adoptée en 2016 a remis à zéro le compteur des mandats, une interprétation qui permet à Ouattara de se présenter à nouveau. Cette décision, bien que légale selon les instances officielles, alimente les accusations de manipulation institutionnelle et ravive les tensions politiques dans le pays.
La question du quatrième mandat divise profondément la société ivoirienne, entre ceux qui soutiennent la stabilité apportée par Ouattara et ceux qui dénoncent une dérive autoritaire.
Les Acteurs de la Campagne Électorale
La campagne, qui s’étend sur 14 jours, met en lumière cinq candidats aux profils variés. Le RHDP, parti au pouvoir, a ouvert les hostilités en présentant un bilan des trois mandats d’Alassane Ouattara lors d’une cérémonie à Abidjan. Le président lui-même lancera sa campagne à Daloa, dans l’ouest du pays, lors d’un grand meeting prévu le samedi 11 octobre.
Du côté de l’opposition, plusieurs figures émergent malgré les restrictions. Jean-Louis Billon, dissident du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), tiendra un meeting à Abidjan pour mobiliser ses partisans. De son côté, Simone Ehivet Gbagbo, ex-épouse de Laurent Gbagbo et candidate du Mouvement des Générations Capables (MGC), débutera sa campagne à Bouaflé. Ahoua Don Mello, ancien proche de Gbagbo et candidat indépendant, s’adressera à ses électeurs à Bouaké. Enfin, Henriette Lagou, ancienne ministre et candidate en 2015, rencontrera ses militants à Daoukro.
Un Climat de Restrictions et de Contrôles
Les autorités ivoiriennes ont renforcé leur contrôle sur les manifestations publiques à l’approche de l’élection. Outre l’interdiction des marches de l’opposition, les meetings contestant les décisions du Conseil constitutionnel ont également été prohibés. Cette fermeté vise à éviter tout débordement dans un pays où les élections ont souvent été marquées par des violences par le passé.
Ces restrictions, bien que justifiées par la nécessité de maintenir l’ordre, risquent d’alimenter le mécontentement populaire. Les partis d’opposition, déjà affaiblis par l’exclusion de leurs leaders, pourraient voir leur capacité à mobiliser leurs électeurs encore plus limitée.
Candidat | Parti/Affiliation | Lieu de lancement |
---|---|---|
Alassane Ouattara | RHDP | Daloa |
Jean-Louis Billon | Dissident PDCI | Abidjan |
Simone Ehivet Gbagbo | MGC | Bouaflé |
Ahoua Don Mello | Indépendant | Bouaké |
Henriette Lagou | Indépendante | Daoukro |
Les Enjeux d’une Élection Cruciale
L’élection du 25 octobre 2025 représente bien plus qu’un simple renouvellement du pouvoir. Elle met en lumière les fractures profondes de la société ivoirienne, entre ceux qui soutiennent la continuité offerte par le RHDP et ceux qui appellent à une alternance politique. Les restrictions imposées aux manifestations, combinées aux exclusions de candidats majeurs, risquent de renforcer le sentiment d’injustice parmi les électeurs de l’opposition.
Dans ce contexte, la campagne électorale s’annonce intense, avec des meetings prévus dans plusieurs villes clés du pays. Chaque candidat tentera de mobiliser ses partisans tout en naviguant dans un environnement politique strictement encadré. La question reste ouverte : la Côte d’Ivoire parviendra-t-elle à organiser un scrutin apaisé, ou les tensions actuelles déboucheront-elles sur une crise plus profonde ?
« Cette élection est un test pour la démocratie ivoirienne. La transparence et l’équité seront essentielles pour éviter une escalade des tensions », prévient un observateur international.
Perspectives pour l’Avenir
Alors que la campagne bat son plein, les regards se tournent vers les institutions, notamment le Conseil constitutionnel, dont les décisions continuent de façonner le paysage électoral. La capacité des autorités à garantir un processus électoral transparent et inclusif sera déterminante pour la stabilité du pays. Dans le même temps, l’opposition devra trouver des moyens de contourner les restrictions pour mobiliser ses électeurs, peut-être en misant sur des campagnes numériques ou des meetings plus localisés.
Pour les électeurs ivoiriens, ce scrutin est l’occasion de faire entendre leur voix dans un contexte où les libertés semblent fragilisées. Les semaines à venir seront cruciales pour déterminer si la Côte d’Ivoire peut surmonter ses divisions et avancer vers une démocratie plus robuste.
Le 25 octobre 2025, les Ivoiriens choisiront leur avenir. Mais à quel prix ?
En conclusion, la campagne électorale ivoirienne s’ouvre dans un climat de suspicion et de restrictions, où chaque décision des autorités est scrutée avec attention. Entre les interdictions de manifester, les exclusions de candidats et les débats constitutionnels, le chemin vers l’élection s’annonce semé d’embûches. Reste à savoir si les acteurs politiques sauront apaiser les tensions pour offrir aux Ivoiriens un scrutin juste et représentatif.