La Martinique est secouée par une vague de contestation sociale depuis plusieurs mois, avec en figure de proue Rodrigue Petitot, leader du mouvement contre la vie chère. Ce lundi, la justice a tranché : il a été condamné à 10 mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Fort-de-France pour des faits d’intimidation envers des élus locaux. Une sentence qui a provoqué immédiatement des heurts à l’extérieur du palais de justice.
Retour sur plusieurs mois de tensions en Martinique
Depuis septembre dernier, l’île française des Caraïbes fait face à d’importantes manifestations dénonçant les prix élevés, notamment des produits alimentaires. D’après les chiffres de l’Insee, les prix y seraient en moyenne 40% plus chers qu’en métropole. Le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), mené par Rodrigue Petitot alias « le R », réclame un alignement des prix sur ceux pratiqués dans l’Hexagone.
Ce mouvement social d’ampleur s’est accompagné de violences : près de 300 véhicules brûlés, une trentaine de bâtiments privés et publics incendiés, et plus de 170 commerces vandalisés selon un décompte de la préfecture. Mi-novembre, une vidéo de Rodrigue Petitot postée sur les réseaux sociaux va mettre le feu aux poudres.
Appels à l’intimidation des élus locaux
Dans une vidéo en direct sur TikTok fin novembre, celui qu’on surnomme « le R » appelle ouvertement au départ du préfet et exhorte les maires à fermer les mairies, les menaçant : « Démontrez-nous que l’on peut compter sur vous. On va vous attaquer. On va faire un grand nettoyage, de l’extérieur comme de l’intérieur », avait-il déclaré selon des propos rapportés par une radio locale.
Suite à ces menaces, Rodrigue Petitot a été interpellé jeudi dernier et placé en détention provisoire. Lors de son procès ce lundi, le parquet a requis 12 mois de prison ferme à son encontre, dénonçant des « actes d’intimidation » et rappelant son statut de récidiviste. Il risquait jusqu’à 20 ans de réclusion.
Condamnation et tensions devant le tribunal
Finalement, le leader contestataire a été condamné à 10 mois de prison ferme aménageable. Une peine inférieure aux réquisitions mais qui a tout de même provoqué la colère de ses soutiens massés devant le palais de justice de la capitale martiniquaise.
À l’annonce du verdict, plusieurs dizaines de personnes ont lancé des projectiles sur les façades du tribunal, d’après les constatations d’un journaliste de l’AFP sur place. Les forces de l’ordre ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants.
On a jamais appelé à la violence contre qui que ce soit.
Rodrigue Petitot lors de son procès
Les avocats de Rodrigue Petitot ont dénoncé cette condamnation, se disant « surpris » et mettant en avant la liberté d’expression. Pour l’un d’eux, Petitot est désormais un « prisonnier politique ». Une autre procédure judiciaire attend le chef de file du RPPRAC en janvier, pour s’être introduit dans la résidence du préfet en novembre.
Un mouvement qui ne faiblit pas
Malgré la condamnation de Rodrigue Petitot, la contestation contre la vie chère ne semble pas faiblir en Martinique. Les revendications du collectif pour un alignement des prix sur ceux de la métropole restent intactes. L’île, comme d’autres territoires d’Outre-mer, souffre d’une inflation galopante qui pèse lourdement sur le budget des ménages.
Les regards sont désormais tournés vers les autorités, sommées d’apporter des réponses concrètes pour endiguer cette crise. Si des mesures ont été annoncées ces derniers mois, comme un « bouclier qualité prix » pour certains produits de première nécessité, beaucoup les jugent insuffisantes face à l’ampleur du problème.
La situation reste donc tendue en Martinique, avec un climat social explosif attisé par les inégalités persistantes avec l’Hexagone. La condamnation du leader du mouvement anti-vie chère risque d’exacerber davantage les tensions. Les prochains mois s’annoncent décisifs pour l’avenir de ce territoire français des Caraïbes.