Imaginez un territoire où chaque kilomètre carré raconte une histoire de tensions, de divisions et d’espoirs déchus. La Cisjordanie, coincée entre des frontières disputées, est bien plus qu’un simple point sur une carte : c’est un espace où cohabitent des réalités humaines complexes, marquées par des chiffres saisissants. Avec une population de près de trois millions de Palestiniens et environ 500 000 colons israéliens, ce territoire de 5 655 km² est un microcosme de défis politiques, économiques et sociaux. Alors qu’Israël vient d’approuver la construction de 3 400 nouveaux logements, un projet dénoncé comme une menace de division territoriale, nous plongeons dans les chiffres qui dessinent le visage de cette région sous haute tension.
Un Territoire sous Pression : Les Chiffres Clés
La Cisjordanie, d’une superficie équivalant à peine à 1 % de celle de la France, est un espace où chaque mètre carré est disputé. Prise en étau entre Israël à l’ouest, au nord et au sud, et la Jordanie à l’est, elle abrite une mosaïque de populations et d’intérêts divergents. Mais que disent les chiffres de ce territoire ? Ils révèlent un équilibre fragile, où les dynamiques démographiques, les implantations de colonies et les impacts économiques de conflits voisins, comme la guerre à Gaza, façonnent un quotidien instable.
Population et Colonies : Une Coexistence Tendue
Près de trois millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie, hors Jérusalem-Est, un secteur occupé et annexé par Israël depuis 1967. À leurs côtés, environ 500 000 Israéliens résident dans des colonies, des implantations jugées illégales par l’ONU au regard du droit international. Ces colonies, au nombre de 147 selon l’ONG israélienne anticolonisation La Paix Maintenant, sont reconnues par les autorités israéliennes. Mais ce n’est pas tout : 224 avant-postes, des installations initialement non autorisées, parsèment également le territoire.
Ces avant-postes, souvent évacués par les forces israéliennes, sont parfois légalisés par la suite. En 2024, pas moins de 60 nouveaux avant-postes ont vu le jour, un record qui, selon La Paix Maintenant, s’explique par l’influence croissante de figures d’extrême droite au sein du gouvernement israélien. Par comparaison, entre 1996 et 2023, la moyenne annuelle était inférieure à sept avant-postes. Ce boom des implantations exacerbe les tensions, déjà vives, entre colons et Palestiniens.
« L’expansion des colonies divise le territoire et compromet les chances d’une paix durable. » – La Paix Maintenant
Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza le 7 octobre 2023, ces tensions ont atteint un point critique. Selon un décompte de l’Autorité palestinienne, au moins 967 Palestiniens, qu’ils soient combattants ou civils, ont perdu la vie en Cisjordanie, tués par des soldats ou des colons israéliens. De l’autre côté, 36 Israéliens, civils et militaires, ont été victimes d’attaques palestiniennes ou d’opérations militaires israéliennes. Ces chiffres traduisent une violence quotidienne, où chaque incident alimente un cycle de méfiance et de représailles.
Une Division Territoriale : Les Zones d’Oslo
Pour comprendre la complexité de la Cisjordanie, il faut se pencher sur les accords d’Oslo, signés dans les années 1990. Ces accords ont divisé le territoire en trois zones distinctes :
- Zone A : Sous contrôle administratif et sécuritaire de l’Autorité palestinienne, elle représente les centres urbains palestiniens.
- Zone B : Sous juridiction mixte, avec une administration palestinienne mais un contrôle sécuritaire israélien.
- Zone C : Entièrement sous contrôle israélien, elle couvre 60 % du territoire et inclut la plupart des colonies ainsi que la vallée du Jourdain.
La vallée du Jourdain, une langue de terres agricoles représentant près de 30 % de la Cisjordanie, est particulièrement stratégique. Environ 10 000 colons y résident, et cette zone était au cœur d’un projet d’annexion partielle, officiellement reporté par Israël en 2020. Cependant, l’approbation récente de 3 400 nouveaux logements ravive les craintes d’une division définitive du territoire, rendant la création d’un État palestinien contigu de plus en plus improbable.
L’Impact Économique de la Guerre à Gaza
La guerre à Gaza, déclenchée par l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, a eu des répercussions dévastatrices sur l’économie de la Cisjordanie. Avant ce conflit, environ 177 000 Palestiniens travaillaient en Israël ou dans les colonies israéliennes, occupant des emplois souvent mieux rémunérés que ceux disponibles localement. Depuis, ce nombre a chuté à 27 000, privant des dizaines de milliers de familles de revenus essentiels.
Le salaire moyen en Israël étant plus du double de celui en Cisjordanie, cette restriction a entraîné une chute brutale des revenus. Selon un rapport conjoint de la Banque mondiale, de l’Union européenne et des Nations unies publié en février 2025, le taux de chômage en Cisjordanie a grimpé à 35 % entre octobre 2023 et septembre 2024, contre 14 % avant la guerre. Parallèlement, le taux de pauvreté a plus que doublé, passant de 12 % à 28 % à la mi-2024.
Indicateur | Avant la guerre (2023) | Après la guerre (2024) |
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Travailleurs palestiniens en Israël | 177 000 | 27 000 |
Taux de chômage | 14 % | 35 % |
Taux de pauvreté | 12 % | 28 % |
Ces chiffres ne sont pas de simples statistiques : ils traduisent une réalité où des familles entières luttent pour subvenir à leurs besoins. L’économie locale, déjà fragile, s’est effondrée sous le poids des restrictions d’accès au marché du travail israélien, aggravant les inégalités et les tensions sociales.
Un Projet Controversé : 3 400 Nouveaux Logements
L’annonce récente de la construction de 3 400 nouveaux logements dans les colonies israéliennes a ravivé les débats. Selon les critiques, ce projet pourrait couper la Cisjordanie en deux, rendant quasi impossible la création d’un État palestinien viable. Les colonies, concentrées en grande partie dans la zone C, s’étendent de manière stratégique, morcelant le territoire et limitant la mobilité des Palestiniens.
« Ce projet est une menace directe à la solution à deux États. » – Observateur international
La construction de ces logements s’inscrit dans une tendance plus large d’expansion des colonies, alimentée par des décisions politiques controversées. Les avant-postes, souvent établis sans autorisation initiale, jouent un rôle clé dans cette dynamique. Leur légalisation progressive renforce la présence israélienne, tout en compliquant les négociations de paix.
Vers un Avenir Incertain
La Cisjordanie est à un carrefour. Les chiffres – qu’il s’agisse de la population, des colonies ou des impacts économiques – racontent une histoire de division et de défis croissants. Les tensions entre Palestiniens et colons, exacerbées par la guerre à Gaza, ne montrent aucun signe d’apaisement. Les restrictions économiques, quant à elles, plongent des milliers de familles dans la précarité, tandis que les projets d’expansion des colonies menacent de redessiner irrévocablement la carte du territoire.
Que réserve l’avenir à ce territoire ? Les accords d’Oslo, jadis porteurs d’espoir, semblent aujourd’hui bien loin des réalités du terrain. La coexistence entre les communautés reste fragile, et chaque nouvelle construction, chaque restriction économique, chaque acte de violence repousse un peu plus la perspective d’une paix durable.
Récapitulatif des enjeux :
- Population : 3 millions de Palestiniens et 500 000 colons israéliens.
- Colonies : 147 colonies officielles, 224 avant-postes, dont 60 nouveaux en 2024.
- Économie : Chômage à 35 %, pauvreté à 28 %, chute des emplois en Israël.
- Division : Zones A, B, C issues des accords d’Oslo, avec 60 % du territoire sous contrôle israélien.
La Cisjordanie reste un symbole de résilience et de lutte, mais aussi de fractures profondes. Les chiffres, froids et implacables, ne racontent qu’une partie de l’histoire. Derrière eux, ce sont des vies, des espoirs et des combats qui se jouent, dans un territoire où chaque jour apporte son lot de défis.