En Colombie, pays hôte de la COP16 sur la biodiversité, un constat glaçant vient d’être établi. Selon un rapport publié mercredi par la Fondation Paix et Réconciliation (PARES), plus de 350 défenseurs de l’environnement ont été froidement assassinés au cours des six dernières années. Un chiffre qui témoigne de l’ampleur d’une tragédie silencieuse, dans l’un des pays les plus riches en biodiversité au monde.
2023, l’année la plus meurtrière
D’après les données collectées par l’ONG PARES, pas moins de 361 militants écologistes ont été tués depuis 2018 en Colombie. Un bilan particulièrement lourd, qui place le pays en tête du sinistre classement des nations les plus dangereuses pour les défenseurs de l’environnement. Et l’année 2023 s’avère la plus sanglante, avec 81 meurtres recensés à ce jour.
Une situation d’autant plus préoccupante que la Colombie accueille actuellement à Cali la COP16 sur la biodiversité, réunissant jusqu’au 1er novembre les négociateurs de près de 200 pays. L’objectif affiché : s’entendre sur les mesures à prendre pour enrayer l’effondrement du vivant. Mais comment espérer des avancées concrètes, quand ceux qui se battent au quotidien pour préserver la nature sont systématiquement réduits au silence ?
Le contrôle des territoires, enjeu majeur
Pour la Fondation PARES, la recrudescence des assassinats de défenseurs de l’environnement est intimement liée aux conflits qui déchirent le pays. “La lutte entre acteurs armés pour le contrôle de territoires est devenue l’un des principaux facteurs de risque pour les défenseurs de l’environnement”, souligne le rapport. Une analyse partagée par de nombreux observateurs, qui dénoncent l’incapacité de l’État colombien à protéger ces militants.
La mauvaise coordination des institutions de l’État empêche de répondre à cette violence sélective.
– Fondation PARES
Car si certaines victimes étaient des opposants à des mégaprojets controversés, comme l’exploitation minière ou la construction de barrages hydroélectriques, dans près d’un tiers des cas (31%), les auteurs identifiés des meurtres appartiennent à des groupes armés. Parmi eux, les dissidents de l’ex-guérilla des FARC, qui ont rejeté l’accord de paix historique de 2016, sont responsables de plus de la moitié de ces assassinats.
L’impunité, terreau de la violence
Autre facteur aggravant souligné par le rapport : l’impunité quasi-totale dont bénéficient les commanditaires et exécutants de ces crimes. Près des deux tiers (66%) des assassinats de défenseurs de l’environnement sont restés impunis ces dernières années. Un chiffre révélateur des dysfonctionnements de la justice colombienne, incapable d’enquêter efficacement et de traduire les coupables devant les tribunaux.
Cette impunité est particulièrement criante dans certaines régions du pays, comme les départements d’Antioquia (nord-ouest), de Cauca et de Nariño (sud-ouest, à la frontière avec l’Équateur). À eux seuls, ces trois territoires concentrent plus de la moitié (53%) des meurtres de militants écologistes. Dans le Cauca et le Nariño, bastions de groupes dissidents des FARC, 57% des victimes sont des dirigeants de communautés indigènes.
Un constat alarmant, un défi immense
Face à ce constat alarmant, les défis à relever sont immenses pour la Colombie. Comment assurer la protection effective des défenseurs de l’environnement, cibles d’une violence aveugle ? Comment lutter contre l’impunité et traduire en justice les responsables de ces crimes odieux ? Comment réconcilier préservation de la biodiversité et développement économique, dans un pays encore marqué par de profondes inégalités ?
Autant de questions cruciales, qui devront trouver des réponses rapides et concrètes si la Colombie veut honorer ses engagements en faveur de l’environnement. Car au-delà des grands discours et des promesses, c’est sur le terrain que se joue l’avenir de la biodiversité. Et ceux qui se battent chaque jour pour la défendre méritent bien plus que notre admiration : ils ont besoin de notre soutien actif et sans faille.