En plein cœur du conflit israélo-palestinien, la décision de la région Normandie de décerner le prix Liberté 2024 au photojournaliste et influenceur palestinien Motaz Azaiza ne passe pas inaperçue. Plusieurs députés de la majorité présidentielle montent au créneau, dénonçant un choix « incompréhensible et inapproprié » à la veille des commémorations du 80e anniversaire du Débarquement. Retour sur une polémique qui enflamme la sphère politique.
Un lauréat controversé
Motaz Azaiza, 35 ans, est récompensé pour « son combat en faveur de la liberté de la presse et du droit à l’information ». Mais ce prix de 25 000 euros passe mal auprès d’une trentaine de parlementaires, emmenés par ceux du groupe d’études de lutte contre l’antisémitisme. Dans un courrier cinglant, ils fustigent :
Monsieur Azaiza ne remplit pas les critères pour se voir récompenser par un tel prix et n’incarne aucunement un engagement exceptionnel pour la liberté ni les valeurs portées par les organisateurs et partenaires de ce prix.
Ils pointent du doigt sa proximité supposée avec le Hamas, son « refus de condamner l’attaque terroriste et meurtrière du 7 octobre », sa propension « à propager des fake news pour discréditer les soldats israéliens » et sa qualification d’Israël comme « État terroriste et génocidaire ».
L’intéressé se défend
Face à ces accusations, Motaz Azaiza nie en bloc. Sur les réseaux sociaux, il affirme faire « l’objet de campagnes de diffamation de la part des sionistes » visant à « annuler le prix de la Liberté » qu’il doit recevoir en Normandie. Il rejette catégoriquement toute connivence avec le Hamas ou une quelconque apologie du terrorisme.
Malaise au sein de la majorité
Cette polémique intervient alors que le conflit israélo-palestinien connaît une nouvelle escalade meurtrière. Elle illustre le malaise d’une partie de la majorité présidentielle face à ce qu’elle considère comme une dérive pro-palestinienne contraire « aux valeurs historiques de la région » normande. Les signataires demandent solennellement le retrait de cette récompense.
La région Normandie, elle, assume son choix. Elle loue « l’engagement exceptionnel » du lauréat palestinien « en faveur de la liberté de la presse », dans un contexte extrêmement périlleux. Une position qui risque d’attiser encore les tensions à l’approche des cérémonies du 6-Juin.
Un prix et des questions
Au-delà de la personne de Motaz Azaiza, c’est la légitimité même du prix Liberté qui est interrogée. Décerné depuis 1989, il honore chaque année une personnalité ou une organisation qui a mené « un combat exemplaire en faveur de la liberté ». Mais dans un Proche-Orient à vif, où la vérité est souvent la première victime, la frontière peut vite devenir ténue entre journalisme engagé et propagande.
Cette controverse rappelle la difficulté d’appréhender un conflit aussi passionnel de façon dépassionnée. Elle soulève aussi la question épineuse de la liberté d’expression face aux sensibilités mémorielles et géopolitiques. Un dilemme cornélien que devra trancher, in fine, le jury normand. Verdict le 6 juin prochain, dans un D-Day lourd de symboles.