C’est un moment décisif qui se profile pour le président sud-coréen Yoon Suk Yeol. Suspendu de ses fonctions depuis le 14 décembre dernier suite à l’adoption d’une motion de destitution à son encontre, il va devoir affronter pour la première fois ce mardi la justice dans le cadre de son procès en destitution. L’enjeu est de taille pour le dirigeant conservateur : soit il perd définitivement son titre de président, soit il effectue un retour fracassant aux affaires. Le verdict final, qui doit tomber d’ici la mi-juin, est entre les mains des huit juges de la Cour constitutionnelle.
Une décision aux lourdes conséquences
Pour entériner la sanction et démettre définitivement Yoon Suk Yeol de ses fonctions, six voix sont requises parmi les juges. Si ce seuil fatidique est atteint, une nouvelle élection présidentielle devra alors être organisée dans les 60 jours, bouleversant le paysage politique sud-coréen. Dans le cas contraire, le président déchu retrouvera son fauteuil, mais avec une légitimité fortement ébranlée par cette crise sans précédent.
La loi martiale, élément déclencheur
Tout a basculé le 3 décembre dernier, lorsque Yoon Suk Yeol a brutalement déclaré la loi martiale, ravivant le spectre de la dictature militaire qui a longtemps étouffé la démocratie sud-coréenne. Cette décision, vécue comme un véritable coup de force par l’opposition, a immédiatement suscité un tollé. Des milliers de manifestants prodémocratie sont descendus dans les rues pour crier leur indignation, pendant qu’au Parlement, les députés réussissaient in extremis à déjouer les plans présidentiels.
Enquêtes tous azimuts et soutiens divisés
Depuis sa suspension, les ennuis judiciaires s’accumulent pour le président déchu. Visé par de multiples enquêtes, dont une pour « rébellion » passible de la peine de mort, il snobe les convocations à répétition de l’agence anticorruption en charge des investigations criminelles. D’après des sources proches du dossier, son « refus continu de coopérer » pourrait jouer en sa défaveur lors du procès en destitution.
Mais Yoon Suk Yeol peut encore compter sur le soutien indéfectible d’une partie de ses partisans, prêts à tout pour le défendre. Dimanche à l’aube, des centaines d’entre eux ont ainsi pris d’assaut le tribunal responsable de son maintien en détention, faisant des dizaines de blessés parmi les forces de l’ordre. Un signe supplémentaire des profondes divisions qui minent la société sud-coréenne autour de cette crise politique inédite.
« Restaurer son honneur »
Malgré la gravité des accusations portées contre lui, le président déchu n’entend pas baisser les bras. Déterminé à se « battre jusqu’au bout » d’après son équipe juridique, il a promis d’assister à l’audience de mardi avec un objectif en tête : « restaurer son honneur » en expliquant « la légitimité de la loi martiale ». Une ligne de défense qui s’annonce pour le moins compliquée, au vu de l’impopularité record de cette mesure liberticide.
L’avenir de la démocratie en question
Au-delà du sort personnel de Yoon Suk Yeol, c’est l’avenir même de la jeune démocratie sud-coréenne qui se joue dans ce procès retentissant. Beaucoup craignent qu’une éventuelle destitution n’ouvre la voie à une grave crise institutionnelle et ne déstabilise durablement le pays. À l’inverse, un maintien au pouvoir du dirigeant décrié pourrait attiser les braises de la colère populaire et relancer la contestation.
Quoi qu’il en soit, cette séquence politique chaotique aura laissé des traces profondes. Elle rappelle que malgré des progrès indéniables ces dernières décennies, la démocratie sud-coréenne reste fragile et inachevée. Un constat amer pour tous ceux qui espéraient tourner définitivement la page des heures sombres de la dictature. Les prochains mois s’annoncent déterminants pour savoir si la Corée du Sud parviendra à surmonter cette épreuve ou si elle s’enfoncera dans une spirale délétère. Le président Yoon joue son va-tout, le pays retient son souffle.