Imaginez un tribunal parisien plongé dans une affaire où des millions d’euros circulent dans l’ombre, où des avions de luxe sont vendus à un régime controversé, et où un homme clame avoir tout orchestré sans jamais signer un contrat. Cette scène, digne d’un thriller, se déroule en ce moment même, alors que la justice tente de démêler une histoire de commissions occultes liée à la vente d’avions Airbus à la Libye en 2006. Entre affirmations audacieuses et démentis catégoriques, ce procès soulève des questions brûlantes : qui dit la vérité, et à quel prix ?
Un Contrat Aérien Sous les Projecteurs
À l’automne 2006, un contrat de 800 millions d’euros est signé pour la vente de 12 avions Airbus à une compagnie aérienne libyenne. Trois A319, six A320 et trois A330 doivent rejoindre la flotte d’un pays alors dirigé par un régime autoritaire. Mais derrière cette transaction, une ombre plane : celle d’un intermédiaire qui affirme avoir joué un rôle clé, touchant une commission de plusieurs millions d’euros. Le tribunal de Paris s’est penché sur cette affaire les 12 et 13 mars 2025, cherchant à établir si ces paiements cachent une corruption massive.
L’Homme au Cœur de l’Affaire
Un personnage central émerge dans ce dossier : un intermédiaire qui revendique avoir été l’architecte de ce contrat. Selon lui, il aurait convaincu des figures influentes en Libye de choisir Airbus face à une concurrence acharnée, notamment celle de Boeing. Il raconte avoir agi par patriotisme, pour défendre les couleurs d’une entreprise européenne. Mais ses déclarations sont remises en question par d’anciens cadres d’Airbus, qui nient son implication.
J’ai fait le job de A à Z, sans contrat, juste sur parole.
– L’intermédiaire lors de son audience
Ce témoignage intrigue. Pourquoi un homme impliqué dans une transaction aussi colossale n’aurait-il pas formalisé son rôle ? La réponse qu’il donne est simple : à ce niveau, la confiance l’emporte sur le papier. Une explication qui laisse sceptique, surtout quand on découvre qu’un virement de **2 millions d’euros** a atterri sur un compte à Singapour, avec la mention énigmatique : « commission to friend ».
Une Commission Fantôme de 15 Millions ?
L’enquête ne s’arrête pas à ces 2 millions. L’intermédiaire affirme qu’une commission totale de **15 millions d’euros** lui avait été promise par des dirigeants d’Airbus. Il dit avoir tenté, sans succès, de récupérer les 13 millions restants en 2009. Mais qui lui aurait fait cette promesse ? Il désigne des cadres haut placés, évoquant des relations amicales et des rencontres conviviales. Pourtant, ces mêmes cadres rejettent ses accusations en bloc.
- Un virement de 2M€ effectué via une société thaïlandaise, agent d’Airbus.
- Une promesse orale de 15M€ jamais concrétisée, selon l’intermédiaire.
- Des cadres qui nient toute entente ou amitié avec cet homme.
Face à ces contradictions, le tribunal tente de comprendre : s’agit-il d’un malentendu, d’une invention, ou d’un système bien huilé de corruption ? Les juges scrutent chaque détail, chaque virement, chaque témoignage.
Airbus et les Soupçons de Corruption
L’avionneur n’est pas un novice en matière de controverses. En 2022, il a signé une convention judiciaire et versé **3,6 milliards d’euros** pour éviter des poursuites liées à des pratiques douteuses, dont certaines concernaient cette vente en Libye. Une amende de 15,9 millions d’euros a même été spécifiquement liée à ce dossier. Ces chiffres donnent du poids aux soupçons : y avait-il un système organisé pour graisser la patte de décideurs étrangers ?
D’après une source proche du dossier, l’intermédiaire aurait été sollicité pour influencer un haut responsable libyen, président d’un fonds souverain qui finançait l’achat des avions. Mais là encore, les versions divergent. Certains affirment qu’il n’a jamais été impliqué, tandis qu’il soutient avoir personnellement accompagné ce responsable au siège d’Airbus.
Un Jeu de Confiance et de Démentis
Ce qui rend cette affaire fascinante, c’est le contraste entre les récits. L’intermédiaire parle d’un réseau amical, d’une confiance mutuelle avec des dirigeants. Ces derniers, eux, se défendent en affirmant n’avoir jamais eu de lien avec lui. Un ancien cadre interrogé comme témoin va plus loin : dès 2004, lors d’une visite officielle en Libye, il avait été convenu qu’aucun consultant ne serait impliqué dans la vente des avions.
Nous étions méfiants face à ses tentatives d’influence.
– Un ancien dirigeant d’Airbus
Pourtant, une société thaïlandaise, habituée à travailler avec Airbus, a bien effectué ce virement de 2 millions. Son dirigeant assure avoir agi sur ordre d’un cadre d’Airbus. Alors, qui ment ? Et pourquoi ce paiement, s’il n’y avait aucun service rendu ?
Les Répercussions Politiques
Cette affaire ne se limite pas au monde des affaires. Elle frôle aussi la sphère politique. En 2009, un haut fonctionnaire français est soupçonné d’avoir tenté d’aider l’intermédiaire à récupérer sa commission. Bien qu’il nie toute intervention, cette connexion soulève des questions sur l’influence de certains cercles proches du pouvoir à l’époque. Ce volet, distinct des soupçons de financement électoral en 2007, montre à quel point les ramifications de ce scandale sont profondes.
Événement | Date | Montant |
Vente des avions | Automne 2006 | 800M€ |
Virement suspect | Novembre 2006 | 2M€ |
Amende Airbus | 2022 | 3,6Mds€ |
Ce tableau résume les étapes clés. Mais derrière ces chiffres, c’est une bataille de récits qui se joue, entre ceux qui crient au complot et ceux qui défendent leur innocence.
Que Retenir de Ce Procès ?
Ce procès n’est pas qu’une affaire d’argent. Il interroge les pratiques des grandes entreprises, les relations entre business et politique, et la transparence dans les contrats internationaux. Pour l’instant, aucune vérité définitive n’a émergé. Les juges continuent d’écouter, de confronter, d’analyser. Mais une chose est sûre : cette histoire ne laissera personne indifférent.
Un scandale qui mêle argent, pouvoir et secrets d’État : jusqu’où ira cette enquête ?
Alors que les audiences se poursuivent, le public reste suspendu à une question : les 15 millions promis étaient-ils une récompense légitime ou le prix d’un silence ? La suite, fin mars, promet des révélations explosives.