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Conflit Thaïlande-Cambodge : La Guerre Reprend à la Frontière

Sept civils cambodgiens tués, des frappes aériennes thaïlandaises, et Hun Sen qui ordonne la riposte totale. Le cessez-le-feu signé il y a à peine six semaines vient d’exploser. Jusqu’où ira cette nouvelle guerre entre voisins ?

Imaginez vivre à vingt kilomètres d’une frontière que l’on croyait apaisée, et vous réveiller au son lointain des canons. C’est la réalité brutale que connaissent des dizaines de milliers de Thaïlandais et de Cambodgiens depuis dimanche soir.

Une paix qui n’aura duré que quelques semaines

Le 26 octobre dernier, sous les caméras du monde entier, les deux pays signaient un cessez-le-feu en grande pompe, avec la caution personnelle du président américain. Retrait des armes lourdes, déminage, dialogue : tout semblait enfin sur la bonne voie. Moins de deux mois plus tard, cette fragile accalmie appartient déjà au passé.

Les hostilités ont repris dimanche soir dans plusieurs secteurs de la frontière longue de 800 kilomètres. Chacun accuse l’autre d’avoir tiré le premier. Et cette fois, la réponse cambodgienne ne s’est pas fait attendre.

Hun Sen sort du silence et donne l’ordre de riposte

L’ancien Premier ministre cambodgien, toujours très influent, a publié mardi matin un message sans ambiguïté sur les réseaux sociaux.

« Nos forces doivent se battre partout où l’ennemi a attaqué » et « détruire les forces ennemies »

Ces mots, écrits par celui qui a dirigé le pays pendant près de quarante ans, ont valeur d’ordre militaire. Phnom Penh affirme avoir patienté plus de vingt-quatre heures avant de répondre, le temps d’évacuer les civils et de respecter, selon ses termes, le cessez-le-feu.

Mais la Thaïlande, de son côté, parle d’agression délibérée et pointe les frappes cambodgiennes sur son territoire.

Un bilan humain qui s’alourdit d’heure en heure

Côté cambodgien, le ministère de la Défense a annoncé mardi la mort de trois nouveaux civils dans des bombardements nocturnes sur la province de Banteay Meanchey. Cela porte à sept le nombre de civils tués depuis dimanche, auxquels s’ajoutent une dizaine de blessés, dont un journaliste local.

Du côté thaïlandais, l’armée fait état d’un soldat tué et de vingt-neuf blessés. Des chiffres probablement provisoires tant les combats restent intenses dans plusieurs secteurs.

Plus de cent mille personnes ont déjà été évacuées des deux côtés de la ligne de front, rappelant les exodes massifs de juillet dernier.

La peur ordinaire des habitants

À Surin, en Thaïlande, Sutida Pusa, trente ans, gère une petite épicerie à une vingtaine de kilomètres de la frontière. Elle raconte avoir hésité à partir tout de suite.

« Les combats ne sont pas aussi bruyants qu’en juillet », confie-t-elle, « alors j’ai voulu voir par moi-même avant de fuir. On ne fait pas toujours confiance à ce qu’on nous dit à la télévision. »

Cette méfiance traduit le traumatisme d’une population qui a déjà vécu plusieurs épisodes de violence en quelques mois seulement.

Un vieux différend jamais réglé

Le cœur du conflit reste le tracé de certaines portions de la frontière, héritées de la période coloniale française et jamais entièrement clarifiées. Des zones riches en histoire, parfois en ressources, mais surtout symbole de fierté nationale pour les deux parties.

En juillet, cinq jours de combats avaient fait 43 morts et forcé 300 000 personnes à quitter leur domicile. L’accord d’octobre devait être le début d’une solution durable. L’explosion d’une mine terrestre ayant blessé plusieurs soldats thaïlandais avait suffi à faire voler en éclats la trêve.

La communauté internationale impuissante

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et l’Union européenne ont appelé lundi à la « désescalade immédiate » et à la « plus grande retenue ». Des mots qui, pour l’instant, restent lettre morte.

L’ASEAN, dont les deux pays sont membres, n’a pas encore réussi à organiser de réunion d’urgence. Certains observateurs estiment que la médiation américaine, pourtant à l’origine du cessez-le-feu, a perdu de son poids depuis l’élection.

Vers une guerre longue ?

Les analystes s’inquiètent d’une escalade rapide. L’armée thaïlandaise dispose d’une supériorité aérienne nette, tandis que le Cambodge mise sur une défense acharnée et une meilleure connaissance du terrain.

Les déclarations martiales de Hun Sen, combinées aux frappes aériennes thaïlandaises, laissent craindre le pire. Les populations civiles, elles, ne savent plus où se mettre à l’abri.

Dans les villages proches de la ligne de démarcation, les écoles sont fermées, les marchés déserts, et les routes encombrées de familles fuyant avec le strict minimum.

Un conflit oublié des radars mondiaux

Alors que l’attention internationale est monopolisée par d’autres crises, ce affrontement entre deux pays d’Asie du Sud-Est passe presque inaperçu. Pourtant, ses répercussions pourraient déstabiliser toute la région.

Instabilité politique intérieure, flux de réfugiés, risque d’attentats opportunistes : les scénarios noirs se multiplient.

Et pendant ce temps, à la frontière, les canons continuent de tonner. Une nouvelle nuit d’angoisse commence pour des centaines de milliers de personnes qui n’aspirent qu’à une chose : retrouver la paix.

Une paix qui, pour l’instant, semble plus loin que jamais.

(Article mis à jour en continu selon l’évolution de la situation)

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