Comment un ancien président, accusé de liens avec des paramilitaires, peut-il échapper à une condamnation aussi grave ? En Colombie, la récente décision d’annuler la peine d’Alvaro Uribe, figure emblématique de la droite, secoue le paysage politique. Ce revirement judiciaire, survenu le mardi 21 octobre 2025, soulève des questions brûlantes sur la justice, le pouvoir et les luttes politiques dans un pays marqué par des décennies de conflits. Plongeons dans cette affaire complexe, qui redessine les contours de la politique colombienne à l’approche des élections de 2026.
Un Revirement Judiciaire Controversé
La justice colombienne a pris une décision retentissante en annulant la condamnation d’Alvaro Uribe, ancien président de 2002 à 2010. Accusé de subornation de témoins et de fraude procédurale, il avait été condamné en août 2025 à 12 ans d’assignation à résidence. Cette peine, historique pour un ex-président colombien, avait marqué un tournant. Pourtant, après seulement une vingtaine de jours en détention à domicile, Uribe a obtenu gain de cause en appel. Le tribunal de Bogotá a jugé que les preuves, notamment des enregistrements, étaient illégales et que la méthodologie de la première juge comportait des failles.
Cette décision ne passe pas inaperçue. Elle ravive les tensions dans un pays où la politique est profondément polarisée. D’un côté, les soutiens d’Uribe y voient une victoire contre ce qu’ils qualifient de persécution politique. De l’autre, ses détracteurs dénoncent une justice biaisée, incapable de sanctionner les puissants.
Les Accusations au Cœur de l’Affaire
L’affaire Uribe trouve ses racines dans des accusations graves : des pressions exercées sur des témoins pour dissimuler ses liens présumés avec des paramilitaires. Ces milices d’extrême droite, souvent liées au narcotrafic, ont joué un rôle central dans la guerre civile colombienne, combattant les guérillas de gauche tout en semant la terreur. Uribe, connu pour sa fermeté contre les guérillas durant ses mandats, a toujours nié toute connexion avec ces groupes. Pourtant, des témoignages, comme celui de l’ancien paramilitaire Juan Guillermo Monsalve, affirment que des proches d’Uribe, notamment son avocat Diego Cadena, ont tenté de le soudoyer pour modifier ses déclarations.
“C’est ainsi qu’on dissimule l’histoire de la gouvernance paramilitaire en Colombie, c’est-à-dire l’histoire des politiciens alliés aux narcotrafiquants.”
Gustavo Petro, président de la Colombie, sur X
Le sénateur de gauche Ivan Cepeda, à l’origine de la plainte contre Uribe, a promis de porter l’affaire devant la Cour suprême en cassation. Pour lui, ce jugement est une tentative de blanchir une figure politique controversée, dont l’influence reste indéniable.
Un Poids Lourd de la Politique Colombienne
À 73 ans, Alvaro Uribe demeure un acteur incontournable de la scène politique colombienne. Leader charismatique de la droite, il continue d’inspirer une large base de partisans, séduits par sa politique de sécurité nationale dans les années 2000. Cependant, son bilan est entaché par des scandales, notamment des violations des droits humains. Sous ses mandats, l’armée a été accusée d’avoir exécuté des milliers de civils, présentés à tort comme des guérilleros. Ces affaires, connues sous le nom de falsos positivos, continuent de hanter son héritage.
La décision judiciaire de 2025 donne un nouvel élan à la droite colombienne, en particulier à l’approche de l’élection présidentielle de 2026. Une candidate proche d’Uribe a même évoqué la possibilité qu’il brigue un siège au Sénat ou une vice-présidence, signe de son influence persistante.
Points clés de l’affaire Uribe :
- Condamnation initiale : 12 ans d’assignation à résidence pour subornation de témoins.
- Revirement : Annulation pour manque de preuves et illégalité des enregistrements.
- Impact politique : Renforcement de la droite avant 2026.
- Opposition : Recours en cassation annoncé par Ivan Cepeda.
Une Affaire aux Répercussions Internationales
L’affaire Uribe ne se limite pas aux frontières colombiennes. Le président Gustavo Petro, premier dirigeant de gauche du pays, a vivement critiqué la décision, y voyant une tentative de réécrire l’histoire du paramilitarisme. Dans un message sur X, il a également pointé du doigt l’influence de figures internationales, comme Donald Trump, qu’il accuse de soutenir les politiciens liés au narcotrafic. Cette sortie a suscité la controverse, certains reprochant à Petro une ingérence dans le processus judiciaire.
En retour, des voix conservatrices, comme celle du sénateur américain Marco Rubio, ont dénoncé une politisation de la justice colombienne. Lors de la condamnation initiale d’Uribe, Rubio avait qualifié le jugement d’instrumentalisation par des juges radicaux. Ces échanges illustrent les tensions géopolitiques qui entourent cette affaire.
Les Autres Enquêtes Visant Uribe
Bien que libéré dans cette affaire, Alvaro Uribe n’en a pas fini avec la justice. Trois autres enquêtes pèsent sur lui, portant sur des accusations graves :
- Création et financement d’un groupe paramilitaire.
- Implication dans plusieurs tueries.
- Meurtre d’un défenseur des droits humains.
Ces dossiers, actuellement entre les mains du parquet colombien, pourraient relancer les débats sur le passé d’Uribe. Pour ses défenseurs, il s’agit d’une chasse aux sorcières orchestrée par la gauche. Pour ses opposants, ces enquêtes sont essentielles pour faire la lumière sur une période sombre de l’histoire colombienne.
Quel Avenir pour la Colombie ?
La décision d’annuler la condamnation d’Uribe intervient dans un contexte politique tendu. Depuis l’arrivée au pouvoir de Gustavo Petro en 2022, la Colombie est divisée entre une gauche réformiste et une droite conservatrice. Petro, qui a appelé à des marches pour protester contre le jugement, incarne une volonté de rupture avec les élites traditionnelles. Uribe, quant à lui, reste le symbole d’une droite autoritaire, attachée à l’ordre et à la sécurité.
À l’approche de l’élection de 2026, cette affaire pourrait redéfinir les alliances politiques. La droite, galvanisée par la libération d’Uribe, pourrait s’appuyer sur son charisme pour reconquérir le pouvoir. Cependant, les accusations persistantes et les divisions sociales risquent de compliquer la campagne.
Acteur | Rôle dans l’Affaire |
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Alvaro Uribe | Ancien président, accusé de subornation. |
Ivan Cepeda | Sénateur, plaignant contre Uribe. |
Gustavo Petro | Président, critique de la décision. |
Juan Guillermo Monsalve | Témoin clé, ex-paramilitaire. |
En conclusion, l’annulation de la condamnation d’Alvaro Uribe marque un tournant dans l’histoire politique colombienne. Entre accusations de corruption, luttes idéologiques et tensions internationales, cette affaire révèle les fractures d’un pays en quête de justice et de vérité. À l’approche de 2026, les regards se tournent vers Uribe et Petro, deux figures opposées dont le duel pourrait façonner l’avenir de la Colombie.