Et si une enveloppe de 7 millions d’euros pouvait changer le destin électoral d’un pays ? À sept mois d’une présidentielle cruciale, la Côte d’Ivoire se prépare à un scrutin qui pourrait soit apaiser les tensions, soit raviver de vieilles blessures. Marqué par un passé de violences électorales, ce pays d’Afrique de l’Ouest attire l’attention internationale avec un programme ambitieux lancé par l’Union Européenne, visant à garantir des élections transparentes et pacifiques. Mais dans un climat où la méfiance règne, cet investissement suffira-t-il à convaincre une population encore hantée par les conflits passés ?
Un Pari à 7 Millions pour la Paix
L’initiative, dévoilée récemment à Abidjan, porte un nom évocateur : *Tous engagés. Élections sans gbangban*. Derrière ce slogan, qui emprunte un terme d’argot local signifiant « conflit », se cache une ambition claire : éviter que les urnes ne se transforment en champ de bataille. Avec un budget de 7 millions d’euros, l’UE mise sur une stratégie à plusieurs volets pour accompagner ce pays de 29 millions d’habitants vers un scrutin exemplaire, prévu pour le 25 octobre 2025.
Éduquer pour Mobiliser
Le cœur de ce programme repose sur la jeunesse, qui représente une part significative de la population. Des contenus éducatifs, axés sur le civisme et l’importance de la participation démocratique, seront déployés pour sensibiliser les citoyens. L’idée ? Transformer les jeunes en acteurs d’un processus apaisé, loin des violences qui ont marqué les précédentes échéances.
Contribuer à des élections crédibles, apaisées et participatives, voilà notre objectif.
– Une source officielle de l’Union Européenne
Pour y parvenir, des campagnes ciblées seront menées, notamment dans les zones rurales et urbaines où le taux d’abstention ou de méfiance envers les institutions reste élevé. Ces efforts visent à **renforcer la confiance** dans un système électoral souvent critiqué pour son opacité.
700 Observateurs sur le Terrain
Outre l’éducation, le programme prévoit une présence massive sur le terrain. Pas moins de 700 observateurs issus de la société civile seront déployés lors de la présidentielle de 2025 et des législatives de 2026. Leur mission : surveiller le déroulement des scrutins, signaler toute irrégularité et garantir une certaine transparence.
- Observation des bureaux de vote dans les grandes villes.
- Contrôle des zones rurales souvent négligées.
- Rapports publics pour rassurer les électeurs.
Cette initiative s’accompagne d’un soutien logistique aux institutions responsables des élections. Des équipements modernes et une assistance technique seront fournis pour fluidifier le processus, de l’inscription des électeurs au dépouillement des bulletins.
Des Zones à Risque sous Surveillance
Le programme ne se contente pas d’une approche générale. Une quinzaine de localités jugées **à haut risque** ont été identifiées. Ces zones, où les tensions communautaires ou politiques sont palpables, bénéficieront d’actions spécifiques : dialogues intercommunautaires, ateliers de sensibilisation et présence renforcée d’observateurs.
Zone | Risque principal | Action prévue |
Région ouest | Tensions ethniques | Dialogue communautaire |
Grandes villes | Mobilisation violente | Renfort d’observateurs |
Ces efforts ciblés répondent à une réalité historique : les violences électorales ne surgissent pas au hasard. Elles naissent souvent dans des foyers de discorde bien connus, que ce programme entend désamorcer en amont.
Un Passé qui Pèse Lourd
Impossible de parler d’élections en Côte d’Ivoire sans évoquer les cicatrices du passé. En 2010-2011, une crise post-électorale avait plongé le pays dans le chaos, faisant environ **3 000 morts**. Plus récemment, le scrutin de 2020, qui avait vu la réélection controversée du président en place, avait coûté la vie à au moins 85 personnes. Ces chiffres résonnent comme un avertissement : la paix électorale n’est jamais acquise.
Un scrutin apaisé ne se décrète pas, il se construit. Chaque voix compte, mais chaque vie encore plus.
Face à ce lourd héritage, l’UE insiste sur son rôle de facilitateur, et non d’acteur principal. « Nous soutenons la cohésion sociale, pas un camp ou un candidat », a déclaré une représentante européenne lors du lancement. Une position qui se veut neutre, mais qui soulève des questions : une intervention étrangère peut-elle vraiment rester impartiale dans un contexte aussi polarisé ?
La Confiance au Cœur du Défi
Restaurer la foi des Ivoiriens dans leurs institutions électorales est un défi titanesque. Pour beaucoup, les scrutins riment avec fraude, exclusion ou répression. Le programme européen mise sur la transparence pour inverser cette tendance, mais les obstacles sont nombreux.
Nous voulons des élections réussies, transparentes et apaisées.
– Un responsable de la Commission électorale
À quelques jours de la publication d’une liste électorale provisoire, qui devrait recenser près de 9 millions d’électeurs, les critiques fusent déjà. L’opposition exige une révision de ce registre, craignant des manipulations. Dans un pays où près de la moitié de la population est mineure, chaque nom sur cette liste sera scruté avec attention.
L’Ombre des Candidatures Contestées
Un autre point de friction se profile : l’éligibilité des candidats. Certains leaders de l’opposition, dont un ancien chef d’État, pourraient être écartés en raison de condamnations judiciaires. Cette situation alimente les spéculations sur un possible retour des violences, surtout si des figures populaires sont exclues du jeu électoral.
- Condamnations pénales bloquant des candidatures.
- Risques de manifestations dans les grandes villes.
- Appels à la réforme de la justice électorale.
D’après une source proche du dossier, ces exclusions pourraient cristalliser les tensions, surtout dans un contexte où la légitimité des institutions est déjà mise en doute. Le programme de l’UE prévoit-il assez de garde-fous pour gérer une telle crise ?
Et Après ?
À l’approche du scrutin d’octobre 2025, tous les regards sont tournés vers la Côte d’Ivoire. Si ce programme réussit, il pourrait devenir un modèle pour d’autres nations confrontées à des défis similaires. Mais en cas d’échec, il risque de renforcer le scepticisme envers les interventions internationales dans les affaires locales.
Pour l’heure, les 7 millions d’euros injectés par l’UE représentent un espoir tangible. Reste à savoir si cet argent, combiné à une volonté politique et citoyenne, suffira à écrire une nouvelle page dans l’histoire électorale du pays. Une chose est sûre : le chemin vers des élections apaisées est semé d’embûches, et chaque pas compte.