Dans la ville côtière syrienne de Tartous, fief de l’ex-président Bachar al-Assad, une scène surprenante se déroule depuis la chute du régime. Aux abords du port stratégique, des soldats russes chargent un camion à l’entrée de leur enclave, sous le regard des combattants islamistes tenant un poste de contrôle à proximité. Une cohabitation forcée et tendue qui illustre la complexité de la situation en Syrie post-Assad.
Le HTS aux portes de la base russe
Le groupe sunnite radical Hayat Tahrir al-Cham (HTS), fer de lance de la rébellion contre le régime Assad et les forces russes le soutenant, contrôle désormais les accès au port de Tartous. Ses combattants ont cependant reçu la consigne de ne pas s’approcher des Russes, qui occupent toujours une enclave militaire dans le terminal portuaire depuis l’époque soviétique.
Lundi, des journalistes de l’AFP ont pu observer cette étrange cohabitation. Des soldats russes chargeaient des gravats dans un camion à leur premier poste de contrôle. Plus loin, une file de véhicules militaires russes attendait le long d’un quai. Mais les reporters ont été mis en garde par les combattants du HTS de ne pas trop s’approcher.
Une rencontre sous haute tension
D’après les déclarations des combattants islamistes, une rencontre a eu lieu il y a deux jours entre une délégation du nouveau gouvernement syrien et les forces russes. La délégation comprenait quatre hauts responsables, un interprète et un cadre du port ayant servi sous l’ancien régime.
Mais la tension est palpable. Ainsi, lorsque dimanche des troupes locales se sont approchées des Russes, ces derniers ont semblé préparer leurs armes, sans toutefois viser directement. « Nous avons reçu l’ordre de rester à distance pour l’instant », a confié un combattant du HTS.
L’avenir incertain des bases russes en Syrie
Cette situation inédite soulève des interrogations quant au devenir des deux bases militaires russes en Syrie, celle navale de Tartous et l’aérodrome de Hmeimim. Grâce à elles, Moscou exerce son influence de la Méditerranée jusqu’en Afrique.
Il n’y a pas de décision définitive à ce sujet. Nous sommes en contact avec les représentants des forces qui contrôlent actuellement la situation dans le pays.
Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin
La fuite de Bachar al-Assad vers Moscou lors de la prise de Damas par les rebelles le 8 décembre a porté un coup dur aux ambitions russes. Le Kremlin a d’ailleurs annoncé dimanche avoir évacué une partie de son personnel diplomatique de Syrie.
Un équilibre des forces précaire
À Tartous, chaque camp semble pour l’heure s’observer avec méfiance, sans franchir de ligne rouge. Les soldats russes poursuivent certaines activités sous l’œil vigilant des combattants islamistes qui contrôlent les environs.
Mais dans ce face-à-face tendu, le moindre incident pourrait dégénérer. Les récents événements ont rebattu les cartes en Syrie, obligeant la Russie à composer avec de nouveaux interlocuteurs. L’avenir de la présence militaire russe dans le pays dépendra de négociations complexes et potentiellement volatiles avec les forces ayant renversé son allié de longue date, Bachar al-Assad.
Cette cohabitation forcée à Tartous est symptomatique des défis auxquels le Kremlin est confronté pour préserver son influence dans une Syrie en plein bouleversement. Un test pour la diplomatie russe, qui devra manœuvrer avec pragmatisme pour défendre ses intérêts stratégiques face aux nouveaux maîtres de Damas.