Alors qu’un accord de cessez-le-feu fragile vient d’être annoncé à Gaza, la question de la justice pour les crimes commis pendant le conflit reste entière. Tirana Hassan, directrice de l’ONG Human Rights Watch, a mis en garde jeudi : les « crimes odieux » perpétrés depuis le 7 octobre 2023 « ne devront pas rester impunis ».
Dans son rapport annuel publié à cette occasion, HRW réitère ses graves accusations à l’encontre d’Israël, parlant de crimes contre l’humanité et même de « génocide ». Ce dernier terme fait spécifiquement référence à la privation d’accès à l’eau imposée aux civils palestiniens de Gaza.
Si Tirana Hassan reconnaît que le cessez-le-feu, s’il tient, « permettra de soulager un peu les millions de déplacés à Gaza », elle insiste : « ce ne sera pas une solution en soi ». Au-delà de l’arrêt des combats, l’ONG demande un véritable accès humanitaire :
Ce qui sera nécessaire, c’est l’accès humanitaire. Et par cela, nous parlons des autorités israéliennes qui doivent autoriser l’entrée du matériel pour reconstruire les infrastructures, y compris les infrastructures liées à l’accès à l’eau et le système de santé décimé pendant le conflit, ainsi que l’aide humanitaire.
Tirana Hassan, directrice de Human Rights Watch
Un lourd bilan après 15 mois de guerre
Le conflit, déclenché par une attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, a fait des ravages des deux côtés. Selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles, 1 210 personnes ont perdu la vie côté israélien, en majorité des civils.
Mais c’est dans la bande de Gaza que le bilan est le plus effroyable. Au moins 46 788 Gazaouis, pour la plupart des civils là aussi, ont été tués dans la campagne de représailles d’Israël, d’après le ministère de la Santé du Hamas. Des chiffres jugés crédibles par l’ONU.
Un cessez-le-feu déjà remis en question
Malgré l’annonce mercredi d’un accord en plusieurs phases, comprenant une trêve et la libération d’otages, la situation reste très précaire. Dès jeudi, Israël a accusé le Hamas de reculer sur ses engagements et a mené de nouvelles frappes sur Gaza.
Le gouvernement israélien doit encore se réunir pour approuver formellement cet accord. Mais même si le cessez-le-feu finit par tenir, il ne pourra occulter les crimes de guerre et contre l’humanité qui auraient été commis pendant ces longs mois d’affrontements.
HRW appelle la justice internationale à agir
Pour Human Rights Watch, il est impératif que les responsables de ces exactions soient poursuivis et jugés. L’ONG demande à la communauté internationale de tout mettre en œuvre pour que justice soit rendue :
- En diligentant des enquêtes indépendantes et impartiales sur les crimes présumés
- En engageant des poursuites judiciaires contre les responsables, quel que soit leur rang
- En veillant à ce que les victimes obtiennent vérité, justice et réparations
Mais la route vers la justice s’annonce semée d’embûches. Israël, qui rejette les accusations de crimes de guerre et de génocide, acceptera-t-il de coopérer avec d’éventuelles enquêtes internationales ? Rien n’est moins sûr.
De son côté, la Cour pénale internationale a ouvert une enquête sur de possibles crimes dans les Territoires palestiniens. Mais sa compétence est contestée par Israël, qui n’en est pas membre et qui bénéficie du soutien des États-Unis.
Autant de freins qui risquent de compromettre la quête de justice et l’établissement des responsabilités pour les souffrances endurées par les populations civiles, en particulier à Gaza. Malgré ces obstacles, HRW et d’autres voix continuent d’exiger que les crimes commis dans ce conflit ne restent pas impunis.
Car au-delà du cessez-le-feu, aussi crucial soit-il, c’est bien la fin de l’impunité qui apparaît comme une condition essentielle d’une paix durable entre Israéliens et Palestiniens. Une paix qui semble hélas encore bien lointaine après ces 15 mois d’une guerre meurtrière aux terribles conséquences humaines.