En France, la colère monte chez les éleveurs qui se disent “à bout de nerfs”. Entre la multiplication des épizooties frappant leur bétail et la crainte d’une concurrence déloyale liée à l’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, le monde agricole français est sous haute tension. Une grogne qui pourrait bien exploser lors des mobilisations prévues à partir de la mi-novembre.
Des éleveurs désespérés qui mettent les nerfs à nu
Fin octobre, dans le Tarn, six agriculteurs avaient marqué les esprits en posant torse nu sur des bottes de foin, derrière une banderole clamant : “L’Etat est à bout de souffle et nous à bout de nerfs”. Un cliché choc pour illustrer leur sentiment d’être acculés. “On a voulu faire un peu de buzz pour dire qu’avec les problématiques qu’on a, on n’arrivera plus à vivre et on va finir à poil sur la paille”, explique Cyril Bousquet, éleveur et représentant FNSEA.
Son confrère Kévin Bleys, également présent sur la photo, abonde : “L’état d’esprit du moment c’est l’impression que tout nous tombe dessus en même temps, c’est un fardeau qui continue de se charger”. Et les deux hommes de pointer du doigt les multiples maladies décimant les cheptels et la menace de l’accord UE-Mercosur.
Des pertes massives liées aux épizooties
Ces derniers mois, les maladies touchant le bétail se sont multipliées dans les élevages français, à l’instar de la fièvre catarrhale ovine (FCO) et de la maladie hémorragique épizootique (MHE). Des épizooties qui ont engendré des pertes conséquentes :
- Jusqu’à 15% de pertes sur le troupeau de Kévin Bleys
- Des taux grimpant à 50% dans certains élevages
- Environ un quart d’avortements parmi les 100 vaches de Jérôme Bayle
Face à ces hécatombes, les éleveurs se retrouvent dans des situations financières plus que précaires. Et la perspective de devoir affronter sur leur propre marché les géants de l’élevage sud-américain n’arrange rien.
L’accord UE-Mercosur, la goutte d’eau qui fait déborder le vase
Pour Jérôme Bayle, figure des mobilisations agricoles de l’hiver dernier, la signature de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) sera “l’élément qui fera exploser la colère”. Un véritable coup de massue pour les éleveurs français :
C’est vraiment un gros handicap pour la profession et même pour notre avenir, parce qu’on sait très bien qu’on ne luttera plus à armes égales.
Jérôme Bayle, éleveur
Avec cet accord, les consommateurs français pourront acheter “ce qu’on ne nous autorise plus à produire depuis plus de 20 ans en France : du bœuf aux hormones, du maïs OGM, du poulet industriel”, déplore l’agriculteur. Impossible pour les éleveurs hexagonaux de rivaliser avec les pratiques de ces pays qui “déforestent, utilisent des OGM, des produits phytosanitaires interdits ici”.
Vers une mobilisation explosive ?
Alors que les appels à manifester fleurissent pour la mi-novembre, certains s’inquiètent d’une radicalisation du mouvement. Jusqu’ici pacifiques, les protestations pourraient changer de ton. “Quand on est dans la colère et dans la frustration, tout le monde peut dégoupiller très vite”, prévient Jérôme Bayle.
Face à un avenir de plus en plus sombre, entre pertes massives de bétail et concurrence jugée déloyale, les nerfs des éleveurs français sont plus que jamais à vif. Une colère sourde qui risque fort d’exploser cet automne. Le gouvernement saura-t-il apaiser les tensions avant qu’il ne soit trop tard ? L’avenir de tout un pan de l’agriculture française en dépend.