En Colombie, un décret gouvernemental visant à protéger l’environnement en créant de nouvelles zones de conservation naturelle suscite une vive controverse. Des milliers de mineurs et de paysans ont manifesté mardi dans plusieurs régions du pays, bloquant les routes avec des camions et des troncs d’arbres. Ils s’opposent à ce décret adopté en janvier, qui restreint leurs activités économiques dans les zones concernées.
Un sommet sur la biodiversité sur fond de tensions
Paradoxalement, ces manifestations ont lieu alors que la Colombie accueille jusqu’au 1er novembre la COP16, un important sommet des Nations unies sur la biodiversité. Le président de gauche Gustavo Petro, fervent défenseur de l’environnement, espère donner une visibilité internationale à son ambitieux programme écologique à cette occasion.
Mais les manifestants l’accusent de les tromper au nom de l’environnement. Ivonne González, présidente d’une association de mineurs, s’est indignée sur une radio locale : « Ne trompez pas les gens, ne nous trompez pas en disant que c’est pour l’environnement (…) ne venez pas à la COP en disant que c’est la paix avec la nature ».
Des réserves naturelles contestées
Le décret en question délimite de nouvelles réserves naturelles où l’exploitation minière et agricole sera interdite. Les paysans dénoncent le fait qu’ils ne pourront plus cultiver dans les vastes zones de páramos, ces écosystèmes de haute montagne jouant un rôle clé dans le stockage de l’eau.
De leur côté, les mineurs exigent que le gouvernement tienne ses promesses de formaliser l’activité pour ceux qui ne sont pas liés à des groupes armés. Pendant les décennies de conflit interne en Colombie, de nombreux groupes armés se sont financés grâce à l’exploitation illégale de l’or et au trafic de drogue. Selon Ivonne González, le décret « livre les territoires à l’illégalité, car nous, qui sommes légaux, deviendrons illégaux ».
Un défi pour la transition écologique
Pour le ministre des Mines et de l’Énergie Andrés Camacho, il faut « parvenir à un accord, un consensus (…) sur la manière de retirer l’exploitation minière de certains territoires qui ont des écosystèmes stratégiques ». Un défi de taille dans un pays où le secteur minier représentait 28,4% des exportations en 2023.
Le président Petro a lancé un plan d’investissement de 40 milliards de dollars pour sortir de la dépendance au pétrole et au charbon. Mais l’opposition rejette ses discours contre « l’extractivisme » et prône une transition progressive pour ne pas compromettre l’économie et les finances du pays.
Vers un compromis entre économie et écologie ?
Ces manifestations illustrent toute la difficulté de concilier protection de l’environnement et activités économiques dont dépendent de nombreuses populations. La Colombie, comme beaucoup de pays en développement riches en ressources naturelles, se trouve face à un dilemme : préserver ses écosystèmes exceptionnels ou continuer à exploiter ses matières premières pour soutenir son économie.
Le gouvernement va devoir faire preuve de pédagogie et de dialogue pour convaincre les acteurs concernés du bien-fondé de sa politique environnementale. Il devra aussi proposer des alternatives économiques crédibles aux communautés affectées par les restrictions d’activités. La transition écologique ne pourra se faire sans l’adhésion de la population et sans mesures d’accompagnement social.
La tenue de la COP16 sur la biodiversité en Colombie offre une occasion unique de mettre ces enjeux sur le devant de la scène internationale. Reste à trouver le bon équilibre entre les impératifs écologiques et les réalités socio-économiques du pays. Un défi qui résonne bien au-delà des frontières colombiennes, à l’heure où l’humanité doit repenser son rapport à la nature pour enrayer la crise climatique et l’effondrement de la biodiversité.