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Corps en Mer : Petro Pointe une Frappe Américaine

Deux corps flottent au large de La Guajira. Pour Gustavo Petro, ils pourraient avoir été tués par une frappe américaine en mer. Enquête exigée, tensions avec Washington à leur paroxysme… Que s’est-il vraiment passé dans les Caraïbes ?

Imaginez la scène : au petit matin, des pêcheurs découvrent deux corps ballottés par les vagues au large d’un village perdu de La Guajira. Rien d’exceptionnel dans une région où la mer rejette parfois les victimes du narcotrafic. Sauf que cette fois, c’est le président colombien lui-même qui monte au créneau et pointe directement du doigt une opération militaire américaine. L’affaire prend aussitôt une dimension internationale explosive.

Une découverte qui secoue la frontière colombo-vénézuélienne

Jeudi dernier, les autorités ont récupéré deux corps flottant dans les eaux territoriales colombiennes, près du village de Puerto Lopez. Du côté vénézuélien, plusieurs autres cadavres ont également été signalés, sans que leur nombre exact soit encore confirmé. Les circonstances de ces décès restent floues. Aucune balle, aucune trace évidente de violence… juste des corps livrés à la mer.

C’est alors que Gustavo Petro, président de gauche de la Colombie, intervient publiquement sur le réseau social X. Il demande immédiatement une expertise médico-légale approfondie et une coordination avec le parquet vénézuélien. Sa phrase choc : « Ils ont peut-être été tués par une frappe en mer ».

Le contexte lourd des opérations américaines dans les Caraïbes

Depuis septembre, les États-Unis mènent une campagne musclée contre le narcotrafic dans la région. Près d’une vingtaine d’embarcations suspectes ont été bombardées, essentiellement en mer des Caraïbes. Le bilan officiel fait état de 87 morts. Washington justifie ces frappes par la nécessité de couper les routes maritimes de la cocaïne.

La Colombie, premier producteur mondial de cocaïne, se retrouve au cœur de cette guerre silencieuse. Mais Bogotá n’est plus l’allié docile d’antan. Depuis l’arrivée au pouvoir de Gustavo Petro, la coopération avec les États-Unis s’est fortement dégradée.

« Ces corps ont été retrouvés flottant dans la mer […] Ils ont peut-être été tués par une frappe en mer »

Gustavo Petro, président de la Colombie

Une relation bilatérale au bord de la rupture

Donald Trump, revenu au pouvoir, n’a jamais caché son mépris pour le dirigeant colombien de gauche. Il lui reproche ouvertement de ne pas en faire assez contre les cartels. Conséquence : sanctions financières personnelles contre Petro et ses proches, retrait de la Colombie de la liste des pays alliés dans la lutte antidrogue.

De son côté, le président colombien accuse Washington de s’immiscer dans les affaires intérieures et de vouloir influencer l’élection présidentielle de 2026 pour écarter la gauche du pouvoir. Chaque déclaration est une étincelle dans un baril de poudre.

Cette affaire de corps en mer devient donc bien plus qu’un fait divers. Elle cristallise des années de divergences profondes sur la meilleure façon de lutter contre le narcotrafic.

La guerre contre la drogue : une stratégie toujours contestée

Depuis des décennies, les États-Unis déversent des milliards de dollars pour éradiquer les cultures de coca et démanteler les cartels. Résultat ? La Colombie reste le premier producteur mondial. Les cultures de feuille de coca n’ont jamais été aussi étendues.

Gustavo Petro défend une approche radicalement différente : moins de répression militaire, plus de développement rural et de substitution des cultures. Une vision qui heurte frontalement la doctrine américaine, toujours centrée sur l’éradication forcée et les opérations coups de poing.

Les frappes en mer sont l’illustration la plus brutale de cette doctrine. Des bateaux interceptés, bombardés, coulés. Des équipages présumés narcotrafiquants tués sans procès. Pour Washington, c’est de la légitime défense. Pour beaucoup d’observateurs en Amérique latine, cela ressemble à des exécutions extrajudiciaires.

Que vont révéler les autopsies ?

L’enjeu est considérable. Si les expertises confirment la présence de traces d’explosifs ou de blessures compatibles avec une frappe aérienne ou navale, l’accusation de Petro deviendra extrêmement lourde à porter pour Washington.

À l’inverse, si les corps portent des traces de balles ou d’autres blessures, l’hypothèse d’un règlement de comptes entre trafiquants reprendra le dessus. Mais même dans ce cas, la simple évocation d’une frappe américaine aura déjà fait des dégâts diplomatiques.

La coordination demandée entre les autorités colombiennes et vénézuéliennes est rare. Elle montre à quel point l’affaire transcende les frontières et les rivalités habituelles entre Bogotá et Caracas.

La Guajira, terre de tous les trafics

Ce département désertique du nord-est colombien est depuis toujours une plaque tournante du narcotrafic. Sa côte découpée, ses villages wayuu, ses pistes clandestines en font un couloir idéal pour faire passer la cocaïne vers les Caraïbes et l’Europe.

Les go-fast, ces puissants hors-bord chargés à ras bord, filent nuit et jour vers les îles ou directement vers les côtes américaines. Les hélicoptères et drones américains surveillent la zone en permanence. Les affrontements sont fréquents, souvent mortels.

Pour les habitants, la mer charrie parfois des corps. C’est presque devenu une triste routine. Mais jamais un président n’avait osé publiquement accuser les États-Unis d’en être responsables.

Vers une crise diplomatique majeure ?

L’affaire arrive au pire moment. Les relations entre Bogotá et Washington n’ont jamais été aussi tendues depuis l’arrivée de Petro au pouvoir. Les sanctions personnelles de Trump contre le président colombien ont franchi une ligne rouge.

En pointant du doigt une possible frappe américaine, Petro joue gros. S’il a raison, il met les États-Unis face à leurs responsabilités. S’il a tort, il s’expose à une humiliation internationale.

Mais dans les deux cas, le message est clair : la Colombie ne veut plus être traitée comme un vassal dans la guerre contre la drogue. Elle revendique sa souveraineté, même au prix d’un affrontement direct avec la première puissance mondiale.

Les prochains jours seront décisifs. Les résultats des autopsies, les éventuelles images satellite, les témoignages des pêcheurs… tout sera scruté. Une chose est sûre : cette découverte macabre au large de La Guajira pourrait marquer un tournant dans les relations entre la Colombie et les États-Unis.

Et pendant ce temps, dans les eaux turquoise des Caraïbes, d’autres embarcations continuent de filer dans la nuit, chargées de leur cargaison mortelle. La guerre, elle, ne s’arrête jamais.

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