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Controverse historique sur la frontière Maroc-Algérie : l’affaire Boualem Sansal

L'arrestation de Boualem Sansal en Algérie pour ses propos sur la frontière maroco-algérienne à l'époque coloniale enflamme les passions. L'écrivain, connu pour sa critique de l'islamisme, est accusé d'atteinte à la souveraineté. Retour sur une affaire explosive qui ravive les tensions historiques...

Les déclarations de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal sur l’histoire de la frontière entre le Maroc et l’Algérie ont déclenché un séisme politique et médiatique de part et d’autre de la Méditerranée. Arrêté et poursuivi en Algérie pour « atteinte à la sûreté de l’État », l’auteur de 73 ans, connu pour sa critique acerbe de l’islamisme, se retrouve au cœur d’une polémique brûlante qui ravive les tensions historiques entre les deux pays.

Une frontière héritée de la colonisation française

Tout est parti d’une interview accordée le 2 octobre dernier au média Frontière, dans laquelle Boualem Sansal affirme que « toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc » au moment de la conquête française en 1830. Selon lui, c’est « la France qui a décidé arbitrairement de tracer une frontière », séparant notamment les villes de Tlemcen et Oran du territoire marocain. Des propos qui font écho à la bataille d’Isly en 1844, qui avait vu la France infliger une sévère défaite au sultan marocain près d’Oujda.

En exaltant le mythe d’Al-Andalus, Macron pense gagner le respect des musulmans mais ne suscite que leur mépris.

Boualem Sansal, écrivain franco-algérien

L’Algérie voit rouge

Ces déclarations ont immédiatement fait bondir les autorités algériennes. Pour Alger, il s’agit ni plus ni moins que d’une remise en cause de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays. L’agence de presse officielle APS dénonce « une campagne hostile » menée par des lobbys « anti-algériens » et « pro-sionistes », visant à déstabiliser le pays en « falsifiant son Histoire ». L’arrestation de Boualem Sansal semble donc traduire la volonté du régime de faire un exemple.

L’écrivain, bête noire du pouvoir algérien

Il faut dire que l’auteur du « Village de l’Allemand » et du « Serment des barbares », lauréat du Grand Prix de la francophonie, n’en est pas à sa première controverse. Farouche opposant à l’islamisme qu’il n’a cessé de dénoncer dans ses œuvres, il a souvent eu maille à partir avec le pouvoir algérien. Son arrestation intervient d’ailleurs quelques jours après une autre sortie remarquée, dans laquelle il accusait le président Emmanuel Macron d’attiser le « mythe d’Al-Andalus » pour « gagner le respect des musulmans ».

Une affaire dans un contexte tendu

Cette affaire intervient dans un contexte de vives tensions entre l’Algérie et le Maroc, dont les relations diplomatiques sont rompues depuis août 2021 sur fond de différend sur le Sahara occidental. La question du tracé et de la sécurisation de leur longue frontière commune, fermée depuis 1994, empoisonne les relations entre les deux frères ennemis du Maghreb. Les déclarations de Boualem Sansal, en ravivant un contentieux historique, ont jeté de l’huile sur le feu.

Inquiétude pour le sort de l’écrivain

Du côté français, on s’inquiète du sort réservé à ce grand nom de la littérature francophone. L’Élysée a fait savoir que l’arrestation de Boualem Sansal « préoccupe » Emmanuel Macron, qui a récemment effectué une visite d’État au Maroc sur fond de tensions avec Alger. Des voix s’élèvent pour réclamer sa libération immédiate, dénonçant une atteinte à la liberté d’expression. Mais les autorités algériennes restent sourdes aux critiques, y voyant au contraire une ingérence dans leurs affaires intérieures.

Une polémique symptomatique

Au-delà du cas Boualem Sansal, cette polémique est symptomatique des crispations mémorielles et des enjeux de souveraineté qui continuent de peser sur les relations entre pays autrefois colonisés et puissance coloniale. En contestant une frontière héritée de l’époque coloniale, l’écrivain a heurté de plein fouet la susceptibilité algérienne et le tabou de l’intégrité territoriale. Une mise en garde pour tous ceux qui voudraient revisiter l’histoire tourmentée de la région.

Reste à savoir quel sort la justice algérienne réservera finalement à Boualem Sansal. Risque-t-il la prison ferme pour ses propos ? Une chose est sûre : cette affaire n’a pas fini de faire parler d’elle et de jeter une lumière crue sur les lignes de faille qui traversent le Maghreb. Un Maghreb où le poids de l’Histoire continue de dicter le présent et d’hypothéquer l’avenir. Boualem Sansal en fait aujourd’hui les frais, lui qui a toujours prôné le dialogue par-delà les frontières et les clivages. Le prix à payer pour la liberté d’expression ?

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