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Commission d’Enquête Réclamée pour le Massacre de Thiaroye en 1944

80 ans après, des députés réclament une commission d'enquête sur le massacre de tirailleurs sénégalais par l'armée coloniale française à Thiaroye en 1944. Ils exigent vérité, reconnaissance et réparations pour ce crime longtemps occulté...

80 ans après les faits, l’heure de la vérité pourrait enfin sonner pour les victimes du massacre de Thiaroye. Un groupe de députés français vient de réclamer la création d’une commission d’enquête parlementaire sur cette sombre page de l’histoire coloniale, longtemps passée sous silence. Le 1er décembre 1944, des dizaines de tirailleurs sénégalais tout juste rapatriés étaient froidement abattus par les forces françaises dans le camp militaire de Thiaroye, près de Dakar, alors qu’ils réclamaient le paiement de leurs soldes.

Une demande transpartisane pour faire la lumière

C’est une initiative rare qui réunit des députés de tout bord politique. De la gauche radicale à la majorité présidentielle en passant par le centre droit, plus d’une centaine d’élus ont apposé leur signature au bas d’une proposition de résolution réclamant la création de cette commission d’enquête. Une démarche saluée par le député Aurélien Taché, à l’origine du texte :

C’est la preuve que l’on arrive encore à travailler ensemble quand il s’agit de dévoiler une page sombre de notre histoire.

Aurélien Taché, député LFI

Parmi les signataires, on retrouve des figures de poids comme les présidents de commission Florent Boudié (LREM) et Bruno Fuchs (MoDem). Un soutien de poids pour donner du crédit à cette initiative mémorielle et politique.

Établir la vérité sur un massacre tu

Si le bilan officiel de l’époque faisait état d’au moins 35 tirailleurs tués, ce chiffre reste contesté et pourrait être largement sous-estimé selon certains historiens. Au cœur des zones d’ombre : la question des archives, dont certaines auraient été détruites ou non rendues publiques côté français. La commission d’enquête aurait ainsi pour mission de faire la lumière sur ces documents.

Elle devra aussi se pencher sur les raisons ayant poussé la France à ne pas reconnaître ce massacre pendant des décennies, malgré le traumatisme profond côté sénégalais. Le président Macky Sall a d’ailleurs dépêché des experts aux Archives nationales françaises pour tenter d’y voir plus clair.

Vers une reconnaissance et des indemnisations ?

Au-delà de la manifestation de la vérité, la proposition de résolution évoque aussi la question épineuse de la reconnaissance officielle du massacre de Thiaroye par l’État français et de l’indemnisation des victimes et de leurs descendants. Une demande portée de longue date par les familles et les autorités sénégalaises.

Paris avait amorcé un geste en juin dernier, en reconnaissant six tirailleurs à titre posthume. Une avancée inédite mais jugée très insuffisante au Sénégal. Le Premier ministre Ousmane Sonko avait réagi en dénonçant une décision unilatérale ne rendant pas justice aux Africains « trahis et assassinés ».

Un devoir de mémoire nécessaire

L’examen de ce nouveau texte par le Parlement suscite donc beaucoup d’espoir, alors que les commémorations du 80ème anniversaire du drame s’ouvrent à Dakar. Au-delà de la nécessité de réparer une « page sombre » du passé, il en va aussi de la reconnaissance pleine et entière de l’engagement des tirailleurs africains, trop souvent oubliés de l’Histoire.

Avides de justice et de dignité, les voix s’élèvent au Sénégal pour que toute la lumière soit faite sur ce « crime d’État » qui continue de hanter la mémoire collective. Avec la création d’une commission d’enquête, la France pourrait accomplir un pas décisif vers ce devoir de vérité indispensable à l’apaisement et à la réconciliation.

Des révélations qui pourraient faire date

Quels enseignements tirer de ces futurs travaux ? Nul doute que les révélations pourraient faire date. En explorant les recoins les plus obscurs du massacre de Thiaroye, la commission pourrait mettre en lumière des responsabilités jusqu’ici occultées et ouvrir la voie à une juste réparation pour les victimes de ce drame colonial.

L’enjeu n’est pas seulement historique, il est aussi éminemment politique. Car derrière les tirailleurs assassinés, c’est toute la question des relations franco-africaines et de la gestion du passé qui se joue. En osant regarder en face cette tragédie, la France adresserait un message fort à l’Afrique et pourrait renouveler un partenariat plombé par les non-dits.

Une chose est sûre : après 80 ans d’attente et de combat, le dossier du massacre de Thiaroye ne pourra plus être refermé impunément. Les députés viennent d’ouvrir une brèche dans laquelle s’engouffrent tous les espoirs de vérité et de justice. L’honneur de la France et sa relation à l’Afrique se jouent aussi dans sa capacité à regarder son histoire en face.

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