Imaginez partir couvrir un simple match de football et finir derrière les barreaux pour sept années. C’est le caucheillard qui frappe Christophe Gleizes depuis maintenant plus de six mois. Ce journaliste sportif français de 36 ans, connu pour ses reportages passionnés, se retrouve au cœur d’une tempête judiciaire et diplomatique qui dépasse largement le cadre d’un article sur un club kabyle.
Une condamnation confirmée qui glace le sang
Mercredi soir, la cour d’appel algérienne a tranché : la peine de sept ans de prison prononcée en première instance est maintenue. Le motif ? « Apologie du terrorisme ». Une accusation qui laisse pantoise la famille, les collègues et toute la profession journalistique.
Pour Maxime Gleizes, le frère cadet du détenu, interrogé sur les ondes françaises jeudi matin, le choc est immense. « On avait beaucoup d’espoir avec le dégel diplomatique récent. On a cru à sa libération hier soir… et là, c’est la douche froide. On a l’impression d’avoir été menés en bateau. »
« On appelle à la grâce présidentielle, on appelle à la libération dès demain. »
Maxime Gleizes, frère du journaliste
Que reproche exactement la justice algérienne ?
Tout commence en mai 2024. Christophe Gleizes se rend en Algérie pour un reportage sur la Jeunesse Sportive de Kabylie, le club le plus titré du pays, basé à Tizi Ouzou. Un sujet classique pour un passionné de football. Mais les autorités lui reprochent des contacts avec des personnes liées au MAK, le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, classé organisation terroriste par Alger.
Arrêté le 28 mai, d’abord placé sous contrôle judiciaire, il est finalement incarcéré après une condamnation éclair en juin. Sept ans requis et prononcés. Un verdict tombé au plus fort de la crise diplomatique entre Paris et Alger : rappels d’ambassadeurs, expulsions croisées… Le timing n’a rien d’anodin.
La grâce présidentielle, seul horizon crédible
Aujourd’hui, tous les regards se tournent vers le palais d’El Mouradia. La grâce du président Tebboune apparaît comme la porte de sortie la plus rapide. L’avocat français Emmanuel Daoud l’affirme sans détour : « La grâce présidentielle serait la possibilité de liberté la plus proche. »
Les précédents existent. Mi-novembre, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a bénéficié d’une mesure similaire après près d’un an de détention. Un signe encourageant ? L’intéressé, libéré il y a quelques semaines à peine, veut y croire. « Je suis confiant, il va sortir dans une semaine, deux semaines, il va être gracié », a-t-il déclaré, tout en fustigeant « l’acharnement » des autorités.
Le précédent Boualem Sansal
Mi-novembre 2025 : grâce présidentielle après presque un an de prison.
Accusations similaires de liens avec des mouvements hostiles au régime.
Libération saluée comme un geste d’apaisement dans les relations franco-algériennes.
Paris monte au créneau
L’Élysée a rapidement réagi. Emmanuel Macron suit le dossier personnellement et se dit « profondément inquiet ». Un communiqué officiel promet que la France continuera « d’agir auprès des autorités algériennes pour obtenir sa libération et son retour en France dans les plus brefs délais ».
Sur le terrain, le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez confirme que la libération du journaliste fait partie des « éléments majeurs » des discussions relancées entre Paris et Alger. Le dégel diplomatique amorcé ces dernières semaines pourrait jouer en faveur de Christophe Gleizes.
Un acharnement dénoncé de toutes parts
L’organisation Reporters sans frontières parle d’une « décision aberrante » et condamne « avec la plus grande fermeté » cette condamnation. « Le journalisme n’est pas un crime, et sa place n’est pas en prison », rappellent à l’unisson plusieurs syndicats de journalistes français.
Boualem Sansal, encore lui, ne mâche pas ses mots : « L’État algérien n’avait pas besoin de poursuivre dans cet acharnement. » L’écrivain, qui connaît les geôles algériennes, va plus loin : « C’est une dictature qui n’arrive pas à se corriger, à prendre des manières un peu plus civilisées. Elle est brutale, méchante et cruelle. »
« Le journalisme n’est pas un crime, et sa place n’est pas en prison. »
Syndicats français de journalistes
Quelle stratégie juridique désormais ?
Les avocats disposent encore d’une semaine pour se pourvoir en cassation. Mais l’issue judiciaire pure semble compromise. Me Daoud explique la tactique envisagée : déposer le recours pour garder toutes les options ouvertes, tout en menant parallèlement le combat pour la grâce.
« Si on fait une stricte application du droit, on peut déposer un recours en cassation et se désister à tout moment », précise-t-il. Une stratégie du double voie qui laisse la porte ouverte à une solution politique rapide.
Christophe Gleizes, seul journaliste français détenu à l’étranger
À 36 ans, collaborateur régulier des magazines So Foot et Society, Christophe Gleizes est aujourd’hui le seul journaliste français incarcéré hors de France. Un symbole douloureux pour la profession et pour le pays tout entier.
Son frère Maxime refuse de baisser les bras. « On est en discussion permanente avec les avocats, avec l’employeur, avec la famille pour déterminer la meilleure procédure. » L’unité affichée autour de lui constitue peut-être sa plus grande force.
Dans l’attente, chaque jour passé en prison pèse. Six mois déjà. Six mois loin des siens, loin des terrains de football qu’il aime tant chroniquer. Six mois où l’espoir vacille mais refuse de s’éteindre.
Une mobilisation qui ne faiblit pas
- Famille en première ligne depuis le premier jour
- Soutien total des rédactions So Press
- Mobilisation continue de Reporters sans frontières
- Syndicats de journalistes unis dans la demande de grâce
- Diplomatie française activée au plus haut niveau
L’histoire de Christophe Gleizes dépasse largement le cadre d’un fait divers judiciaire. Elle interroge la liberté de la presse, les relations complexes entre la France et l’Algérie, et la capacité d’un État à faire preuve de clémence quand la raison l’exige.
Au moment où ces lignes sont écrites, l’attente est insoutenable. Une grâce présidentielle peut tomber à tout moment. Ou pas. Entre espoir et incertitude, la famille retient son souffle. Comme des milliers de lecteurs, de collègues, de citoyens qui suivent cette affaire avec émotion.
Christophe Gleizes mérite de rentrer chez lui. Rapidement. Avant que sept années ne deviennent une réalité irréversible.









