Imaginez-vous réveillé à l’aube par le grondement sourd de l’artillerie. Des obus sifflent au-dessus de votre maison, le sol tremble, et vous n’avez que quelques minutes pour prendre vos enfants et fuir. C’est la réalité vécue cette semaine par plus d’un demi-million de Thaïlandais et de Cambodgiens vivant près de la frontière disputée.
Un conflit ancien qui refuse de mourir
Jeudi matin, les combats faisaient toujours rage autour des temples khmers plusieurs fois centenaires. Au moins quinze personnes ont perdu la vie depuis la reprise des hostilités, et le bilan risque de s’alourdir rapidement.
Ce n’est malheureusement pas la première fois. Les deux pays se disputent certains territoires frontaliers depuis des décennies, avec des flambées de violence régulières. Le point le plus sensible reste le secteur du temple de Preah Vihear, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO et symbole national pour les deux parties.
Donald Trump entre en scène… à nouveau
Dans ce chaos, un acteur inattendu fait son grand retour : Donald Trump. Le président américain a annoncé qu’il allait personnellement téléphoner ce jeudi au Premier ministre thaïlandais Anutin Charnvirakul et au Premier ministre cambodgien Hun Manet pour leur ordonner de faire taire les canons.
« J’ai trouvé qu’ils étaient deux grands dirigeants, deux personnes géniales, et j’ai déjà réglé ça une fois »
Donald Trump, depuis la Maison Blanche
Il faut dire que l’ancien (et futur ?) président américain aime rappeler qu’il était déjà intervenu avec succès lors du précédent embrasement en juillet dernier. À l’époque, 43 personnes avaient trouvé la mort en cinq jours avant qu’un cessez-le-feu soit signé sous son égide, avec le soutien de la Chine et de la Malaisie.
Le 26 octobre, il avait même cosigné un accord officiel de cessez-le-feu. Un accord qui n’aura tenu que quelques semaines : Bangkok l’a suspendu après l’explosion d’une mine terrestre ayant blessé plusieurs soldats thaïlandais.
Bangkok ferme la porte à la médiation
Et cette fois, la Thaïlande semble beaucoup moins ouverte au dialogue. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a été très clair :
« Si un pays tiers souhaite jouer les médiateurs, la Thaïlande ne peut pas l’accepter à ce stade car une limite a été franchie »
Nikorndej Balankura, porte-parole thaïlandais
Autrement dit : merci, mais non merci. Même pour Donald Trump.
Une catastrophe humanitaire en marche
Pendant que les capitales s’affrontent par communiqués interposés, ce sont les populations civiles qui paient le prix fort.
À Surin, en Thaïlande, des milliers de déplacés ont trouvé refuge dans des bâtiments universitaires. Des femmes âgées écrasent encore la pâte de piment rouge comme elles le faisaient chez elles, par habitude, pour ne pas devenir folles. Des bénévoles remuent d’immenses marmites pour nourrir tout le monde.
Rat, agricultrice de 61 ans, a dû quitter sa maison avec huit membres de sa famille avant même d’avoir pu planter son manioc cette saison.
« Je veux juste rentrer chez moi et m’occuper de mes cultures. Chaque fois que les combats reprennent, c’est comme si la vie se mettait de nouveau sur pause »
De l’autre côté de la frontière, dans la province cambodgienne d’Oddar Meanchey, Voan Chinda, 55 ans, serre son petit-fils de huit mois dans les bras à l’intérieur d’un temple transformé en centre d’accueil.
« J’ai fui jusqu’ici pour trouver refuge. L’armée thaïlandaise tirait tellement que je ne pouvais pas rester chez moi, tellement de bombes ont été larguées. Je veux que ça s’arrête »
L’UNESCO tire la sonnette d’alarme
Outre les vies humaines, c’est aussi un patrimoine millénaire qui est menacé. L’UNESCO a diffusé un communiqué urgent pour rappeler la localisation exacte de tous les sites protégés, dont Preah Vihear, afin d’éviter tout dommage collatéral.
L’organisation onusienne appelle les deux armées à la plus grande prudence autour de ces trésors de l’humanité.
Pourquoi ce conflit est-il si difficile à éteindre ?
Plusieurs raisons expliquent cette récurrence dramatique :
- Le nationalisme exacerbé des deux côtés, surtout en période pré-électorale
- Le prestige attaché aux temples anciens, symboles d’identité nationale
- La présence de mines et d’explosifs non désamorcés depuis des décennies
- L’absence d’une démarcation frontier définitive reconnue par les deux parties
- Le rôle parfois ambigu de certains acteurs régionaux
Chaque incident – une patrouille qui s’approche trop près, une mine qui explose – suffit à rallumer la mèche.
Et maintenant ?
L’appel de Donald Trump aura-t-il plus de poids que les précédents efforts de l’ASEAN ? Rien n’est moins sûr, vu le refus catégorique de Bangkok d’accepter une médiation extérieure pour le moment.
Sur le terrain, les canons continuaient de tonner jeudi matin. Les populations, elles, retiennent leur souffle en espérant que cette fois sera la dernière.
Parce que pour Rat, Voan Chinda et des centaines de milliers d’autres, la vie est bel et bien sur pause. Et personne ne sait quand elle pourra reprendre.
(Article mis à jour en continu selon l’évolution de la situation)









