Alors que le Sénat français s’apprête à débattre d’une proposition visant à interdire l’accès aux corridas pour les moins de 16 ans, la question de la place des mineurs dans les arènes fait couler beaucoup d’encre. Cette mesure, inhabituelle parmi les pays taurins, soulève des interrogations sur la protection de la jeunesse face à un spectacle jugé violent par certains. Qu’en est-il chez nos voisins aficionados ? Tour d’horizon des réglementations en vigueur, de Madrid à Mexico.
Des critères variables selon les régions espagnoles
Berceau de la tauromachie, l’Espagne n’a pas mis en place d’interdiction nationale concernant la présence des mineurs aux corridas. Cependant, certaines régions ont adopté leurs propres règles, avec des critères d’âge différents :
- Au Pays basque, les moins de 16 ans doivent être accompagnés d’un adulte
- En Galice, l’accès est interdit aux enfants de moins de 12 ans
Le pays compte plus de 70 écoles de tauromachie selon le ministère de la Culture. Mais pour devenir matador, il faut avoir au moins 16 ans et avoir participé à un minimum de 25 novilladas, ces corridas opposant de jeunes toreros à de jeunes taureaux.
En Colombie, des règles locales en attendant l’interdiction
La Colombie a acté l’interdiction définitive de la corrida sur son territoire, qui entrera en vigueur en 2027. D’ici là, l’autorisation des corridas et la présence des mineurs dépendent des gouvernements locaux.
Ainsi, dans les villes de Cali et Manizales, les enfants sont encore admis aux corridas :
Les enfants de plus de 3 ans peuvent entrer avec un billet en main
selon les arènes de Manizales
La participation de mineurs en tant que toreros a déjà provoqué la controverse dans le pays, qui compte des centaines d’enfants formés dans des écoles de tauromachie.
Au Mexique, des décisions d’acteurs privés
S’il n’existe pas de réglementation nationale, certains établissements taurins mexicains ont mis en place leurs propres règles pour interdire l’accès aux corridas aux mineurs. Des sénatrices ont tenté ces dernières années de légiférer sur le sujet, sans succès jusqu’à présent.
La tauromachie est totalement prohibée dans 5 des 32 États mexicains. Mais 11 autres abritent des écoles de tauromachie accueillant des enfants dès 8 ans.
Les spécificités péruviennes : enfants autorisés, clergé interdit
Le Pérou présente un cas particulier. Si une décision de justice de 2021 interdit la participation des enfants toreros aux corridas pour les protéger, elle n’empêche pas les mineurs d’y assister en tant que spectateurs.
Autre spécificité locale : l’interdiction faite aux membres du clergé d’entrer dans les arènes, en vertu d’une bulle papale du 16e siècle toujours en vigueur ! Un comble dans un pays qui compte plus d’arènes (199) que de terrains de football (80).
Venezuela : des interdictions locales en attendant la loi
Au Venezuela, une loi contre la maltraitance animale, qui pourrait inclure l’interdiction définitive des corridas, est en cours d’examen au Parlement. En attendant son adoption, la tauromachie est d’ores et déjà prohibée dans certaines grandes villes comme Caracas ou Maracaibo.
Dans les États de Táchira et Mérida, où ont encore lieu des corridas, des écoles de tauromachie pour enfants forment la relève malgré la controverse.
Equateur : corridas sans mise à mort et sans mineurs
En Équateur, une consultation populaire initiée en 2011 sous la présidence de Rafael Correa a débouché sur l’interdiction de la mise à mort du taureau dans une majorité de cantons, dont celui de la capitale Quito.
Là où le spectacle reste autorisé, l’accès est interdit aux moins de 16 ans. Une mesure de protection de la jeunesse stricte comparée à d’autres pays taurins.
Portugal : un président aficionado contre l’interdiction aux mineurs
Au Portugal, l’ancien gouvernement socialiste avait voté en 2021 l’interdiction des corridas aux moins de 16 ans, à l’initiative d’un petit parti animaliste. Mais la loi a été retoquée par le président conservateur Marcelo Rebelo de Sousa, fervent défenseur de la tauromachie.
Résultat, la législation actuelle autorise l’accès aux arènes à partir de 12 ans. Entre 3 et 12 ans, les enfants doivent être accompagnés d’un adulte. Un statu quo qui fait grincer des dents les opposants à la corrida.
En France, un débat qui divise
Alors, la France va-t-elle franchir le pas en interdisant l’accès aux arènes aux mineurs de moins de 16 ans ? Le débat promet d’être animé au Sénat entre partisans de la protection de l’enfance et défenseurs des traditions locales.
Une question épineuse qui illustre les profondes divergences qui traversent notre société sur la délicate question de la place des enfants face à la violence, fût-elle considérée comme un art par ses aficionados. Affaire à suivre…
