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Côte d’Ivoire : L’Opposition Face à un Choix Crucial

L'opposition ivoirienne, privée de ses figures majeures, hésite : boycott ou candidat commun pour 2025 ? Une lutte cruciale se profile... Découvrez les stratégies envisagées.

À l’approche de l’élection présidentielle de 2025 en Côte d’Ivoire, une question brûle les lèvres : comment l’opposition, privée de plusieurs de ses leaders emblématiques, peut-elle s’organiser pour défier le pouvoir en place ? La récente exclusion de figures majeures comme Tidjane Thiam, Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro a jeté un froid sur le paysage politique ivoirien. Ces décisions, entérinées par la publication de la liste électorale définitive le 4 juin, laissent l’opposition face à un dilemme stratégique. Boycott, candidature commune ou plan alternatif : quelles options s’offrent à elle pour peser dans un scrutin qui s’annonce décisif ?

Un Coup Dur pour l’Opposition Ivoirienne

Le choc est rude pour les partis d’opposition. La radiation de Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), de la liste électorale en avril, en raison d’une contestation de sa nationalité ivoirienne, a marqué les esprits. De même, Laurent Gbagbo, ancien président de 2000 à 2011, son ancien collaborateur Charles Blé Goudé, et l’ex-Premier ministre Guillaume Soro, aujourd’hui en exil, sont exclus en raison de condamnations judiciaires. Ces figures, piliers de l’opposition, se retrouvent non seulement interdites de candidature, mais également privées de leur droit de vote. Une situation qui soulève des questions sur l’équité du processus électoral.

« Les résultats d’une élection sans le PDCI ni le PPA-CI n’auront aucune légitimité. »

— Source proche de Tidjane Thiam

Une Réintégration : Mission Impossible ?

Pour que ces leaders puissent être réintégrés, il faudrait une révision de la liste électorale avant la clôture des candidatures, fixée au 26 août. Cependant, le président de la Commission électorale indépendante (CEI), Ibrahime Kuibiert Coulibaly, a douché les espoirs en jugeant ce calendrier irréaliste. De plus, pour Gbagbo, Blé Goudé et Soro, une amnistie serait nécessaire pour effacer leurs condamnations judiciaires. Cela impliquerait soit un vote du Parlement, soit une ordonnance du président Alassane Ouattara.

William Assanvo, chercheur à l’Institut d’études et de sécurité, est formel :

“Dans le contexte actuel, rien n’indique qu’une telle décision soit envisagée.”
Cette analyse souligne l’improbabilité d’un revirement, laissant l’opposition dans une position délicate. Le pouvoir, de son côté, se défend en affirmant que ces exclusions relèvent de décisions judiciaires indépendantes, une position qui ne convainc pas tous les observateurs.

Un Plan B à la Sénégalaise : Une Option Écartée ?

Face à ces obstacles, certains évoquent un scénario inspiré du Sénégal, où Ousmane Sonko, empêché de se présenter en 2024, avait propulsé son dauphin Bassirou Diomaye Faye vers la victoire. En Côte d’Ivoire, ni le PDCI ni le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo ne semblent prêts à adopter cette stratégie. Selon Francis Akindès, enseignant-chercheur à l’université de Bouaké, Gbagbo, figure centrale de son parti, “n’a jamais envisagé un tel scénario”. Il ajoute que cette génération de leaders “obstrue l’horizon politique des jeunes”.

Du côté du PDCI, l’idée de soutenir un autre candidat, comme Jean-Louis Billon, ancien ministre du Commerce et dissident du parti, est également écartée pour l’instant. Un proche de Tidjane Thiam confie :

“Si on met quelqu’un d’autre qui a une chance de l’emporter, il sera lui aussi éliminé.”
Cette méfiance traduit une crainte d’un système verrouillé par le pouvoir en place.

Leader Raison de l’exclusion Parti
Tidjane Thiam Contestation de nationalité PDCI
Laurent Gbagbo Condamnation judiciaire PPA-CI
Charles Blé Goudé Condamnation judiciaire Cojep
Guillaume Soro Condamnation judiciaire En exil

Le Boycott : Une Arme à Double Tranchant

Face à l’absence de plan B clair, l’idée d’un boycott électoral refait surface. Pourtant, Laurent Gbagbo avait déclaré en août 2023 :

“Plus jamais nous ne manquerons les élections.”
Cette position semblait écarter cette option, mais les récentes exclusions pourraient changer la donne. Une source proche du PDCI avertit :
“Les résultats d’une élection sans le PDCI ni le PPA-CI n’auront aucune légitimité.”
Un boycott pourrait ainsi être perçu comme un moyen de contester la crédibilité du scrutin.

Cependant, un boycott comporte des risques. Il pourrait marginaliser l’opposition et renforcer la mainmise du pouvoir en place. William Assanvo note que le PPA-CI dispose de capacités de mobilisation importantes, mais que le PDCI, historiquement moins enclin à des actions de rue, pourrait hésiter à s’engager dans cette voie. La création par Gbagbo du mouvement citoyen Trop c’est trop, destiné à porter des revendications sociales et à s’opposer à un éventuel quatrième mandat d’Alassane Ouattara, indique néanmoins une volonté de galvaniser la base populaire.

« À un moment, il faudra qu’on envahisse toutes les rues d’Abidjan. »

— Laurent Gbagbo, lors d’un discours récent

Une Coalition pour l’Unité : Réalité ou Mirage ?

Pour contrer le pouvoir, l’opposition s’est partiellement unie au sein de la Coalition pour l’alternance pacifique en Côte d’Ivoire (CAP-CI), qui regroupe des partis comme le PDCI et le Cojep de Charles Blé Goudé. Deux figures éligibles se détachent dans cette coalition : Simone Ehivet Gbagbo, ex-Première dame, et Pascal Affi N’Guessan, ancien Premier ministre. Pourtant, l’idée d’un candidat unique reste pour l’instant un vœu pieux. Les tensions internes, notamment entre Laurent Gbagbo et ses anciens alliés, compliquent la donne.

La CAP-CI se concentre pour l’heure sur des revendications plus larges, comme l’ouverture d’un dialogue politique et des réformes électorales. William Assanvo tempère les espoirs :

“Cette coalition n’est pas une alliance électorale, mais une plateforme pour demander un scrutin équitable. Une évolution semble peu probable.”
Cette fragmentation de l’opposition pourrait être un frein majeur à sa capacité à peser dans le scrutin.

La Mobilisation Populaire : Une Carte à Jouer ?

En l’absence d’une stratégie électorale claire, l’opposition pourrait se tourner vers la rue pour faire entendre sa voix. Laurent Gbagbo, avec son mouvement Trop c’est trop, semble miser sur cette carte. Ses appels à la “bagarre” et à “envahir les rues d’Abidjan” traduisent une volonté de mobiliser la population pour contester le pouvoir. Cependant, Francis Akindès met en garde :

“Ce qui se joue se passe entre l’élite politique, dont les jeunes ne se sentent pas proches.”
Cette déconnexion pourrait limiter l’impact d’une telle stratégie.

Le PDCI, de son côté, est moins coutumier des manifestations de masse. William Assanvo souligne que “descendre dans la rue n’est pas dans leur culture politique”. Cette divergence d’approche entre les deux principaux partis d’opposition illustre les défis d’une action concertée.

Les Enjeux d’une Élection sous Tension

À quelques mois de la présidentielle, la Côte d’Ivoire se trouve à un tournant. L’opposition, amputée de ses leaders, doit naviguer entre résignation et résistance. Voici les options qui s’offrent à elle :

  • Boycott du scrutin : Une stratégie risquée, mais qui pourrait délégitimer l’élection.
  • Candidat unique : Une alliance autour d’une figure comme Simone Ehivet Gbagbo ou Pascal Affi N’Guessan, bien que compliquée par les divisions internes.
  • Mobilisation populaire : Une option privilégiée par le PPA-CI, mais qui pourrait manquer de soutien au sein du PDCI.
  • Pression pour des réformes : Exiger un dialogue politique pour garantir un scrutin plus équitable.

Chaque choix comporte ses risques et ses opportunités. Un boycott pourrait isoler l’opposition, tandis qu’une candidature commune nécessiterait un compromis difficile. La mobilisation populaire, bien qu’efficace dans le passé pour le PPA-CI, pourrait ne pas suffire face à un pouvoir bien organisé. Enfin, les appels à des réformes électorales risquent de rester lettre morte sans une pression suffisante.

Vers un Scrutin Controversé ?

Le spectre d’un quatrième mandat d’Alassane Ouattara plane sur cette élection. Alors que le président n’a pas encore officialisé sa candidature, l’opposition voit dans les exclusions un moyen de lui ouvrir la voie. Cette perception renforce la méfiance envers le processus électoral et alimente les tensions. La question demeure : l’opposition parviendra-t-elle à surmonter ses divisions pour présenter un front uni ?

Pour l’heure, le flou domine. Les partis d’opposition doivent rapidement clarifier leur stratégie s’ils veulent peser dans un scrutin qui s’annonce aussi tendu que décisif. La création de mouvements citoyens comme Trop c’est trop pourrait marquer le début d’une mobilisation plus large, mais son succès dépendra de la capacité des leaders à rallier une population parfois désabusée par les jeux de l’élite politique.

« Le PPA-CI a des capacités de mobilisation, mais pour le PDCI, ça reste à confirmer. »

— William Assanvo, chercheur

En conclusion, l’opposition ivoirienne se trouve à la croisée des chemins. Entre boycott, unité fragile et mobilisation populaire, elle doit faire des choix audacieux pour espérer influencer l’avenir politique du pays. La présidentielle de 2025 s’annonce comme un test crucial, non seulement pour les partis d’opposition, mais aussi pour la stabilité et la démocratie en Côte d’Ivoire.

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