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Chute du régime Assad : la presse syrienne fait volte-face

La presse syrienne a radicalement changé de ton après la chute du régime Assad. Du jour au lendemain, les médias sont passés de la glorification du dictateur à la célébration de la révolution. Mais quel avenir pour les journalistes...

Le paysage médiatique syrien a connu un bouleversement sans précédent après la chute soudaine du régime de Bachar al-Assad. Du jour au lendemain, les organes de presse qui encensaient le dictateur se sont mis à chanter les louanges de la révolution. Un revirement à 180 degrés qui soulève de nombreuses interrogations sur l’avenir de la liberté de la presse en Syrie.

Des médias longtemps muselés par le clan Assad

Pendant des décennies, le parti Baas au pouvoir et le clan Assad ont maintenu un contrôle absolu sur les médias syriens. Toute velléité d’indépendance était sévèrement réprimée. Les journalistes étaient sommés de relayer la propagande du régime, sous peine d’emprisonnement ou pire. Une censure drastique qui a fait de la Syrie l’un des pays les plus hostiles à la liberté de la presse dans le monde.

Dans ce contexte, les médias officiels comme l’agence Sana ou la télévision d’État étaient de véritables porte-voix du pouvoir. Leurs contenus se résumaient à glorifier Bachar al-Assad et à nier les exactions de son régime. Même les rares médias privés tolérés, à l’image du journal al-Watan ou de la radio Cham FM, s’autocensuraient pour ne pas subir les foudres du clan régnant.

Le choc du 8 décembre

Tout a basculé le 8 décembre, lorsqu’une coalition armée menée par des groupes rebelles a pris le contrôle de Damas, mettant fin au règne sans partage des Assad. Pris de court, les médias syriens sont entrés dans une phase de flottement. L’agence Sana a interrompu ses programmes pendant 24 heures, un silence assourdissant pour cette machine de propagande jusque-là infatigable.

Dès le lendemain, changement radical de ton. Les dépêches de Sana dénoncent désormais « le régime criminel » de Bachar al-Assad. La télévision officielle diffuse en boucle des images des manifestations contre le tyran déchu. Les mêmes médias qui faisaient jusqu’ici l’apologie du dictateur se parent des couleurs de la révolution. Un revirement aussi spectaculaire que suspect.

Le malaise des journalistes syriens

Ce virage à 180 degrés a plongé les journalistes syriens dans un profond malaise. Habitués à obéir au doigt et à l’œil au pouvoir, beaucoup ne savent plus sur quel pied danser. Le rédacteur en chef du quotidien al-Watan, réputé proche du régime Assad, s’est fendu d’un mea culpa gêné. « Nous diffusions les nouvelles qu’ils nous envoyaient et il est maintenant établi qu’elles étaient mensongères », écrit-il sur Facebook. Une justification qui en dit long sur la soumission de la presse syrienne ces dernières décennies.

On ne peut juger les journalistes que s’il a été prouvé qu’ils ont participé à des crimes

– Bassam Safar, directeur du syndicat des journalistes syriens

D’autres, comme la radio privée Cham FM, ont préféré suspendre leurs émissions, le temps que la situation se stabilise. Son fondateur Samer Youssef confie son inquiétude : « Nous avançons vers un avenir inconnu, comme tous les médias qui travaillaient sous le contrôle de l’ancien régime ». Les 70 employés de la radio, comme des milliers d’autres journalistes syriens, redoutent des représailles de la part des nouvelles autorités.

Quelle liberté pour les médias de l’après-Assad ?

Si le renversement de la dictature est une heureuse nouvelle, il est encore trop tôt pour parler de liberté retrouvée pour les médias syriens. Un responsable du nouveau ministère de l’Information a menacé de « punir » les journalistes ayant collaboré avec l’ancien régime. Une déclaration inquiétante, qui rappelle les heures les plus sombres de la censure sous Assad.

Pour Bassam Safar, du syndicat des journalistes syriens (dans l’opposition), il faut laisser la justice faire son travail. « On ne peut juger les journalistes que s’il a été prouvé qu’ils ont participé à des crimes », affirme-t-il. Selon lui, il est urgent de réconcilier le peuple syrien avec ses journalistes, afin de « bâtir une nouvelle scène médiatique basée sur la liberté et les droits de l’Homme ».

La transition s’annonce délicate pour une profession traumatisée par des décennies de censure et de répression. Mais les journalistes syriens ont aujourd’hui une occasion historique de se réinventer et de reconquérir la confiance de leurs concitoyens. En tournant résolument la page de la propagande Assad pour embrasser les valeurs démocratiques et le pluralisme. Un défi immense et passionnant.

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