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Corps sur une Plage : Petro Accuse les USA d’Assassinats

Deux corps mutilés échoués sur une plage colombienne. Le président Petro accuse directement l’armée américaine de les avoir exécutés lors de frappes antidrogue. Et si ces victimes étaient des citoyens dominicains innocents ? L’enquête promet d’être explosive…

Imaginez une plage déserte du nord de la Colombie, un petit village de pêcheurs battu par les vents des Caraïbes. Un matin ordinaire, deux corps mutilés échouent sur le sable, les bras arrachés, le visage méconnaissable. Ce qui aurait pu rester un fait divers tragique prend soudain une dimension internationale explosive : le président colombien lui-même accuse publiquement l’armée américaine d’avoir exécuté ces hommes lors d’opérations antidrogue en mer.

Deux corps sur une plage : le scandale qui secoue les Caraïbes

C’est une affaire qui commence comme un drame humain et se transforme rapidement en crise diplomatique majeure. Gustavo Petro, président de la Colombie, n’a pas hésité à pointer du doigt les États-Unis après la découverte macabre, la semaine dernière, de deux corps sur une plage du département de La Guajira, tout près de la frontière vénézuélienne.

Pour le chef de l’État colombien, il ne fait presque aucun doute : ces deux hommes seraient des citoyens dominicains tués lors de frappes aériennes américaines visant des embarcations suspectées de trafic de drogue.

Les déclarations choc de Gustavo Petro

Mercredi, le président a pris la parole sur le réseau social X (anciennement Twitter) avec une fermeté rare. Il a demandé l’ouverture immédiate d’une enquête par le parquet colombien et sollicité l’aide du président dominicain Luis Abinader pour identifier formellement les victimes.

« Il semblerait qu’il s’agisse de marins bombardés en mer des Caraïbes, apparemment des citoyens de la République dominicaine »

Gustavo Petro, président de la Colombie

Dans une vidéo partagée par le chef de l’État, on voit un habitant du village creuser une tombe directement dans le sable tandis qu’à quelques mètres gît l’un des corps, les bras sectionnés. Des images insoutenables qui ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux et des médias latino-américains.

Des opérations américaines très controversées

Depuis le début du mois de septembre, les forces armées américaines mènent une vaste campagne de frappes aériennes contre des navires suspectés de transporter de la drogue dans les Caraïbes et dans le Pacifique. Plus de vingt embarcations ont été détruites, et le bilan officiel fait état d’au moins 87 morts.

Mais un détail pose problème : aucune preuve publique n’a été présentée pour justifier que ces bateaux étaient réellement impliqués dans le narcotrafic. Ni photos, ni vidéos, ni témoignages vérifiés. Rien.

Cette absence de transparence alimente les critiques. Des experts en droit international et même des représentants de l’ONU ont publiquement remis en question la légalité de ces opérations. Peut-on bombarder des navires civils sans procès, sans preuves irréfutables, dans des eaux qui appartiennent à des États souverains ?

« Ce sont des assassinats » : la position sans concession de Petro

Gustavo Petro ne mâche pas ses mots. Pour lui, ces frappes relèvent purement et simplement d’exécutions extrajudiciaires. Il va même plus loin en rappelant un principe géographique et juridique fondamental :

« Il n’y a pas d’eaux internationales dans les Caraïbes. Toutes ces eaux appartiennent à nos nations caribéennes. »

En d’autres termes, selon le président colombien, les États-Unis n’ont aucune légitimité à mener des opérations militaires létales dans ces zones sans l’accord exprès des pays concernés.

Cette position n’est pas nouvelle chez Petro. Depuis son arrivée au pouvoir, il dénonce régulièrement ce qu’il considère comme des ingérences américaines et des violations du droit international dans la lutte antidrogue.

Un précédent judiciaire déjà en cours

L’affaire des deux corps de La Guajira n’est pas un cas isolé. Début décembre, la famille d’un pêcheur colombien tué lors d’une de ces mêmes frappes américaines a déposé une plainte historique devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), basée à Washington.

C’est la première fois qu’une plainte formelle concernant ces décès est portée devant un organisme international. Un signal fort qui pourrait ouvrir la voie à d’autres actions en justice.

Les familles des victimes, soutenues par des associations de défense des droits humains, exigent vérité et réparation. Elles affirment que beaucoup de ces « narco-embarcations » étaient en réalité des bateaux de pêcheurs pauvres, pris dans le feu croisé d’une guerre qui ne les concernait pas.

La Guajira, terre de tous les trafics

Le département de La Guajira n’a pas été choisi au hasard par le destin. Cette région désertique, parmi les plus pauvres de Colombie, est depuis longtemps un couloir privilégié pour le trafic de drogue vers les îles des Caraïbes et au-delà.

Mais c’est aussi une zone où des milliers de familles vivent de la pêche artisanale. Les frontières maritimes y sont floues, les contrôles rares, et la misère pousse parfois les habitants à accepter de transporter des paquets contre quelques billets.

Dans ce contexte, distinguer un véritable narco-trafiquant d’un pêcheur désespéré devient une tâche extrêmement complexe. Et les erreurs, quand elles se produisent à coups de missiles, sont irréversibles.

Une silence assourdissant côté américain

À l’heure où ces lignes sont écrites, aucune réaction officielle n’a été émise par Washington concernant les accusations directes du président colombien. Le Pentagone et le Commandement Sud (Southcom), responsables de ces opérations, n’ont pas commenté la découverte des corps ni les déclarations de Gustavo Petro.

Ce mutisme renforce le sentiment, dans une partie de l’Amérique latine, que les États-Unis se considèrent au-dessus des lois internationales dès lors qu’il s’agit de lutte contre la drogue.

Vers une crise diplomatique majeure ?

L’affaire pourrait rapidement prendre une tournure encore plus grave. Si les corps sont effectivement identifiés comme étant ceux de citoyens dominicains, Saint-Domingue pourrait à son tour exiger des explications et des comptes.

Entre Bogota, Washington et Saint-Domingue, les relations risquent de se tendre sérieusement. Et au-delà, c’est toute la coopération régionale en matière de sécurité et de lutte antidrogue qui pourrait être remise en question.

Car derrière cette tragédie humaine se pose une question de fond : jusqu’où un pays, même aussi puissant que les États-Unis, peut-il aller dans sa « guerre contre la drogue » sans rendre de comptes ?

Les plages de La Guajira, d’ordinaire si paisibles, sont devenues le théâtre d’un affrontement symbolique entre souveraineté nationale et hégémonie militaire. Et les deux corps échoués sur le sable pourraient bien être ceux qui feront basculer l’histoire.

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