Alors que la guerre civile qui déchire la Syrie depuis plus de dix ans semble toucher à sa fin, l’avenir du régime de Bachar el-Assad apparaît plus incertain que jamais. Confronté à une pression croissante de l’opposition et à un soutien international qui s’effrite, le pouvoir en place à Damas pourrait bien s’effondrer dans un avenir proche. Une chute qui, si elle venait à se confirmer, aurait des répercussions majeures sur l’ensemble du Moyen-Orient.
Un régime syrien aux abois
Malgré l’appui militaire de la Russie et de l’Iran, le régime de Bachar el-Assad peine à reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire syrien. Affaibli par des années de conflit, miné par les dissensions internes et les défections, confronté à une situation économique catastrophique, il semble plus vulnérable que jamais. Selon certaines sources proches du dossier, une transition politique, voire un renversement du régime, serait à l’étude dans plusieurs chancelleries occidentales et arabes.
Face à cette menace existentielle, Damas tente de resserrer les rangs. Mais les signes de fébrilité se multiplient au sein de l’appareil sécuritaire et militaire syrien. Le spectre d’un effondrement soudain, sur le modèle de ce qui s’est passé en Libye ou en Irak, n’est plus tabou. Une issue qui, il y a encore quelques mois, semblait pourtant inenvisageable étant donné l’attachement de Moscou et Téhéran à la survie de leur allié.
Un jeu d’alliances bousculé
Une chute du régime syrien rebattrait les cartes au Moyen-Orient. Elle remettrait en cause les équilibres géostratégiques en place depuis des décennies dans la région. La Russie et l’Iran, les deux grands parrains de Damas, verraient leur influence décliner. À l’inverse, les pays arabes sunnites, Turquie en tête, sortiraient renforcés.
Mais le vide laissé par la disparition de Bachar el-Assad pourrait aussi profiter à des acteurs non-étatiques comme les groupes djihadistes ou les milices kurdes. Sans parler du risque de fragmentation de la Syrie en zones d’influence rivales, sur fond de tensions communautaires exacerbées. Un scénario cauchemardesque qui inquiète jusqu’à Washington.
La Syrie est devenue le principal point de fixation des crises et des conflits qui agitent le Moyen-Orient. Sa stabilité est essentielle pour la sécurité de toute la région.
Un diplomate occidental en poste dans la région
Le pari risqué d’une transition contrôlée
Pour éviter le chaos, la communauté internationale mise sur une transition politique en douceur à Damas. L’objectif serait d’accompagner le départ de Bachar el-Assad tout en préservant les structures de l’État syrien, sur le modèle de ce qui a été fait au Yémen lors de la crise de 2011. Un pari risqué tant les lignes de fracture qui traversent la société syrienne sont profondes.
Reste à savoir quelle formation politique serait en mesure d’incarner cette transition. L’opposition syrienne en exil, affaiblie par ses divisions, ne fait pas l’unanimité. Quant aux groupes armés anti-Assad sur le terrain, ils sont pour la plupart inféodés à des puissances étrangères. Dix ans après le début du soulèvement contre le régime, la Syrie semble plus que jamais dépendante de forces qui la dépassent.
Des défis titanesques pour l’après-Assad
Même si elle est porteuse d’espoir, la perspective d’une Syrie post-Assad soulève d’immenses défis. Sur le plan sécuritaire d’abord, avec la nécessité de désarmer et démobiliser les innombrables groupes armés qui quadrillent le pays. Certains d’entre eux, proches d’Al-Qaïda ou de l’État Islamique, constituent une menace de long terme.
L’enjeu de la reconstruction, aussi bien physique qu’institutionnelle, sera tout aussi colossal. Avec un coût estimé à plus de 250 milliards de dollars selon la Banque mondiale, elle nécessitera un effort financier international considérable. Sans parler du retour de millions de réfugiés et de déplacés, qui pèsera lourd sur les équilibres démographiques et sociaux du pays.
Politiquement enfin, l’établissement d’un nouveau contrat social entre les différentes composantes de la mosaïque syrienne s’annonce ardu. Entre aspirations démocratiques, tensions confessionnelles, interférences étrangères et pesanteurs du passé, le chemin vers la réconciliation nationale sera long et semé d’embûches.
L’impact sur les grands dossiers régionaux
Au-delà de ses frontières, une Syrie post-Assad, ou en transition, aura des répercussions sur l’ensemble des équations géopolitiques régionales :
- La question israélo-palestinienne pourrait connaître une nouvelle donne avec l’arrivée au pouvoir à Damas de forces moins hostiles à l’État hébreu.
- Le dossier du nucléaire iranien, et plus largement la rivalité entre Téhéran et Riyad, seraient impactés par un affaiblissement des positions iraniennes en Syrie.
- Les soubresauts politiques internes au Liban, qui partage une frontière avec la Syrie, seront étroitement liés aux évolutions à Damas.
Autant d’enjeux qui placent le destin de la Syrie au cœur de l’avenir du Moyen-Orient. Raison pour laquelle nombre d’observateurs voient dans ce pays la clé des grands défis stratégiques de demain. Et font de l’issue, encore incertaine, de la crise syrienne un moment de vérité pour toute la région.