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Condamnation à Perpétuité d’un Ex-Ministre Cubain

Un ancien ministre cubain très proche du président vient d’être condamné à la prison à perpétuité pour espionnage. Le procès s’est tenu dans le plus grand secret… Mais pour quel pays a-t-il trahi ? Les détails choquants d’une affaire qui ébranle La Havane.

Imaginez un haut dignitaire, hier encore aux commandes de l’économie d’un pays entier, disparaître brutalement des radars avant de réapparaître menottes aux poignets, accusé d’avoir livré les secrets les plus sensibles de l’État. C’est exactement ce qui vient d’arriver à Cuba.

Un verdict qui tombe comme un couperet

La nouvelle a été rendue publique un lundi de novembre, sans tambour ni trompette. Alejandro Gil Fernández, 61 ans, ancien ministre de l’Économie et de la Planification, a été condamné en première instance à la prison à perpétuité. Le motif principal ? Espionnage. Un mot lourd, presque d’un autre temps, qui résonne pourtant avec une violence rare dans la Cuba contemporaine.

À cette peine s’ajoute une seconde condamnation de vingt ans de prison dans une autre procédure pour corruption aggravée. Deux dossiers, deux procès expéditifs, tenus à huis clos entre le 11 et le 29 novembre dans un tribunal discret de la périphérie de La Havane.

Des chefs d’accusation particulièrement graves

La Cour suprême cubaine a détaillé les faits reprochés sans jamais nommer le ou les bénéficiaires de la trahison. On parle simplement de « services de l’ennemi ». Le communiqué officiel reste d’une froideur chirurgicale :

« Il a enfreint les procédures de travail liées aux informations officielles classifiées qu’il manipulait, les a soustraites, les a détériorées et a fini par les mettre à la disposition des services de l’ennemi. »

En clair : l’ancien ministre aurait sciemment transmis des documents ultrasensibles à une puissance étrangère. Le silence sur l’identité de cette puissance alimente toutes les spéculations, dans un contexte géopolitique où Cuba reste sous embargo américain et entretient des relations complexes avec plusieurs pays.

Corruption : l’autre visage du dossier

Parallèlement à l’espionnage, Alejandro Gil a été reconnu coupable d’un impressionnant catalogue de délits économiques. Le schéma est classique mais l’ampleur semble hors norme :

  • Réception d’argent de sociétés étrangères
  • Corruption de fonctionnaires pour légaliser des acquisitions illicites
  • Trafic d’influence
  • Fraude fiscale
  • Falsification de documents publics

Autrement dit, l’homme qui dirigeait la politique économique du pays aurait utilisé sa position pour s’enrichir personnellement et favoriser certains acteurs privés, notamment étrangers, au détriment de l’État.

Un parcours qui incarnait la continuité du régime

Ingénieur spécialisé dans les transports, Alejandro Gil a gravi tous les échelons du système. Du port de La Havane aux entreprises publiques à l’étranger, puis au ministère des Finances avant d’atterrir à l’Économie en 2018, il représentait une forme de technocratie fidèle, réputée proche du président Miguel Díaz-Canel.

Son limogeage brutal en février 2024 avait déjà surpris. Sa disparition totale des écrans radars, encore plus. Neuf mois plus tard, on comprend pourquoi : l’enquête était en cours et les charges particulièrement lourdes.

Un procès dans l’ombre la plus complète

Le choix d’un tribunal excentré, les voitures de police banalisées, les agents en civil, les audiences à huis clos… Tout a été fait pour que l’affaire reste discrète. Les médias d’État n’ont relayé que deux informations : la date d’ouverture du procès et le verdict final.

Même la famille a été maintenue dans le flou. La fille de l’accusé, Laura María Gil, avait pourtant brisé un tabou en réclamant publiquement un procès ouvert et la diffusion des preuves. Une démarche rarissime dans l’histoire récente du pouvoir cubain.

Un contexte économique explosif

Il est difficile de dissocier cette affaire de la situation catastrophique que traverse Cuba. L’île connaît sa pire crise économique depuis les années 1990. Inflation à trois chiffres, pénuries généralisées, exode massif de la population, ouverture chaotique au secteur privé… Tout semble échapper au contrôle du gouvernement.

Dans ce décor, l’homme chargé de piloter la sortie de crise devient le symbole parfait du dysfonctionnement. Sa condamnation tombe au moment où le régime tente de justifier le durcissement du contrôle sur les nouvelles entreprises privées et où la méfiance envers tout ce qui vient de l’étranger atteint des sommets.

Des précédents qui pèsent lourd

Cette affaire rappelle inévitablement le sort du général Arnaldo Ochoa en 1989. Héros de la révolution, décoré pour ses faits d’armes en Angola, il avait été exécuté après un procès expéditif pour trafic de drogue et corruption. Beaucoup y avaient vu à l’époque une purge politique déguisée.

Trente-cinq ans plus tard, les mécanismes semblent identiques : destitution soudaine, disparition, accusations gravissimes mêlant trahison et enrichissement personnel, procès secret, peine maximale. L’histoire semble bégayer.

Quelles conséquences pour le pouvoir cubain ?

Cette condamnation envoie plusieurs messages. D’abord à la nomenklatura : personne n’est intouchable, même ceux qui semblaient les plus solides. Ensuite à la population : l’État reste maître du récit et de la justice, même quand il s’agit de ses propres cadres.

Mais elle pose aussi des questions dérangeantes. Comment un ministre en exercice a-t-il pu transmettre des documents classifiés pendant des années sans que personne ne s’en aperçoive ? Les mécanismes de contrôle interne ont-ils totalement failli ? Et surtout : qui sera le prochain ?

L’appel est automatique pour la peine de perpétuité. Un second procès aura donc lieu. Restera-t-il tout aussi confidentiel ? Difficile de l’imaginer autrement. À Cuba, certaines affaires doivent rester dans l’ombre pour que le système continue de fonctionner.

En attendant, Alejandro Gil croupit dans une prison dont on ignore tout. L’homme qui voulait sauver l’économie cubaine est devenu, en quelques mois, le symbole de ses échecs les plus profonds. Une chute aussi brutale que révélatrice d’un régime qui vacille mais refuse de tomber.

Dans un pays où l’information est une ressource stratégique, livrer des secrets d’État n’est pas seulement un crime : c’est une faute impardonnable qui signe la fin politique, et parfois physique, de celui qui s’y risque.

L’affaire Alejandro Gil n’est probablement que la partie visible d’un iceberg bien plus vaste. Dans les couloirs du pouvoir comme dans les files d’attente pour le pain, une question commence à circuler tout bas : jusqu’où ira la purge ?

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