Depuis son retour au pouvoir fin 2022, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s’attelle à remodeler en profondeur le système démocratique du pays. Bien que son projet de réforme judiciaire ait été suspendu face à une contestation historique, le gouvernement multiplie les mesures controversées qui renforcent le pouvoir exécutif et législatif au détriment du judiciaire. Une situation explosive qui fait craindre un déséquilibre des institutions et une dérive autoritaire.
Une réforme judiciaire qui enflamme le pays
En janvier 2023, le ministre de la Justice Yariv Levin dévoile un vaste projet de réforme du système judiciaire. Objectif affiché : rééquilibrer les pouvoirs en faveur du gouvernement et du Parlement. Mais pour ses opposants, il s’agit surtout de museler la Cour suprême, qui joue un rôle clé de contrepoids. Des manifestations monstres éclatent dans tout le pays pendant des mois, contraignant Netanyahou à suspendre son projet en mars.
Un mouvement de protestation historique
Le mouvement de contestation prend une ampleur inédite en Israël. Chaque semaine, des centaines de milliers de manifestants défilent à Tel-Aviv et dans les grandes villes du pays. Le projet de réforme est dénoncé comme une menace existentielle pour la démocratie israélienne.
« Cette lutte concerne l’avenir et l’identité d’Israël »
– Yaïr Lapid, chef de l’opposition
Des nominations judiciaires au cœur des tensions
En parallèle, le gouvernement Netanyahou s’attaque à la nomination des juges. Il cherche à donner plus de poids aux élus dans le processus, au détriment des magistrats et des représentants du barreau. Une manière d’influencer la composition des tribunaux, estiment les juristes critiques. Plusieurs nominations ont déjà été suspendues en signe de protestation.
Des « lois privées » sur mesure
Le gouvernement est également accusé de faire passer des lois sur mesure pour satisfaire ses intérêts ou ceux de ses alliés. Surnommées « lois privées », elles sont taillées pour des personnes ou des situations spécifiques. L’une d’elles a par exemple permis à un député d’extrême droite condamné pour soutien au terrorisme de devenir ministre…
Un fragile équilibre des pouvoirs menacé
Pour de nombreux observateurs, ces différentes mesures fragilisent dangereusement l’équilibre des pouvoirs en Israël. Elles renforcent le poids du gouvernement et du Parlement au détriment du pouvoir judiciaire, jusqu’ici gardien des droits et de l’État de droit. Une situation qui alimente les inquiétudes sur une dérive autoritaire du pays.
« Le gouvernement s’attaque frontalement aux fondements de la démocratie israélienne »
– Un éditorial du journal Haaretz
Benyamin Netanyahou en première ligne
Au cœur de la tempête, Benyamin Netanyahou joue son avenir politique. Inculpé pour corruption dans plusieurs affaires, il est soupçonné de vouloir affaiblir la justice pour échapper aux poursuites. Mais malgré les critiques, il maintient le cap et exploite sa fine majorité au Parlement pour faire voter les réformes.
Un pays profondément fracturé
Au-delà du bras de fer politique, c’est la société israélienne qui se retrouve profondément divisée. D’un côté les partisans des réformes, qui aspirent à un changement radical du système. De l’autre une opposition déterminée à défendre l’indépendance de la justice et les valeurs libérales. Le fossé se creuse entre laïcs et religieux, entre Israéliens et Palestiniens, sur fond de montée des extrêmes.
À l’heure où Israël traverse l’une des pires crises politiques de son histoire, l’avenir de sa démocratie semble plus que jamais en jeu. Les prochains mois diront si Benyamin Netanyahou parviendra à imposer sa révolution ou si la mobilisation populaire contraindra le gouvernement à revoir ses ambitions. Une chose est sûre : le visage politique du pays est en train de changer durablement.
