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Corée du Sud : Le Régulateur Crypto Se Fige Face aux Nouvelles Règles

Le comité crypto sud-coréen n’a plus tenu une seule réunion depuis mai. Au même moment, Séoul prépare une bombe réglementaire : les exchanges devront indemniser TOUS les hacks, même sans faute prouvée. La Corée va-t-elle devenir le pays le plus dur pour les plateformes crypto ?

Imaginez une salle de réunion ultra-moderne à Séoul, écran géant affichant encore les cours du Bitcoin à 90 000 dollars, des chaises vides depuis des mois et une épaisse couche de poussière sur les documents « Virtual Assets Committee ». C’est la réalité actuelle du régulateur crypto sud-coréen, un an seulement après son lancement en grande pompe.

Un comité fantôme au cœur de la tempête politique

Lancé fin 2024 avec l’ambition de faire de la Corée du Sud un hub crypto asiatique, le Virtual Assets Committee (VAC) devait coordonner l’ensemble des politiques sur les actifs numériques. Résultat ? Aucune réunion depuis le mois de mai 2025. Le silence est assourdissant.

L’impeachment du président Yoon Suk-yeol en décembre 2025 a tout bouleversé. Son successeur, Lee Jae-myung, a clairement changé de cap. Exit les promesses de dérégulation et d’ouverture aux investissements institutionnels en crypto. La nouvelle administration préfère visiblement booster la bourse traditionnelle plutôt que de libéraliser les actifs numériques.

Conséquence directe : la feuille de route qui prévoyait d’autoriser les entreprises cotées à détenir du Bitcoin ou de l’Ethereum d’ici fin 2025 semble enterrée pour de bon.

La bombe de la responsabilité stricte

Pendant que le comité dort, la Financial Services Commission (FSC) avance à marche forcée sur un terrain bien plus explosif : l’introduction de la responsabilité sans faute pour les plateformes d’échange.

Concrètement, en cas de hack ou de panne système, l’exchange devra indemniser les utilisateurs sans que ceux-ci aient à prouver la moindre négligence. C’est exactement le régime appliqué aujourd’hui aux accidents de la route ou aux catastrophes industrielles en Corée du Sud.

Ce principe existe déjà pour les institutions financières traditionnelles via l’Electronic Financial Transactions Act. Les plateformes crypto, elles, évoluaient jusqu’ici dans un vide juridique total. Le hack d’Upbit fin novembre 2025 a servi de détonateur.

« La sécurité des systèmes représente le sang même des marchés d’actifs virtuels »

Lee Chan-jin, gouverneur du Financial Supervisory Service

Upbit et les chiffres qui font mal

Le 27 novembre 2025, entre 4h42 et 5h36 du matin, Upbit subit une attaque de 54 minutes. Des quantités massives de tokens basés sur Solana sont transférées vers des portefeuilles externes. Les autorités ont rapidement pointé du doigt le groupe Lazarus, lié à la Corée du Nord.

Mais le plus gênant, c’est le bilan global : entre 2023 et septembre 2025, les cinq plus gros exchanges coréens ont déclaré 20 incidents cyber touchant plus de 900 utilisateurs. Upbit à lui seul cumule six incidents et 616 victimes.

Incidents cyber majeurs (2023-sept. 2025)

  • Upbit : 6 incidents → 616 utilisateurs impactés
  • Bithumb : 4 incidents → 326 utilisateurs
  • Coinone : 3 incidents → 47 utilisateurs
  • Total : plus de 900 victimes

Aujourd’hui, aucune loi ne permet de sanctionner directement les exchanges en cas de faille. Le nouveau texte va combler ce vide de façon radicale.

Ce que les nouvelles règles vont changer concrètement

Les plateformes devront :

  • Maintenir des effectifs, infrastructures et systèmes informatiques au niveau des banques traditionnelles
  • Soumettre chaque année un plan technologique détaillé aux régulateurs
  • Indemniser automatiquement les pertes liées à un hack ou une panne (sauf faute lourde de l’utilisateur)
  • Payer des amendes pouvant atteindre 3 % du chiffre d’affaires annuel

Pour les exchanges, c’est un choc. Les coûts d’assurance et de cybersécurité vont exploser. Certaines petites plateformes risquent tout simplement de ne pas survivre à ces exigences.

À l’inverse, les utilisateurs y gagnent une protection inédite en Asie. La Corée du Sud pourrait devenir le pays où il est le plus sûr de trader… mais aussi l’un des plus chers et des plus rigides.

Une stratégie politique claire : la bourse plutôt que la crypto

Le message de la nouvelle administration est limpide : priorité absolue à la relance du Kospi et du Kosdaq. Les autorités préfèrent voir les capitaux affluer vers les actions plutôt que vers le Bitcoin ou les altcoins.

Le plan initial de Yoon – ouvrir progressivement le marché aux institutionnels, autoriser les ETF spot, créer un environnement favorable – a été purement et simplement rangé au placard.

Lee Jae-myung et son parti misent sur une autre carte : transformer la Corée en hub de la tokenisation d’actifs réels (immobilier, obligations, œuvres d’art) mais sous un contrôle étatique extrêmement strict.

Les exchanges se préparent déjà à la tempête

Chez Upbit, Bithumb ou Korbit, on ne perd pas de temps. Les équipes compliance et cybersécurité sont renforcées à marche forcée. Des discussions sont en cours avec les grands assureurs mondiaux pour couvrir le risque de responsabilité sans faute.

Certains observateurs prédisent une consolidation rapide du marché : seuls les acteurs les plus solides financièrement survivront. Les petits exchanges pourraient être rachetés ou tout simplement fermer boutique.

Et les utilisateurs dans tout ça ?

Paradoxalement, les traders coréens pourraient y gagner. Une indemnisation automatique en cas de hack, c’est du jamais-vu dans le monde crypto. Exit les mois de bataille juridique pour récupérer ses fonds.

Mais il y a un revers : les frais de transaction risquent d’augmenter fortement pour couvrir les nouvelles primes d’assurance. Et la liquidité pourrait diminuer si certaines paires sont délistées pour limiter les risques.

Enfin, la Corée du Sud reste l’un des marchés les plus actifs au monde en volume crypto. Toute restriction excessive pourrait pousser les traders les plus aguerris vers des plateformes offshore ou décentralisées.

Vers un modèle unique au monde ?

En combinant protection maximale des utilisateurs et contraintes extrêmes pour les plateformes, la Corée du Sud s’apprête à créer un modèle réglementaire qui n’a pas d’équivalent.

Plus protecteur que le Japon, plus strict que Singapour, plus rapide que l’Europe avec sa MiCA : Séoul pourrait devenir la référence en matière de régulation crypto « à la dure ».

Reste une question : ce modèle ultra-protecteur va-t-il attirer les capitaux institutionnels… ou les faire fuir vers des juridictions plus souples ? La réponse, on l’aura probablement dès 2026.

En attendant, une chose est sûre : le rêve d’un « Crypto Hub » à la sud-coréenne version 2024 est bel et bien terminé. Place à la forteresse régulée.

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