Imaginez la scène : un mardi matin à Bruxelles, des policiers qui frappent aux portes de hauts responsables européens. Menottes, perquisitions, interrogatoires. Au centre de cette tempête judiciaire, une figure que l’on croyait intouchable : Federica Mogherini, ancienne Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères. L’information a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans les couloirs de l’Union européenne.
Un scandale qui frappe au cœur des institutions européennes
Le Parquet européen a annoncé mercredi l’inculpation de Federica Mogherini dans une affaire de corruption liée à l’attribution d’un important contrat de formation diplomatique. Deux autres personnes ont été mises en cause le même jour : Stefano Sannino, haut fonctionnaire de la Commission, et Cesare Zegretti, co-directeur du Collège d’Europe. Tous trois ont été interpellés mardi avant d’être remis en liberté sous conditions dans la nuit.
Ce qui rend l’affaire particulièrement sensible, c’est le lieu où elle se noue : le prestigieux Collège d’Europe à Bruges, dont Federica Mogherini est la rectrice depuis septembre 2020. Un établissement qui forme l’élite des futurs fonctionnaires et diplomates européens.
De quoi est-on exactement accusé ?
Les chefs d’accusation sont lourds :
- Fraude et corruption dans le cadre de marchés publics
- Conflit d’intérêts
- Violation du secret professionnel
- Favoritisme et concurrence déloyale
Au cœur de l’enquête : l’attribution, entre 2021 et 2022, d’un programme de formation pour futurs diplomates européens au Collège d’Europe. Ce programme, baptisé « Académie diplomatique de l’UE », a été financé par le Service européen pour l’action extérieure (EEAS), que Federica Mogherini dirigeait précisément de 2014 à 2019.
Les enquêteurs soupçonnent que l’appel d’offres ait été taillé sur mesure pour permettre au Collège d’Europe de l’emporter. Pire : que l’établissement ait été informé en amont des critères de sélection, lui donnant un avantage décisif sur les concurrents.
Des perquisitions tous azimuts
Mardi, la police belge a déployé d’importants moyens. Les locaux du Service européen pour l’action extérieure à Bruxelles ont été perquisitionnés, tout comme plusieurs bâtiments du Collège d’Europe à Bruges. Les domiciles des trois suspects ont également été fouillés.
Ces opérations ont conduit à l’interpellation des trois principaux mis en cause. Après une journée entière d’auditions, ils ont été libérés sous strictes conditions, mais l’inculpation reste bel et bien prononcée.
Les réactions officielles : entre choc et défense
Kaja Kallas, actuelle Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères depuis décembre 2024, n’a pas mâché ses mots. Dans une lettre adressée au personnel de l’EEAS, elle a qualifié les accusations de « profondément choquantes » tout en appelant à ne pas jeter l’opprobre sur l’ensemble des fonctionnaires.
« Nous coopérons pleinement à l’enquête, dans une transparence totale »
Kaja Kallas, Haute Représentante de l’UE
De son côté, Federica Mogherini s’est défendue avec vigueur mercredi soir. Elle a affirmé que le Collège d’Europe avait toujours respecté « les normes les plus élevées d’intégrité et d’équité » et s’est dite convaincue que la justice confirmerait le bien-fondé des actions de l’établissement.
Un départ en retraite précipité
L’un des trois inculpés, Stefano Sannino, a annoncé mercredi son départ en retraite anticipé. À 65 ans, ce directeur général de la Commission chargé du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et du Golfe, a informé ses équipes de sa décision immédiate.
Ce départ soudain, quelques heures seulement après l’annonce de son inculpation, interroge. Est-ce une manière de se mettre en retrait avant que l’affaire ne prenne plus d’ampleur ? Beaucoup à Bruxelles y voient déjà un signe de la gravité de la situation.
Le Parquet européen : un jeune organe déjà très actif
Créé officiellement en 2021, le Parquet européen représente une petite révolution dans le paysage judiciaire de l’Union. Contrairement à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), qui ne pouvait qu’enquêter et transmettre ses dossiers, ce nouvel organe a le pouvoir d’inculper et de traduire directement en justice.
Cette affaire Mogherini est l’une des plus médiatiques qu’il ait eu à traiter. Elle montre que personne, même parmi les plus hauts responsables ayant occupé les fonctions les plus prestigieuses, n’est à l’abri d’une enquête.
Le Collège d’Europe, une institution prestigieuse sous les projecteurs
Fondé après la Seconde Guerre mondiale, le Collège d’Europe à Bruges (et son campus de Natolin en Pologne) forme depuis des décennies l’élite européenne. Nombre de commissaires, de ministres, de hauts fonctionnaires en sont issus.
Que son actuelle rectrice soit aujourd’hui inculpée pour des faits liés à l’attribution d’un contrat financé par l’UE, alors qu’elle dirigeait précédemment le service qui a attribué ce même contrat, pose une question évidente de conflit d’intérêts.
Des précédents qui inquiètent
Cette affaire n’est pas isolée. Ces dernières années, plusieurs scandales ont éclaboussé les institutions européennes : affaires de corruption au Parlement, soupçons de favoritisme dans l’attribution de marchés publics, conflits d’intérêts chez d’anciens commissaires passés dans le privé.
Mais rarement une personnalité aussi emblématique que Federica Mogherini avait été directement visée par une procédure judiciaire de cette ampleur.
Quelles suites possibles ?
L’enquête a été confiée à un juge d’instruction basé à Ypres, en Flandre occidentale. Les investigations risquent de durer de longs mois, voire des années. D’ici là, les trois inculpés restent présumés innocents.
Mais politiquement, le dommage est déjà considérable. À un moment où l’Union européenne cherche à renforcer sa crédibilité et son image d’institutions irréprochables, cette affaire tombe au pire moment.
Elle rappelle cruellement que derrière les grands discours sur la transparence et l’État de droit, les mécanismes de contrôle restent parfois insuffisants face aux réseaux et aux anciennes solidarités.
Un système à réformer ?
Cette affaire relance le débat sur la « porte tournante » entre fonctions publiques européennes et postes dans des institutions financées par l’UE. Comment accepter qu’une ancienne Haute Représentante prenne la tête d’un établissement qui vit en grande partie de fonds européens, quelques mois seulement après avoir quitté ses fonctions ?
Les règles existent, mais leur application reste parfois laxiste. Ce scandale pourrait être l’électrochoc nécessaire pour durcir les contrôles et allonger les périodes de carence.
En attendant, Bruxelles retient son souffle. L’enquête ne fait que commencer. Et personne ne sait jusqu’où elle pourrait mener.
À retenir : Une ancienne des plus hautes fonctions de l’Union européenne est aujourd’hui inculpée pour des faits graves de corruption et de favoritisme. L’affaire illustre les failles persistantes dans le contrôle des marchés publics et des conflits d’intérêts au sein des institutions européennes.
L’Europe saura-t-elle tirer les leçons de ce nouveau scandale ? L’avenir nous le dira. Mais une chose est sûre : l’image d’impartialité et de rigueur que cherche à projeter l’Union en prend un sérieux coup.









