En cette période de vacances d’hiver, les routes menant aux stations de ski de l’Isère sont prises d’assaut par les touristes avides de poudreuse. Mais ce qui devrait être synonyme de réjouissances pour l’économie locale se transforme en véritable cauchemar pour les habitants des communes traversées. En cause : les applications GPS qui, pour éviter les bouchons, déroutent les automobilistes vers des itinéraires bis totalement inadaptés.
Le casse-tête des maires face aux embouteillages monstres
Les édiles des communes concernées ne savent plus à quel saint se vouer. Chaque week-end, c’est le même scénario : des files interminables de voitures qui traversent leurs villages, transformant la moindre ruelle en parking géant. « C’est infernal, on ne peut plus sortir de chez nous », se désole Pascale, une habitante excédée de Notre-Dame-de-Mésage.
Mais les touristes ne sont pas au bout de leurs peines. Piégés par leur GPS, ils se retrouvent dans des voies sans issue, obligés de faire demi-tour au milieu des embouteillages. « Je suis parti de Lyon ce matin à 7h30 et je vais mettre à peu près 6h pour faire Lyon-Serre-Chevalier », témoigne un automobiliste dépité.
Des maires en première ligne
Face à cette situation intenable, certains élus ont décidé de prendre le taureau par les cornes. C’est le cas de Christian Masnada, maire de Saint-Pierre-de-Mésage, qui a pris un arrêté interdisant la circulation sur le pont de sa commune. « On a mis une barrière pour empêcher avec l’arrêté que les gens passent sur le pont. Parce que c’est infernal, c’est tout bouché. Il n’y a pas d’autre solution », explique-t-il.
D’autres, comme les élus de Vizille, ont pris leur bâton de pèlerin pour aller à la rencontre des automobilistes et les supplier de rebrousser chemin. Tracts à la main, ils sont le dernier rempart pour tenter d’endiguer le flot continu de voitures qui menace de submerger leurs communes.
Le bras de fer avec les applications GPS
Mais les maires sont conscients que ces mesures ne sont que des pis-aller. Pour vraiment résoudre le problème, il faudrait que les applications GPS prennent en compte leurs signalements et cessent de diriger les utilisateurs vers des itinéraires inadaptés. Un véritable bras de fer s’est engagé entre les édiles et les géants du numérique.
Christian Masnada a ainsi prévenu Waze et Google de la fermeture du pont de sa commune. Mais force est de constater que les effets sont limités. « Je ne le savais pas, autrement, je n’aurais pas pris cette route. J’ai suivi le GPS, c’est tout. Tout simplement, bêtement », confie un automobiliste piégé par son application.
La sécurité des habitants en jeu
Au-delà de la gêne occasionnée, ces embouteillages monstres font peser un vrai risque sur la sécurité des habitants. Catherine Troton, maire de Vizille, tire la sonnette d’alarme : « Quand il y a des afflux comme ça de véhicules, ça met en danger nos populations. » En cas d’urgence, les secours auraient en effet le plus grand mal à se frayer un chemin au milieu des voitures à l’arrêt.
Une situation d’autant plus préoccupante que ces communes de montagne sont régulièrement sujettes à des aléas climatiques importants, comme des chutes de neige massives ou des risques d’avalanches. Autant de scénarios catastrophes qui ne laissent pas les maires dormir sur leurs deux oreilles.
L’épineuse question des retombées économiques
Pourtant, les édiles ne veulent pas non plus passer pour des trouble-fêtes. Ils sont bien conscients que le tourisme est une manne financière essentielle pour leurs territoires. « Pour que les choses soient claires, on est très heureux d’accueillir les touristes. On est très heureux qu’ils fassent vivre nos montagnes, ce n’est pas le problème », tient à souligner Catherine Troton.
Mais entre désagréments pour les locaux et retombées économiques, le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? C’est tout le dilemme des élus, pris en tenaille entre les intérêts parfois divergents de leurs administrés. Un casse-tête qui est loin d’être résolu, alors que les vacances d’hiver battent leur plein.
Des solutions alternatives à explorer
Pour tenter de concilier accueil des touristes et qualité de vie des habitants, certains élus réfléchissent à des solutions innovantes. Parmi les pistes évoquées, la mise en place de navettes pour acheminer les vacanciers depuis la vallée, ou encore la création de parkings relais en périphérie des communes.
Des idées séduisantes sur le papier, mais qui se heurtent souvent à des contraintes budgétaires et logistiques importantes. Sans compter qu’il faudrait aussi convaincre les touristes de jouer le jeu, en acceptant de laisser leur voiture au pied des montagnes.
Vers une régulation du trafic touristique ?
En attendant de trouver la formule magique, les maires en appellent à une prise de conscience collective. Ils plaident pour une meilleure régulation du trafic touristique, passant par une concertation accrue entre tous les acteurs concernés : élus locaux, opérateurs de GPS, gestionnaires des stations, pouvoirs publics…
Car si rien n’est fait, le risque est grand de voir la situation s’envenimer un peu plus chaque année, au gré des pics de fréquentation touristique. Avec à la clé, des tensions croissantes entre habitants et visiteurs, mettant en péril ce fragile équilibre qui fait tout le charme et l’attractivité des communes de montagne. Un scénario noir que personne ne souhaite voir se réaliser.