Imaginez un paysage aride, ponctué de troupeaux de brebis paissant tranquillement sous un ciel chargé de tension. À première vue, une scène pastorale banale. Mais en Cisjordanie, ce tableau cache une réalité bien plus sombre : celle d’une stratégie silencieuse et implacable visant à s’approprier des terres palestiniennes. Selon un récent rapport publié par deux organisations israéliennes, ces activités de pâturage ne sont pas anodines. Elles auraient permis à certains colons de mettre la main sur pas moins de 14% du territoire en seulement quelques années. Une question se pose alors : comment de simples moutons peuvent-ils devenir des outils de conquête ?
Quand les Brebis Deviennent des Armes de Colonisation
Le document, fruit du travail minutieux de deux ONG israéliennes, met en lumière une tactique aussi discrète qu’efficace. Sous couvert de pastoralisme, des groupes de colons installent des avant-postes dans des zones agricoles exploitées depuis des générations par les Palestiniens. Ces installations, souvent rudimentaires, marquent le début d’une prise de contrôle progressive. En trois ans, 70% des terres passées sous influence coloniale l’auraient été grâce à cette méthode. Un chiffre qui donne le vertige et illustre l’ampleur du phénomène.
Depuis 1967, la Cisjordanie vit sous occupation israélienne, un statut que la plus haute juridiction de l’ONU a qualifié d’illicite en juillet 2023. Cette décision, bien que consultative, a été balayée d’un revers de main par les autorités israéliennes, qui continuent de soutenir ces expansions. Mais au-delà des déclarations officielles, c’est sur le terrain que tout se joue, là où les brebis paissent et où les tensions montent.
Une Stratégie Bien Rodée
Le pastoralisme, en apparence innocent, est en réalité une arme redoutable. Les colons s’installent avec leurs troupeaux sur des terres cultivées par les Palestiniens, rendant leur accès de plus en plus difficile. Petit à petit, ces terres deviennent des zones sous contrôle israélien, souvent avec l’aval implicite des forces de l’ordre. Le rapport souligne que cette méthode ne repose pas uniquement sur la présence physique, mais aussi sur une pression constante exercée sur les communautés locales.
« Les conditions de vie sont rendues insupportables par les autorités, mais aujourd’hui, ce sont surtout les actes des colons qui poussent les gens à partir. »
– Une responsable d’un consortium d’aide aux Palestiniens
Cette stratégie ne date pas d’hier. Elle s’inscrit dans une logique d’expansion territoriale qui, selon les observateurs, s’est accélérée ces dernières années. Les avant-postes, d’abord temporaires, se transforment parfois en colonies permanentes, redessinant la carte de la région au détriment des populations historiques.
Harcèlement et Violence : Les Armes du Quotidien
Pour chasser les Palestiniens de leurs terres, les colons ne se contentent pas de poser des clôtures ou de laisser paître leurs troupeaux. Le rapport détaille des pratiques bien plus agressives : intimidations, destructions de cultures, et parfois violences physiques. D’après une source proche des ONG, ces actes sont souvent perpétrés avec le soutien tacite des autorités, voire de l’armée, qui ferme les yeux ou intervient trop tard.
Une responsable d’un groupe d’aide humanitaire raconte : les familles palestiniennes vivent dans la peur constante. « Elles n’ont aucun recours », explique-t-elle. Quand un troupeau s’installe sur leurs champs, suivi de colons armés, la seule option est souvent de plier bagage. En une semaine, selon un bureau de l’ONU, 23 Palestiniens auraient été blessés par des colons, majoritairement dans des zones pastorales.
- Destruction ciblée : Les cultures sont piétinées ou empoisonnées.
- Intimidation physique : Menaces directes contre les agriculteurs.
- Blocage d’accès : Routes coupées, puits surveillés.
Ces actes ne sont pas isolés. Ils s’inscrivent dans une dynamique plus large, où la violence devient un levier pour vider les terres de leurs habitants d’origine.
Un Soutien Politique de Poids
Le phénomène ne serait pas aussi étendu sans un appui politique clair. Plusieurs figures influentes au sein du gouvernement israélien, notamment issues de l’extrême droite, militent ouvertement pour une annexion pure et simple de la Cisjordanie. Ce projet, longtemps dans l’ombre, a pris un nouvel élan avec le retour au pouvoir d’un ancien président américain connu pour son soutien indéfectible à Israël. Une conjoncture qui donne des ailes aux ambitions territoriales.
Pour les ONG à l’origine du rapport, cette vague de colonisation pastorale n’est pas un hasard. Elle pose les bases d’une mainmise définitive sur des dizaines de milliers d’hectares. Une stratégie qui, si elle aboutit, pourrait changer irrémédiablement le visage de la région.
Les Palestiniens, Premières Victimes
Pour les communautés palestiniennes, souvent bédouines ou agricoles, les conséquences sont dramatiques. Leurs moyens de subsistance disparaissent, leurs terres ancestrales s’évanouissent sous leurs yeux. « Les gens s’inquiètent pour leur sécurité et celle de leurs enfants », confie une experte du terrain. Sans protection ni recours légal, beaucoup n’ont d’autre choix que de partir.
Impact | Exemple | Conséquence |
Perte de terres | Avant-postes pastoraux | 14% de la Cisjordanie |
Violence | 23 blessés en une semaine | Exode forcé |
Ce tableau, bien que succinct, illustre l’ampleur du problème. Chaque hectare perdu est une famille déracinée, un avenir incertain.
Une Crise Humanitaire en Silence
Alors que les projecteurs se braquent souvent sur d’autres conflits, cette crise passe trop souvent inaperçue. Pourtant, elle touche des milliers de vies. Les ONG appellent à une prise de conscience internationale, mais les obstacles sont nombreux : soutien politique à la colonisation, inertie diplomatique, et une situation sur le terrain qui empire jour après jour.
Le pastoralisme, loin d’être une simple activité agricole, est devenu un symbole de cette lutte pour le contrôle. Les brebis, dans leur innocence apparente, portent sur leurs épaules une stratégie qui redessine les frontières, une parcelle à la fois.
Que Peut-on Attendre de l’Avenir ?
Face à cette montée en puissance de la colonisation, les perspectives sont incertaines. Les décisions internationales, comme celle de l’ONU en 2023, peinent à infléchir la réalité sur le terrain. Pendant ce temps, les Palestiniens continuent de perdre du terrain, littéralement. Les ONG espèrent que leur rapport fera réagir, mais sans une pression concrète, le statu quo risque de perdurer.
Une chose est sûre : tant que les brebis paîtront sous l’œil bienveillant des colons et des autorités, la Cisjordanie restera un champ de bataille silencieux, où chaque hectare compte. La question demeure : jusqu’où ira cette conquête pastorale ?