L’ascension fulgurante du club de football Arkadag au Turkménistan vient de connaître son premier coup d’arrêt. Après une série record mais non homologuée de 61 victoires consécutives, l’équipe fondée en l’honneur du dirigeant de ce pays reclus d’Asie centrale s’est inclinée pour la première fois vendredi dernier.
Arkadag a été défait 3-2 par le club koweïtien d’Al Arabi en Challenge League, l’équivalent asiatique de la Ligue Conférence européenne. Selon un représentant de la fédération turkmène de football, depuis sa création au printemps 2023, le club avait disputé 62 matches sans concéder la moindre défaite ni même le moindre match nul jusqu’à ce revers.
Une ascension éclair sur fond de culte présidentiel
Nommé d’après l’ex-président Gourbangouly Berdymoukhamedov, portant les titres de “Protecteur” et de “chef de la nation turkmène”, le club Arkadag a connu une progression fulgurante. En à peine plus d’un an d’existence, il a remporté deux championnats nationaux consécutifs ainsi que la Coupe du Turkménistan.
Cette saison, en 26 journées de championnat, Arkadag a déjà inscrit la bagatelle de 126 buts, soit une moyenne proche de 5 réalisations par match. Une domination écrasante qui pose question dans ce pays fermé ne connaissant aucun pluralisme politique et où le culte de la personnalité autour du “Protecteur” atteint des sommets.
Records non reconnus par le Guiness
Malgré ses 61 succès de rang, la série victorieuse d’Arkadag ne sera pas homologuée par le Guiness World Records. Un porte-parole de l’organisme a expliqué à l’AFP que le record officiel de victoires consécutives (34) resterait détenu par le club saoudien d’Al Hilal.
Il y a relativement peu de détails disponibles pour le championnat turkmène, moins que ce que nous souhaitons pour vérifier en bonne et due forme ce type de records.
Cette incroyable série de victoires peut également indiquer un niveau de gouvernance et de concurrence inférieur à celui que nous recherchons habituellement.
– Un porte-parole du Guiness World Records
Le reflet du système politique turkmène
Le parcours d’Arkadag et son lien avec le pouvoir en place illustrent le fonctionnement politique du Turkménistan, l’un des pays les plus secrets et répressifs au monde selon les ONG. Gourbangouly Berdymoukhamedov a dirigé le pays d’une main de fer de 2006 à 2022, date à laquelle il a cédé de manière surprise la présidence à son fils Serdar.
Mais l’ex-président continue de tirer les ficelles du pouvoir en conservant d’immenses prérogatives. Officiellement, il co-dirige le pays en tandem avec son fils. Le monument doré à son effigie trônant au centre de la nouvelle ville d’Arkadag, dont la construction aurait déjà coûté 5 milliards de dollars, symbolise ce culte de la personnalité toujours vivace malgré son retrait apparent.
Dans ces conditions, difficile de ne pas s’interroger sur cette série de victoires à rallonge et cette défaite surprise d’Arkadag. S’agit-il d’un simple accident ou d’un signe d’un changement de vent au sommet de l’État? Dans ce pays opaque à l’extrême, la question reste ouverte.