Un procès retentissant vient de s’achever en Guinée équatoriale. Après huit jours d’audiences tendues, Tomás Esono Adja Andeme, 22 ans, et sa compagne Emilia, une vingtaine d’années, ont été condamnés jeudi à la prison à perpétuité pour le meurtre d’un proche du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Le couple était accusé d’avoir poignardé à mort Jose Lima Gonzalo, surnommé « Abuelo Lima », le frère de la deuxième épouse du chef de l’État, à son domicile le 22 octobre dernier.
Un verdict sévère sur fond de rivalités politiques
Reconnus coupables de « meurtre, violation de domicile et vol », les deux principaux accusés ont été condamnés à la peine maximale par le tribunal de Malabo. Deux autres prévenus, poursuivis pour complicité, ont écopé de vingt ans de réclusion. Les quatre condamnés ont cependant la possibilité de faire appel de cette décision, a précisé la télévision nationale TVGE.
Au cœur de cette affaire retentissante, beaucoup voient l’ombre des luttes intestines qui secouent le clan présidentiel. Dans ce pays dirigé d’une main de fer depuis plus de 43 ans par Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, 82 ans, la question de sa succession attise les convoitises et exacerbe les rivalités.
Règlement de comptes au sommet de l’État ?
Selon des observateurs, le meurtre de Jose Lima Gonzalo pourrait en réalité être un épisode de la guerre fratricide qui oppose les prétendants au trône présidentiel. « Abuelo Lima » était en effet l’oncle de Gabriel Mbaga Obiang Lima, considéré comme un challenger sérieux face au dauphin désigné, le vice-président Teodorin Nguema Obiang, fils aîné du président.
« L’assassinat de José Lima Gonzalo fait partie du plan d’extermination du clan Lima »
déclarait en octobre le site d’opposition Radio Macuto
Et il n’est pas le seul membre de la famille présidentielle à se retrouver dans le collimateur de la justice. Un autre demi-frère de Teodorin, Ruslan Obiang Nsué, est actuellement assigné à résidence dans l’attente de son jugement. Poursuivi dans deux affaires de détournements, il risque jusqu’à 20 ans de prison.
Des aveux mis en doute par la défense
Durant le procès, les accusés sont largement revenus sur leurs aveux initiaux, affirmant ne plus se souvenir de rien. Des confessions qu’ils affirment avoir faites sous la contrainte, face caméra, pour les besoins de la télévision d’État. Une ligne de défense qui n’a pas convaincu les juges, mais qui illustre le climat de défiance entourant ce dossier sensible.
Pour nombre d’opposants, ce procès apparaît avant tout comme une démonstration de force du clan Obiang, destinée à balayer les velléités de contestation interne. Dans un régime autoritaire où le pouvoir judiciaire est inféodé à la présidence, difficile en effet de ne pas y voir une nouvelle offensive dans la bataille pour la mainmise sur l’appareil d’État.
Un pays sous la coupe d’un clan tout puissant
Arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1979, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo règne sans partage sur la Guinée équatoriale, riche en hydrocarbures. Malgré les promesses de réformes, son régime est régulièrement épinglé par les ONG pour des atteintes aux droits humains et une corruption endémique.
Dans ce contexte, l’affaire du meurtre de Jose Lima Gonzalo apparaît comme un nouveau symptôme des dérives autocratiques d’un pouvoir prêt à tout pour assurer sa pérennité. Un avertissement lancé aux ambitieux qui voudraient bousculer l’ordre établi, sur fond de luttes d’influence au plus haut sommet de l’État.
Reste à savoir si ce procès suffira à étouffer les bruits de succession qui agitent la Guinée équatoriale. Ou si au contraire, il ne fera qu’attiser un peu plus les rivalités dans un clan présidentiel obnubilé par sa propre survie. L’avenir du pays pourrait bien se jouer dans l’issue de ces batailles de l’ombre.