C’est un constat alarmant que vient de dresser le gouvernement ougandais : en l’espace de quatre ans, le nombre d’organisations non gouvernementales (ONG) enregistrées dans le pays a chuté de plus de moitié. Un déclin brutal qui soulève de nombreuses interrogations quant à l’avenir de l’action humanitaire et de la société civile en Ouganda.
Une chute vertigineuse du nombre d’ONG depuis 2019
Selon les chiffres communiqués par Stephen Okello, directeur du Bureau national pour les ONG en Ouganda, le pays comptait environ 14 000 ONG enregistrées en 2019. Un chiffre qui est tombé à seulement 5 021 en août 2023, soit une baisse de près de 64% en quatre ans. Une véritable hémorragie qui inquiète les acteurs du secteur humanitaire et les défenseurs des droits humains.
Comment expliquer un tel effondrement ? Selon le gouvernement ougandais, cette situation serait en partie due au retrait des financements de nombreux bailleurs de fonds étrangers suite à la pandémie de Covid-19. Mais pour beaucoup d’observateurs, c’est surtout le durcissement des réglementations imposées aux ONG par les autorités qui est en cause.
Un environnement de plus en plus hostile pour les ONG
Depuis plusieurs années, le régime du président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, est régulièrement pointé du doigt pour ses atteintes aux libertés et son autoritarisme. Dans ce contexte, les ONG, en particulier celles œuvrant dans le domaine des droits humains, font face à des pressions croissantes et à des contraintes administratives de plus en plus strictes.
Le travail des ONG devient compliqué. Les agences étrangères qui finançaient auparavant leur travail font face à des contraintes, les ONG étant soumises à des réglementations de plus en plus strictes en matière de financement.
Chris Nkwatsibwe, membre d’une ONG ougandaise
En 2021, pas moins de 54 ONG avaient ainsi été suspendues par les autorités pour non-respect des réglementations, qu’il s’agisse d’organisations de défense des droits des femmes ou des droits humains en général. Une situation qui rend l’action humanitaire de plus en plus compliquée et risquée sur le terrain.
Vers une crise humanitaire majeure en Ouganda ?
Au-delà des entraves à la liberté d’action des ONG, c’est l’avenir même de l’aide humanitaire et du développement en Ouganda qui est en jeu. Avec une population de plus de 45 millions d’habitants, dont une grande partie vit sous le seuil de pauvreté, le pays fait face à d’immenses défis sociaux et sanitaires.
Sans le soutien crucial des ONG, nationales comme internationales, de nombreux programmes essentiels risquent d’être remis en cause, qu’il s’agisse de l’accès à la santé, à l’éducation, à l’eau potable ou encore de la lutte contre les violences faites aux femmes. Autant de domaines où l’action des organisations de la société civile est indispensable pour venir en aide aux populations les plus vulnérables.
De moins en moins d’ONG ont envie de s’aventurer en Ouganda parce que c’est risqué et que l’État qui réglemente notre secteur a le dessus.
Eron Kiiza, avocat de défense des droits humains
Face à cette situation préoccupante, de nombreuses voix s’élèvent pour appeler le gouvernement ougandais à assouplir sa politique vis-à-vis des ONG et à créer un environnement plus favorable à leur action. Sans quoi, le pays pourrait bien être confronté dans les années à venir à une crise humanitaire majeure, aux conséquences dramatiques pour ses habitants les plus fragiles.
Il est urgent que la communauté internationale se mobilise elle aussi pour faire pression sur le régime du président Museveni et l’inciter à respecter les libertés fondamentales et l’espace civique. Car c’est bien l’avenir de toute une nation qui se joue aujourd’hui en Ouganda, à travers la survie de son tissu associatif et humanitaire.
Un signal d’alarme à prendre très au sérieux, alors que partout dans le monde, l’espace des sociétés civiles ne cesse de se réduire sous la pression de gouvernements autoritaires. Un combat crucial pour la démocratie et les droits humains qui concerne chacun d’entre nous.
