La démocratie bolivienne est une nouvelle fois ébranlée. Vendredi dernier, des députés alliés de l’ancien président Evo Morales ont semé le chaos au parlement, sabotant le discours annuel du président Luis Arce. Cet incident illustre les profondes divisions qui minent le parti au pouvoir, le Mouvement vers le socialisme (MAS), à un an de la fin du mandat présidentiel.
Une session parlementaire sous haute tension
Alors que le vice-président David Choquehuanca ouvrait la session, des parlementaires pro-Morales ont jeté des tomates et des fleurs dans sa direction. Entre cris et bousculades, ils ont ensuite empêché le président Arce d’accéder à l’hémicycle pour prononcer son discours. Une scène de chaos dont M. Choquehuanca s’est excusé auprès de la nation :
Je demande pardon au peuple bolivien, aux députés, aux sénateurs et aux invités spéciaux pour cette attitude honteuse de certains parlementaires.
David Choquehuanca, vice-président de Bolivie
Malgré ce sabotage, le président Arce a tout de même pu s’exprimer depuis les abords de l’hémicycle. Il a fermement dénoncé ce qu’il considère comme un « siège » orchestré par son rival Evo Morales :
Notre gouvernement fait face à un siège et à un sabotage prolongés, comme on n’en a jamais vu dans l’histoire récente de la Bolivie.
Luis Arce, président de Bolivie
La lutte Morales-Arce paralyse le pays
Cet épisode n’est que le dernier rebondissement de l’âpre lutte de pouvoir qui oppose Evo Morales et Luis Arce au sein du MAS. L’enjeu : le contrôle de la gauche bolivienne et l’investiture pour la présidentielle de 2025.
Morales, qui a dirigé le pays de 2006 à 2019, compte bien briguer un nouveau mandat malgré une décision de justice le disqualifiant. Ses partisans dénoncent une « persécution judiciaire » et multiplient manifestations et blocages routiers pour faire entendre leur colère. Selon le président Arce, ces barrages auraient coûté près de 4 milliards de dollars à l’économie bolivienne.
Un parti majoritaire profondément divisé
Bien que largement majoritaire au parlement, le MAS apparaît aujourd’hui profondément fracturé entre « Arcistes » et « Evistes ». Un constat illustré par la violente charge d’Evo Morales contre le gouvernement sur les réseaux sociaux :
Le gouvernement a trahi le peuple bolivien. Il est néolibéral, antipopulaire et autoritaire.
Evo Morales, ancien président de Bolivie
Cette crise au sommet de l’État fait resurgir le spectre de l’instabilité politique chronique qui a longtemps miné le pays. Alors que l’échéance électorale de 2025 approche, nombreux sont ceux qui s’inquiètent pour l’avenir de la jeune démocratie bolivienne.
Une économie fragilisée par les blocages
Au-delà des enjeux politiques, cette crise a un impact direct sur l’économie du pays. Les récents blocages routiers, qui ont duré 24 jours, ont lourdement pénalisé l’activité. Selon les estimations du gouvernement, le manque à gagner s’élèverait à près de 4 milliards de dollars.
Un coup dur pour ce pays andin, l’un des plus pauvres d’Amérique du Sud, déjà durement touché par la pandémie de Covid-19 et la chute des cours des matières premières. Dans ce contexte économique délicat, les Boliviens regardent avec inquiétude leurs dirigeants se déchirer, craignant de nouvelles perturbations.
Quelle issue à la crise politique ?
Face à ces turbulences, le scénario d’une rupture au sein du MAS, voire d’une implosion du parti, n’est plus exclu. Une telle perspective laisserait le champ libre à l’opposition de droite, qui peine pour l’instant à s’imposer comme alternative crédible.
Pour sortir de l’ornière, certains appellent à un dialogue national entre toutes les forces politiques du pays. L’objectif : apaiser les tensions et trouver un consensus sur les règles du jeu démocratique en vue de la présidentielle de 2025. Une gageure dans un climat de défiance exacerbée.
D’autres voix, plus radicales, évoquent l’hypothèse d’élections anticipées pour trancher le différend Morales-Arce dans les urnes. Une option risquée, qui pourrait encore accroître l’instabilité à court terme.
Une chose est sûre : l’avenir politique de la Bolivie s’annonce plus incertain que jamais. Entre risque de paralysie institutionnelle et tentation du chaos, le pays semble aujourd’hui suspendu au bras de fer que se livrent ses deux hommes forts. De l’issue de ce duel dépendra en grande partie la capacité de la Bolivie à préserver ses fragiles acquis démocratiques.