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Comment Bukele A Conquis Le Pouvoir Au Salvador

Comment Nayib Bukele a-t-il pris le contrôle du Salvador en si peu de temps ? De la lutte contre les gangs à la réforme constitutionnelle, son ascension fulgurante soulève des questions. Découvrez les dessous de cette transformation...

En 2019, un vent de changement souffle sur le Salvador. Lassée par des décennies de corruption, de violence endémique et de promesses non tenues, la population se tourne vers un homme encore peu connu au-delà de la capitale : Nayib Bukele. À seulement 37 ans, cet ancien maire de San Salvador, avec son style moderne et son discours audacieux, incarne l’espoir d’un renouveau. Mais en quelques années, celui qui se proclame dictateur le plus cool du monde a bouleversé les institutions du pays, consolidant un pouvoir quasi absolu. Comment un jeune publicitaire a-t-il pu transformer si rapidement un système politique ? Plongeons dans cette ascension fulgurante.

Un Contexte Propice À La Rupture

Le Salvador des années 2010 est un pays exsangue. Les gangs, notamment la Mara Salvatrucha et Barrio 18, contrôlent environ 80 % du territoire, imposant la peur à travers extorsions et violences. Avec un taux d’homicides de 51 pour 100 000 habitants en 2018, le pays figure parmi les plus dangereux au monde. À cela s’ajoute une lassitude généralisée face au bipartisme traditionnel, entre la droite et la gauche, incapable de répondre aux attentes des citoyens.

Dans ce climat de désespoir, Bukele, alors maire de San Salvador, se présente comme une alternative. Son discours direct, amplifié par une maîtrise des réseaux sociaux et une image jeune, séduit une population en quête de dégagisme. « Les gens en avaient assez des échecs répétés des gouvernements précédents », explique un analyste politique. Bukele promet de s’attaquer aux maux du pays : la pauvreté, la corruption et, surtout, l’insécurité.

Les Premiers Pas Vers Le Pouvoir

Élu président en 2019 avec 52 % des voix, Bukele entre en scène avec un défi de taille : un Parlement dominé par des partis d’opposition. Rapidement, il montre son intransigeance. En 2020, lors de débats sur un prêt pour financer ses politiques sécuritaires, il n’hésite pas à envoyer des forces armées dans l’hémicycle. Cette démonstration de force, qualifiée de militarisation de la politique par une experte des droits humains, marque un tournant.

C’était l’expression la plus claire de la militarisation de la politique.

Celia Medrano, spécialiste des droits humains

Fort de son passé dans la publicité, Bukele sait soigner son image. Il s’appuie sur des médias alliés et les réseaux sociaux pour façonner une aura de leader providentiel. En 2021, son parti, Nuevas Ideas, remporte la majorité au Parlement, lui offrant un contrôle quasi total sur le pouvoir législatif. Dès lors, il remplace juges et procureurs qui lui sont hostiles, éliminant les obstacles à ses ambitions.

Clé du succès initial : Bukele a su combiner des manœuvres légales, une communication maîtrisée et des politiques populaires pour asseoir son autorité.

La Guerre Contre Les Gangs : Un Tournant Populaire

En 2022, un week-end sanglant avec 87 homicides pousse Bukele à déclarer l’état d’urgence, toujours en vigueur aujourd’hui. Cette mesure, accompagnée d’une répression massive, aboutit à l’arrestation de 88 000 personnes soupçonnées d’appartenir à des gangs. Le résultat est spectaculaire : le taux d’homicides chute à 1,9 pour 100 000 habitants en 2024, un record historique.

Cette guerre contre les gangs devient le fer de lance de sa popularité. Près de 60 % des Salvadoriens soutiennent la présence militaire dans les rues, selon des sondages. Cependant, des voix s’élèvent pour dénoncer des détentions arbitraires et des centaines de décès en prison. « Cette fermeté renforce son image tout en intimidant ceux qui osent le critiquer », note un responsable de Human Rights Watch.

Cela lui a permis d’augmenter sa popularité tout en établissant une menace envers quiconque exprime des opinions divergentes.

Juan Pappier, Human Rights Watch

Pourtant, la peur de s’exprimer est palpable. Six Salvadoriens sur dix hésitent à partager leur opinion, selon des études. Ce climat de méfiance renforce le contrôle de Bukele sur le débat public, limitant les critiques et consolidant son emprise.

Une Réélection Aux Frontières De La Légalité

La Constitution salvadorienne interdisait jusqu’alors la réélection immédiate d’un président. Mais en 2021, les nouveaux juges nommés par Bukele réinterprètent la loi, ouvrant la voie à sa candidature en 2024. Avec 85 % des voix, il écrase l’opposition, qui ne conserve que 3 sièges sur 60 au Parlement. Cette victoire écrasante marque l’apogée de son contrôle sur les institutions.

En juillet 2025, une réforme constitutionnelle supprime toute limite au nombre de mandats présidentiels. Cette décision, votée en urgence, s’appuie sur une modification préalable du processus de révision constitutionnelle. « C’est le résultat d’années de manipulation progressive des institutions », déplore une ONG basée à Washington.

Étape Action Impact
2019 Élection de Bukele Rupture avec le bipartisme
2020 Militarisation du Parlement Intimidation des opposants
2021 Majorité parlementaire Contrôle des institutions
2022 État d’urgence Répression massive des gangs
2024 Réélection Consolidation du pouvoir

Une Alliance Stratégique Avec Trump

Le retour au pouvoir de Donald Trump en 2025 offre à Bukele un allié de poids. En emprisonnant 252 Vénézuéliens expulsés par les États-Unis, il affiche sa proximité avec Washington. « Il sait que Trump ne lui imposera pas de limites », estime un observateur. Cette relation renforce sa position, alors que des défenseurs des droits humains, journalistes et ONG sont contraints à l’exil ou arrêtés.

Pour certains, cette alliance symbolise une forme d’immunité internationale. « Bukele se sent protégé par cette association », note un représentant d’une organisation salvadorienne. Ce soutien extérieur, combiné à son contrôle interne, lui permet de poursuivre ses réformes sans crainte de sanctions.

Un Système Électoral Redessiné

La suppression des limites de mandats en 2025 illustre un phénomène plus large : la création d’un système électoral autoritaire. En maîtrisant le Parlement, la justice et les médias, Bukele a neutralisé toute opposition. Les critiques, qu’il s’agisse de journalistes ou d’activistes, sont réduites au silence par l’intimidation ou l’exil.

Pourtant, sa popularité reste intacte. Les Salvadoriens, marqués par des années de violence, plébiscitent sa fermeté. Mais à quel prix ? « En réécrivant la Constitution et en capturant les institutions, il a démantelé la démocratie », alerte une organisation internationale.

  • Contrôle des institutions : Parlement, justice et médias sous influence.
  • Répression des critiques : Arrestations et exil des opposants.
  • Popularité intacte : Soutien populaire grâce à la baisse de la criminalité.

Un Bilan Contrasté

Le Salvador de Bukele est un paradoxe. D’un côté, la chute spectaculaire de la criminalité a redonné espoir à une population épuisée par la violence. De l’autre, les dérives autoritaires suscitent l’inquiétude. Les détentions arbitraires, les décès en prison et la censure croissante interrogent sur l’avenir de la démocratie dans le pays.

Si Bukele a su capitaliser sur le mécontentement populaire et les failles du système, son emprise totale sur le pouvoir soulève une question cruciale : jusqu’où ira-t-il ? Alors que le Salvador entre dans une nouvelle ère, le monde observe, partagé entre admiration pour ses résultats et crainte pour ses méthodes.

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