La chaîne d’info CNews fait l’objet d’une nouvelle polémique. L’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, lui a infligé une amende de 80 000 euros pour des propos tenus par des invités, qualifiant l’immigration de « mortifère ». Un nouveau dérapage qui pose la question des limites de la liberté d’expression et du rôle des médias.
Retour sur les faits
Lors de l’émission La Matinale Week-End du 10 décembre 2023, deux invités ont déclaré que « l’immigration tue » sans susciter de réaction de l’animateur ou des autres intervenants. Des propos jugés stigmatisants par l’Arcom, réduisant les immigrés à des personnes dangereuses et incitant à la haine.
Une telle stigmatisation est susceptible d’inciter à la haine à leur égard en raison de leur race, leur nationalité ou leur origine ethnique.
– L’Arcom, dans sa décision
CNews, coutumière des controverses
Ce n’est pas la première fois que CNews se retrouve au cœur de polémiques pour des propos tenus à l’antenne. La chaîne avait déjà été mise en demeure par le CSA (devenu l’Arcom) pour des « propos à connotation raciste » ou des insuffisances dans la maîtrise de l’antenne.
- En 2021, une séquence sur « l’ensauvagement » de la France avait suscité l’indignation
- En 2020, un débat sur le voile avait dérapé avec des propos islamophobes
- En 2019, le CSA avait mis en garde CNews après des propos sur une « crise migratoire »
Le difficile équilibre entre liberté d’expression et régulation
Cette nouvelle sanction interroge sur le rôle des médias et les limites de la liberté d’expression. Si cette liberté est un pilier de la démocratie, elle n’est pas absolue. Les chaînes ont une responsabilité dans les idées qu’elles donnent à voir et doivent prévenir les discours haineux.
La liberté d’expression permet le débat, y compris la polémique, mais ne saurait servir d’alibi pour stigmatiser une partie de la population.
– Roch-Olivier Maistre, Président de l’Arcom
Pour autant, tracer la frontière entre opinion et dérapage n’est pas toujours aisé. Certains y voient une forme de censure, quand d’autres appellent à davantage d’exemplarité des médias. Un équilibre complexe, soumis à l’appréciation du régulateur.
Vers un durcissement du contrôle des médias ?
Face à la multiplication des polémiques, l’Arcom semble décidé à muscler son action. Les amendes se veulent dissuasives, pour responsabiliser les chaînes. Mais au-delà des sanctions, c’est un changement de culture qui est attendu, avec plus de vigilance sur les dérives.
Certains appellent à des contre-pouvoirs renforcés, comme des comités d’éthique internes ou un droit de réponse élargi pour les personnes visées. D’autres plaident pour une meilleure formation des journalistes et animateurs aux enjeux des discours de haine.
Une réflexion de fond est en tout cas nécessaire pour concilier liberté de ton et respect de l’autre. Car si les médias ont vocation à être un espace de débat pluraliste, ils ont aussi un devoir d’exemplarité et de cohésion sociale. Un défi d’autant plus grand à l’heure des réseaux sociaux et des infox.
Un révélateur des tensions sur l’immigration
Au-delà du cas CNews, cette polémique est symptomatique des crispations autour de l’immigration. Un sujet clivant, propice aux raccourcis et aux fantasmes. Les médias ont un rôle clé à jouer pour dépasser les caricatures et apporter de la nuance.
Cela passe par donner la parole à une diversité de points de vue, tout en gardant un regard critique. Mais aussi par un travail pédagogique sur les réalités complexes des phénomènes migratoires, loin des images d’Épinal ou des peurs irrationnelles.
Un défi majeur à l’heure où l’immigration reste un enjeu politique et sociétal de premier plan. Avec en toile de fond, la question de notre capacité à faire société dans la diversité. Les mots ont ici tout leur poids. Aux médias d’en user avec discernement.
