Imaginez-vous partir couvrir un simple reportage sportif et vous retrouver, quelques semaines plus tard, derrière les barreaux à des milliers de kilomètres de chez vous. C’est exactement ce qui est arrivé à Christophe Glezies, 36 ans, collaborateur de magazines français spécialisés dans le football. Un appel poignant lancé par son frère cadet vient de relancer l’espoir, mais aussi la douleur, d’une famille qui se bat sans relâche.
Un verdict qui tombe comme un coup de massue
Jeudi matin, la cour d’appel a confirmé la peine de sept ans de prison prononcée en première instance. Le motif ? Apologie du terrorisme. Une accusation qui laisse la famille et les soutiens du journaliste abasourdis, tant les faits semblent dérisoires au regard de la sanction.
Maxime Glezies, frère cadet de Christophe, s’est exprimé sur les ondes nationales avec une voix tremblante mais déterminée. « On appelle à la grâce présidentielle, on appelle à la libération dès demain », a-t-il lancé, comme un ultime cri du cœur.
« Avec la diplomatie entre la France et l’Algérie qui semblait s’apaiser, on avait beaucoup d’espoir… On a cru à sa libération hier soir, et là, on a ce sentiment d’avoir été menés en bateau. »
Maxime Glezies
Un sentiment de trahison après des signes encourageants
Depuis plusieurs semaines, les relations entre Paris et Alger montraient des signes de dégel. Retour progressif des ambassadeurs, gestes d’apaisement… Tout laissait penser qu’une issue favorable était proche. La famille s’était même autorisée à rêver d’une libération imminente.
La confirmation du verdict a donc été vécue comme une gifle. Maxime Glezies n’a pas caché sa déception, allant jusqu’à parler d’une sensation d’avoir été « menés en bateau ». Un sentiment partagé par de nombreux observateurs qui suivaaient le dossier de près.
« J’ai l’impression d’être un peu Don Quichotte qui se bat contre des moulins à vent », a-t-il ajouté avec une pointe d’humour amer. Pourtant, la famille refuse de baisser les bras. Au contraire, elle se mobilise plus que jamais.
La grâce présidentielle, seule porte de sortie rapide ?
Pour Maxime Glezies, la grâce du président algérien représente aujourd’hui la solution la plus rapide et la plus réaliste. « La grâce présidentielle serait la possibilité de liberté la plus proche », explique-t-il avec pragmatisme.
Mais la stratégie reste incertaine. Se pourvoir en cassation ou miser tout sur une grâce ? Chaque option présente des risques. Renoncer à la cassation pourrait être interprété comme une acceptation du verdict. À l’inverse, poursuivre la procédure judiciaire pourrait retarder, voire compromettre, une éventuelle mesure de clémence.
La famille est en discussion permanente avec les soutiens du journaliste – organisations de défense de la presse, employeurs – pour trancher. Un choix cornélien qui illustre la complexité du dossier.
Boualem Sansal brise le silence : « Une dictature brutale »
Autre voix forte à s’être exprimée : celle de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, lui-même libéré il y a à peine un mois après près d’un an derrière les barreaux. Invité sur une radio nationale, il n’a pas mâché ses mots.
« Je suis effondré parce que l’État algérien n’avait pas besoin de poursuivre dans cet acharnement. »
Pour lui, cette affaire révèle le visage d’un régime qui « est brutal et méchant et cruel ». Des termes rares sous la plume d’un intellectuel habitué à la mesure, mais qui traduisent une colère profonde.
Paradoxalement, Boualem Sansal reste optimiste sur l’issue : « Je suis confiant, il va sortir dans une semaine, deux semaines, il va être gracié. » Une conviction qui repose peut-être sur sa propre expérience récente de libération.
Retour sur les faits : comment tout a basculé
Mai 2024. Christophe Glezies, 36 ans, se rend en Algérie pour un reportage anodin sur la Jeunesse Sportive de Kabylie, le club le plus titré du pays, basé à Tizi Ouzou. Passionné de football, il collabore régulièrement avec des magazines spécialisés.
Le 28 mai, il est arrêté. D’abord placé sous contrôle judiciaire, il est finalement incarcéré après une condamnation en première instance à sept ans de prison. Le timing est terrible : l’affaire éclate au plus fort de la crise diplomatique entre la France et l’Algérie, marquée par des expulsions de diplomates et le rappel des ambassadeurs.
Beaucoup y voient alors un règlement de comptes par procuration. Le journaliste paierait-il le prix d’une détérioration des relations bilatérales ? La question reste posée.
Chronologie express de l’affaire
- Mai 2024 – Arrivée en Algérie pour un reportage sur la JS Kabylie
- 28 mai 2024 – Arrestation
- Juin 2024 – Condamnation à 7 ans en première instance
- Automne 2025 – Confirmation en appel
- Décembre 2025 – Appel à la grâce présidentielle
Une affaire qui dépasse le seul sort d’un journaliste
Au-delà du drame humain, c’est toute la question de la liberté de la presse qui est posée. Peut-on encore travailler sereinement en Algérie quand on est journaliste étranger ? La réponse, pour l’instant, semble pencher du côté de la prudence.
L’affaire Glezies s’inscrit dans une série de tensions récurrentes entre Paris et Alger. Chaque crise semble trouver un bouc émissaire, qu’il soit journaliste, chercheur ou simple citoyen binational.
Pourtant, des signes d’apaisement avaient été perçus ces derniers mois. La libération de Boualem Sansal en était un. Beaucoup espéraient que Christophe Glezies bénéficierait du même traitement. Raté, pour l’instant.
Un délai de sept jours pour agir
Le journaliste dispose désormais d’une semaine pour se pourvoir en cassation. Sept petits jours pour prendre une décision qui pourrait sceller son sort pour des années. La pression est immense sur la famille et les avocats.
Chaque heure compte. Les soutiens se mobilisent, les pétitions circulent, les appels se multiplient. Reste à savoir si la voix de la raison finira par l’emporter à Alger.
En attendant, une famille continue de vivre au rythme des espoirs déçus et des combats à mener. Comme l’a si bien dit Maxime Glezies, ils sont encore là. Et ils ne lâcheront rien.
(Article mis à jour le 4 décembre 2025 – Suivez l’évolution de l’affaire en temps réel)










