Un jeune homme de 22 ans a été condamné mardi à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d’assises de Venise pour le meurtre particulièrement violent de son ancienne petite amie. Ce féminicide, qui avait profondément choqué l’Italie en novembre dernier, a remis sur le devant de la scène la question des violences faites aux femmes dans le pays.
Un crime d’une rare brutalité
Les faits remontent au 24 novembre 2023. Ce jour-là, Giulia Cecchettin, une étudiante en génie biomédical âgée de 22 ans, est retrouvée morte dans un ravin près du lac de Barcis, au nord de Venise. Son corps présente de multiples plaies par arme blanche, pas moins de 75 coups de couteau selon le rapport d’autopsie. Très vite, les soupçons se portent sur son ex-petit ami, Filippo Turetta, avec qui elle avait rompu peu de temps auparavant.
Interpellé en Allemagne alors qu’il tentait de prendre la fuite, le jeune homme a rapidement avoué le meurtre. Mais pour son avocat, Me Caruso, la préméditation ne serait pas établie. Il a plaidé pour une requalification des faits en homicide volontaire, espérant ainsi éviter la perpétuité à son client. Peine perdue, la cour a suivi les réquisitions du parquet et reconnu coupable Filippo Turetta d’assassinat avec circonstances aggravantes.
Une affaire qui a bouleversé le pays
Ce crime particulièrement sordide a profondément marqué les esprits en Italie. Des milliers de personnes ont assisté aux obsèques de Giulia, décrite par tous comme une jeune femme brillante et enjouée. Son père a appelé les hommes à « remettre en question la culture qui tend à minimiser la violence de la part d’hommes qui semblent normaux ».
Elena Cecchettin, la sœur de la victime, a lancé un cri d’alarme, exhortant la société à « tout brûler ». Un message depuis inscrit sur les murs et les banderoles, souvent accompagné de la phrase : « Le patriarcat tue ».
Car ce meurtre est loin d’être un cas isolé. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur italien, 100 femmes ont été tuées depuis le début de l’année, dont 88 dans le cadre conjugal ou familial. Un bilan aussi lourd que les années précédentes, malgré les différents plans de lutte mis en place par les gouvernements successifs.
Des milieux conservateurs pointés du doigt
Pour de nombreuses associations féministes, le féminicide de Giulia Cecchettin est l’illustration des ravages de la culture patriarcale qui imprègne encore fortement la société italienne. Elles dénoncent notamment les propos de certains membres du gouvernement de Giorgia Meloni, première femme à accéder au poste de Premier ministre en Italie.
Le ministre de l’Éducation, Giuseppe Valditara, a ainsi déclaré en novembre que « le patriarcat n’existe plus » dans la loi italienne et imputé les violences contre les femmes à l’immigration clandestine. Des propos vivement critiqués par la famille de Giulia, rappelant que c’est « un jeune Italien blanc » qui a tué leur fille.
Giorgia Meloni a tenté de calmer le jeu, affirmant que la législation ne manquait pas en Italie mais que « le défi restait avant tout culturel ». Elle a cependant elle aussi fait un lien avec l’immigration, même si les statistiques officielles montrent que 94% des femmes italiennes victimes de meurtre ont été tuées par des compatriotes.
La famille de Giulia se bat pour faire évoluer les mentalités
Pour les proches de Giulia Cecchettin, la condamnation de Filippo Turetta à la perpétuité est une première victoire. Mais ils comptent poursuivre leur combat pour éviter que d’autres drames similaires ne se reproduisent. La famille a ainsi créé une fondation destinée à sensibiliser sur les violences faites aux femmes et promouvoir l’égalité et le respect.
La violence de genre ne peut pas être combattue avec des peines (de prison, ndlr) mais avec de la prévention.
Gino Cecchettin, père de Giulia
Un travail de longue haleine qui doit passer par l’éducation dès le plus jeune âge selon eux, mais aussi par une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences. Car si ce féminicide a profondément choqué l’opinion publique, il faudra sans doute encore du temps pour que les comportements et les mentalités évoluent réellement dans la société italienne.