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Coran Européen : 10M€ de l’UE, Polémique et Enjeux

Un projet de 10M€ explore l’impact du Coran en Europe, mais suscite une vive polémique. Science ou idéologie ? Découvrez les enjeux de ce débat brûlant...

Imaginez un projet qui, avec près de 10 millions d’euros de financement, ambitionne de redessiner notre compréhension de l’histoire européenne. Depuis 2019, un programme de recherche audacieux, baptisé European Qur’an ou EuQu, explore l’influence du Coran sur la culture et la pensée européennes entre le XIIe et le XIXe siècle. Mais ce projet, financé par l’Union européenne, ne se contente pas de fouiller les archives : il soulève une tempête de débats, entre rigueur scientifique et accusations d’agenda idéologique. Alors, de quoi s’agit-il vraiment ?

Un Projet Ambitieux au Cœur de l’Histoire

Le programme EuQu, lancé en 2019 et prévu jusqu’en 2026, réunit une trentaine de chercheurs issus d’universités européennes prestigieuses, de Madrid à Copenhague, en passant par Nantes et Naples. Leur mission ? Étudier comment le texte sacré de l’islam a façonné, directement ou indirectement, la diversité religieuse et culturelle de l’Europe entre 1150 et 1850. Ce n’est pas une simple étude académique : le projet vise à démontrer que le Coran n’est pas un élément étranger à l’histoire européenne, mais un acteur clé dans son développement intellectuel.

L’initiative, soutenue par une subvention Synergy Grant de 9,8 millions d’euros du Conseil européen de la recherche (ERC), s’inscrit dans une démarche d’excellence scientifique. Elle explore les traductions, interprétations et usages du Coran par des penseurs chrétiens, juifs, athées ou musulmans en Europe. Mais ce qui intrigue, c’est l’ambition affichée : remettre en question les perceptions établies sur l’identité européenne et montrer que l’islam y a toujours eu sa place.

Une Exploration Historique aux Multiples Facettes

Le projet ne se limite pas à des publications savantes. Il s’articule autour de plusieurs axes concrets :

  • Recherche approfondie : Étude des manuscrits coraniques, de leurs traductions et de leur réception dans divers contextes européens.
  • Expositions itinérantes : Des expositions à Tunis, Vienne, Nantes, et bientôt Budapest ou Grenade, pour présenter les apports du Coran à un large public.
  • Publications accessibles : Un livre grand public, Le Coran Européen, et une bande dessinée, Safar, l’histoire du Coran en Europe, pour démocratiser les résultats.
  • Base de données : Un répertoire numérique des manuscrits et textes liés au Coran en Europe.

Ces initiatives visent à rendre l’histoire tangible. Par exemple, l’exposition à la médiathèque Jacques-Demy de Nantes, ouverte jusqu’à fin août 2025, met en lumière des objets, livres et tableaux illustrant l’apport intellectuel du Coran. Des premières traductions latines du XIIe siècle aux débats des Lumières, le projet montre comment le texte sacré a suscité fascination, controverses et inspirations.

Une Polémique qui Divise

Malgré son ambition académique, le projet EuQu est loin de faire l’unanimité. Dès son lancement, il a été qualifié de « provocation » par certains, y compris par l’un de ses codirecteurs, un historien américain basé à Nantes. Ce terme, Coran Européen, ne passe pas inaperçu : il suggère une réécriture de l’histoire qui heurte les sensibilités de ceux qui associent l’identité européenne à ses racines gréco-romaines et chrétiennes.

Des critiques, notamment issues de la droite politique, dénoncent une tentative d’islamisation de la connaissance. Une anthropologue française, spécialiste des réseaux islamistes, a publiquement accusé le projet de servir les intérêts d’une idéologie proche des Frères musulmans. Ces allégations ont trouvé un écho auprès de figures politiques, comme un eurodéputé qui a interpellé la Commission européenne, dénonçant une « réécriture idéologique » financée par des fonds publics.

« Parler de Coran européen, c’est un peu une provocation », a reconnu l’un des codirecteurs du projet lors de sa présentation publique.

Cette controverse a pris une telle ampleur que l’historien principal du projet a dû se défendre. Dans une lettre adressée à des responsables scientifiques et politiques, il rejette catégoriquement tout lien avec des mouvements idéologiques et appelle à protéger l’indépendance de la recherche. Une plainte pour diffamation serait même en préparation, soutenue par l’université nantaise.

Le Coran dans l’Histoire : Un Rôle Méconnu ?

Pour comprendre la portée du projet, il faut plonger dans l’histoire. Dès le IXe siècle, le Coran est traduit en grec, puis en latin au XIIe siècle. Ces traductions, souvent réalisées par des clercs chrétiens, visaient à mieux comprendre l’islam pour le réfuter. Pourtant, elles ont aussi ouvert la voie à des lectures plus nuancées. Par exemple :

  • Au XIIe siècle, des théologiens utilisaient le Coran pour enrichir leurs débats sur la foi.
  • Au XVIe siècle, Martin Luther préfaça une traduction du Coran pour critiquer à la fois l’islam et le catholicisme.
  • Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les penseurs des Lumières voyaient dans le Coran une célébration de la raison et de la religion naturelle.

Ces exemples montrent que le Coran n’était pas un simple objet de rejet. Il a influencé des disciplines variées, de la théologie à la littérature, en passant par le droit. Les chercheurs d’EuQu soutiennent que ces échanges ont contribué à façonner une identité européenne plus diverse qu’on ne le pense souvent.

Un Financement Sous Scrutin

Le budget de 9,8 millions d’euros, proche du plafond des subventions Synergy Grant, alimente les critiques. Comparé à d’autres projets scientifiques, comme ceux en informatique quantique, ce montant semble colossal pour une recherche en sciences humaines. L’ERC défend ce choix, arguant que l’excellence scientifique est le seul critère d’évaluation. Mais pour beaucoup, cette somme soulève des questions sur les priorités de l’UE.

Projet Financement Domaine
Coran Européen 9,8M€ Histoire/Culture
Informatique Quantique (2013) 15M€ Technologie

Les détracteurs estiment que ces fonds pourraient être mieux utilisés pour des recherches aux retombées plus immédiates. Pourtant, les défenseurs du projet rappellent que comprendre l’histoire des échanges culturels peut apaiser les tensions identitaires actuelles.

Science ou Idéologie ? Le Débat Persiste

Le cœur de la polémique réside dans une question : ce projet est-il purement scientifique, ou cache-t-il un agenda politique ? Les accusations de proximité avec des réseaux islamistes, notamment via la participation de certains chercheurs, ont jeté de l’huile sur le feu. Un chercheur associé, par exemple, a traduit des textes liés aux Frères musulmans, ce qui alimente les soupçons.

« Nous sommes des historiens, nous réécrivons constamment l’histoire grâce au fruit de nos recherches », déclare un codirecteur du projet.

Les porteurs du projet insistent sur leur rigueur méthodologique. Ils rejettent les accusations d’idéologie, affirmant que leur travail vise à éclairer, non à provoquer. Pourtant, le choix des termes, comme Coran Européen, et l’accent mis sur l’inclusivité soulèvent des questions sur l’impact sociétal recherché par l’UE.

Un Geste Citoyen pour Dépolariser

Face aux critiques, les chercheurs d’EuQu défendent une ambition plus large : informer pour apaiser. Les expositions, comme celle de Nantes, ne cherchent pas à glorifier l’islam, mais à montrer son rôle historique dans un dialogue avec d’autres traditions. « C’est un geste citoyen », explique un historien, « pour parler de l’islam sans stéréotypes ».

Cette démarche trouve un écho dans un contexte européen marqué par des débats sur l’immigration et l’identité. En montrant que l’islam a influencé l’Europe bien avant les migrations modernes, le projet veut déconstruire l’idée d’un islam « exogène ». Mais ce message, bien que scientifique, peine à convaincre ceux qui y voient une menace à l’identité européenne.

Vers un Dialogue ou une Fracture ?

Le projet EuQu, avec ses expositions, son livre et sa bande dessinée, ambitionne de toucher un large public. Mais il se heurte à une réalité : l’histoire, surtout lorsqu’elle touche à la religion, est un terrain miné. Chaque mot, chaque initiative est scruté, interprété, parfois déformé. Ce programme, financé par l’UE, illustre les tensions entre recherche académique et sensibilités politiques.

En fin de compte, le débat autour du Coran Européen pose une question essentielle : peut-on étudier l’histoire sans rouvrir les blessures du présent ? Alors que le projet se poursuit jusqu’en 2026, il continuera sans doute d’alimenter les discussions, entre ceux qui y voient une avancée scientifique et ceux qui craignent une réécriture biaisée de l’histoire.

Un projet qui divise, mais qui invite à réfléchir : l’histoire européenne est-elle prête à accueillir toutes ses influences ?

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