C’est l’heure de vérité à la COP16 biodiversité en Colombie. Après 12 jours d’intenses négociations, l’issue du sommet crucial pour enrayer l’effondrement du vivant est plus incertaine que jamais. La pomme de discorde : le financement de la protection de la nature, qui divise profondément pays riches et pays en développement.
Un gouffre financier pour sauver la planète
Les besoins sont colossaux : selon les estimations, il faudrait mobiliser 200 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour préserver la biodiversité mondiale. Un effort auquel les pays en développement, en première ligne face à la crise écologique, ne peuvent faire face seuls. Ils attendent des pays riches qu’ils mettent la main au portefeuille, à hauteur d’au moins 30 milliards de dollars annuels.
Mais pour l’instant, le compte n’y est pas. En 2022, les financements des pays développés plafonnaient autour de 15 milliards de dollars seulement, indique l’OCDE. Très loin de l’objectif, et du partage équitable des efforts.
Le casse-tête du financement, facteur de blocage
Pour sortir de l’impasse, les pays du Sud, emmenés par le groupe africain, réclament la création d’un nouveau fonds multilatéral dédié à la biodiversité. L’actuel Fonds pour l’environnement mondial est jugé inadapté et insuffisant face à l’ampleur des besoins.
Mais les pays développés traînent des pieds, peu enclins à délier les cordons de la bourse. Ils mettent en avant la mobilisation plus efficace de financements existants, publics et privés, plutôt que de nouvelles promesses. Une position inacceptable pour les pays les plus vulnérables.
Un compromis bancal pour sauver les meubles ?
Face à ce dialogue de sourds, la présidence colombienne de la COP16 a tenté un compromis de dernière minute ce vendredi. Elle propose de poursuivre les discussions sur les modalités de financement… jusqu’à la prochaine COP en 2026, en Arménie. Une façon de repousser le problème sans le résoudre, au risque de décevoir sur toute la ligne.
Nous sommes totalement déçus. Il n’y a pas de création du fonds dédié à la biodiversité, il n’y a pas de mesures fortes pour pousser les pays développés à respecter leurs engagements.
Daniel Mukubi, négociateur de la République démocratique du Congo
Sans accord ambitieux sur le financement, c’est toute la crédibilité de la COP16 et des objectifs adoptés qui est remise en cause. Car sans argent, difficile de mettre en œuvre concrètement les mesures de protection et de restauration des écosystèmes.
Un épilogue en forme de rendez-vous manqué
Alors que le compte à rebours est enclenché, un échec retentissant n’est pas à exclure. Les négociations pourraient se prolonger jusqu’à samedi, sans garantie de déboucher sur un accord satisfaisant. Beaucoup craignent au contraire un «Copenhague de la biodiversité», en référence à l’échec cuisant de la conférence sur le climat en 2009.
Ce bras de fer autour du financement est un avant-goût des âpres batailles à venir sur le front climatique. Lors de la COP29 qui s’ouvre en novembre à Bakou en Azerbaïdjan, la question des financements sera à nouveau au cœur des débats. Mais sur des montants 10 fois supérieurs…
Une chose est sûre : sans une mobilisation financière bien plus importante des pays riches, le combat pour la sauvegarde du vivant risque de rester lettre morte. L’avenir de millions d’espèces est en jeu. Mais l’addition, elle, s’annonce particulièrement salée.