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Colombie : Un Colonel Retraité Condamné à 20 Ans pour Faux Positifs

En Colombie, un colonel retraité vient d'être condamné à 20 ans de prison pour son rôle dans 72 assassinats de civils déguisés en combattants. Ce verdict marque un tournant dans la justice transitoire... mais que révèle-t-il vraiment sur les sombres chapitres du conflit armé ?

Imaginez un instant : des civils ordinaires, paysans ou simples habitants des régions rurales, soudainement présentés comme des ennemis abattus lors d’opérations militaires victorieuses. Derrière ces « succès » annoncés, une réalité bien plus sombre, faite de manipulations et de vies brisées. C’est cette tragédie qui resurgit aujourd’hui avec force en Colombie, à travers un verdict qui pourrait changer la donne dans la quête de vérité et de justice.

Un Verdict Historique pour la Justice Transitoire Colombienne

Le 19 décembre 2025, la Juridiction spéciale pour la paix (JEP), issue des accords de paix de 2016, a rendu une décision marquante. Un colonel retraité de l’armée, Publio Hernán Mejía Gutiérrez, a été condamné à vingt ans de prison ferme. Cette peine maximale sanctionne sa responsabilité dans 72 cas d’exécutions extrajudiciaires, connues sous le nom de « faux positifs ». Ces actes, qualifiés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, ont eu lieu alors qu’il commandait une unité militaire dans le nord du pays.

Ce jugement n’est pas anodin. Il s’agit de la première condamnation à une peine de prison effective prononcée par la JEP contre un haut officier refusant d’admettre sa culpabilité. Contrairement à d’autres militaires qui ont reconnu leurs actes et bénéficié de sanctions alternatives, ce refus a conduit à un procès contradictoire aboutissant à cette sanction sévère.

Qu’entend-on Exactement par « Faux Positifs » ?

Les « faux positifs » désignent une pratique systématique où des civils innocents étaient assassinés par des membres des forces armées, puis habillés en guérilleros et présentés comme des rebelles éliminés au combat. L’objectif ? Gonfler les statistiques de résultats opérationnels, obtenir des récompenses, des promotions ou des congés. Cette stratégie a particulièrement sévi dans les années 2000, sous la pression de montrer des avancées dans la lutte contre les insurgés.

Parmi les victimes identifiées dans ce cas précis, on trouve des paysans, des membres de communautés indigènes et afro-colombiennes. Certains étaient des guérilleros blessés ou désarmés, exécutés après s’être rendus. D’autres ont été tués lors de combats fictifs mis en scène pour l’occasion. Ces actes ne relevaient pas d’incidents isolés, mais d’un pattern criminel organisé.

La JEP a établi que, sous le commandement du colonel Mejía entre 2002 et 2003, une alliance illicite s’était formée avec des groupes paramilitaires anti-guérilla. Cette collaboration a permis de recruter, tromper et éliminer des personnes vulnérables, souvent issues de milieux modestes, pour les faire passer pour des ennemis.

Ce pattern macrocriminel impliquait une coordination entre l’appareil militaire et des acteurs illégaux, transformant des unités censées protéger la population en instruments de terreur.

Le Rôle Central de la JEP dans la Réconciliation

Créée dans le cadre des accords de paix signés à La Havane en 2016 avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), la JEP vise à juger les crimes les plus graves commis durant plus de cinq décennies de conflit armé. Son approche est restaurative : elle privilégie la vérité, la réparation aux victimes et la non-répétition, offrant des peines alternatives en cas de reconnaissance des faits.

Mais lorsque les responsables nient leur implication, comme dans ce dossier, la justice passe à un mode répressif ordinaire. C’est ce qui explique la peine de vingt ans infligée, sans possibilité de suspension ou de mesure alternative. La JEP a insisté sur le fait que le colonel avait créé un appareil criminel au sein de son bataillon, basé dans la région des Caraïbes.

Ce verdict s’inscrit dans un effort plus large. La JEP estime qu’au moins 6 402 cas de « faux positifs » ont eu lieu durant le conflit, faisant de cette pratique l’un des scandales les plus graves impliquant les forces de l’État. Des excuses officielles ont été présentées par l’armée en 2023, reconnaissant ces dérives.

Les Victimes au Cœur du Processus

Derrière les chiffres, il y a des histoires humaines déchirantes. Des familles ont perdu des proches sans explication, apprenant des années plus tard la vérité sur leur sort. Des communautés entières, déjà marginalisées, ont subi une double violence : celle du conflit et celle de l’État censé les protéger.

La sentence inclut des mesures de réparation : révocation de décorations accordées pour ces « résultats », et obligation pour les forces armées de organiser des actes publics de reconnaissance et de pardon envers les victimes. Ces gestes symboliques visent à restaurer la dignité des familles touchées.

  • Paysans attirés par de fausses promesses d’emploi, puis exécutés.
  • Personnes vulnérables recrutées pour simuler des affrontements.
  • Guérilleros hors combat tués au lieu d’être capturés.
  • Alliances avec des paramilitaires pour fournir des « cibles ».

Ces modalités illustrent comment les « faux positifs » n’étaient pas des erreurs isolées, mais une stratégie délibérée pour démontrer l’efficacité de la lutte antiguérilla.

Le Contexte du Conflit Armé Colombien

Pour comprendre l’ampleur de ce scandale, il faut remonter aux origines du conflit. Né dans les années 1960, il opposait l’État à diverses guérillas marxistes, dont les FARC, fondées sur des revendications de réforme agraire face aux inégalités foncières extrêmes.

Les FARC, autrefois la plus puissante guérilla d’Amérique latine, ont déposé les armes après des négociations marathon à Cuba. L’accord de paix, salué mondialement, a valu au président Juan Manuel Santos le prix Nobel de la paix en 2016. Il prévoyait la transformation des FARC en parti politique et la création de mécanismes comme la JEP pour traiter les crimes des deux côtés.

Récemment, en septembre 2025, la JEP a condamné d’anciens leaders des FARC à des peines alternatives pour des enlèvements massifs. Ces décisions montrent que la justice transitoire s’applique à tous les acteurs du conflit, sans exception.

Les Implications pour l’Avenir de la Colombie

Ce verdict envoie un message fort : le déni ne paie pas. Il encourage les autres responsables à reconnaître leurs actes pour bénéficier de voies restauratives. Mais il soulève aussi des questions sur la réconciliation nationale. Comment panser des plaies aussi profondes ? Comment restaurer la confiance envers les institutions ?

La Colombie continue de naviguer entre avancées et défis. Le processus de paix a permis le désarmement de milliers de combattants, mais des dissidences persistent, et la violence rurale reste une réalité. Des initiatives de développement rural, prévues dans les accords, peinent parfois à se concrétiser.

Néanmoins, des pas comme celui-ci renforcent l’espoir. Ils montrent que la vérité peut émerger, même des décennies plus tard, et que la justice, même imparfaite, progresse.

Vers une Vérité Complète et une Paix Durable

Le cas du colonel Mejía n’est qu’une pièce d’un puzzle immense. D’autres enquêtes suivent leur cours, touchant divers acteurs du conflit. La JEP continue son travail méthodique, priorisant la voix des victimes et la recherche de patterns criminels systématiques.

En fin de compte, ces jugements ne visent pas seulement à punir. Ils cherchent à prévenir la répétition, à éduquer les générations futures sur les coûts humains du conflit, et à construire une société plus juste. La route est longue, semée d’obstacles, mais chaque verdict comme celui-ci rapproche la Colombie d’une paix véritablement consolidée.

Ce chapitre douloureux rappelle que la paix ne se décrète pas : elle se bâtit, pierre par pierre, avec vérité et responsabilité. Et aujourd’hui, une nouvelle pierre vient d’être posée.

Réflexion finale : Dans un pays marqué par des décennies de violence, ces avancées judiciaires offrent un espoir fragile mais réel. Elles honorent la mémoire des victimes et invitent à une introspection collective sur le passé pour mieux embrasser l’avenir.

(Article basé sur des faits récents et vérifiés au 19 décembre 2025. La quête de justice en Colombie continue d’évoluer, symbole d’une nation en mutation.)

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