Dans un coin oublié de Kinshasa, la capitale tentaculaire de la République démocratique du Congo (RDC), une bataille silencieuse mais acharnée se livre contre une menace invisible : le choléra. À Pakadjuma, un quartier déshérité où la pauvreté, l’insalubrité et l’absence d’eau potable forment un cocktail mortel, les habitants affrontent une épidémie qui a déjà coûté des centaines de vies cette année. Comment une communauté peut-elle survivre dans de telles conditions ? Plongeons dans cette réalité complexe, où chaque jour est un combat pour la santé et la dignité.
Une Crise Sanitaire qui Frappe Fort
Le choléra, cette infection intestinale aiguë causée par la bactérie Vibrio cholerae, prospère dans des environnements où l’hygiène est précaire. En RDC, plus de 34 000 cas ont été recensés cette année, faisant du pays l’un des plus touchés d’Afrique, juste derrière le Soudan du Sud. À Kinshasa, mégalopole de 17 millions d’habitants, la situation est particulièrement alarmante. Les inondations récurrentes, les infrastructures défaillantes et la densité de population favorisent la propagation de la maladie, transformant des quartiers comme Pakadjuma en épicentres de l’épidémie.
« J’ai été contaminée par négligence. J’ai mangé sans me laver les mains après une visite au centre de traitement. Je pensais que la maladie n’existait pas ici, mais elle est bien réelle. »
Djany Abanda, survivante du choléra
Ce témoignage poignant illustre une réalité brutale : la méconnaissance et les conditions de vie extrêmes rendent les habitants vulnérables. Djany, une jeune mère de 27 ans, a passé deux jours dans un centre de traitement du choléra (CTC) à Pakadjuma avant de rentrer chez elle. Son histoire reflète celle de milliers d’autres, pris au piège d’un cercle vicieux où l’accès à l’eau propre et à l’assainissement reste un luxe.
Pakadjuma : Un Quartier au Bord du Gouffre
Imaginez un quartier où les maisons, souvent des abris de fortune, s’entassent entre une décharge sauvage et des égouts à ciel ouvert. À Pakadjuma, les rues sont jonchées de déchets, et les caniveaux bouchés débordent dès qu’il pleut. Les inondations, fréquentes dans cette région, aggravent la situation en répandant des eaux contaminées dans les foyers. Les enfants, jouant dans ces environnements insalubres, deviennent des cibles faciles pour le choléra.
Les inondations d’avril dernier, causées par des pluies torrentielles, ont fait des dizaines de morts à Kinshasa. À Pakadjuma, elles ont transformé les ruelles en rivières de boue, propageant encore davantage les germes.
Le Dr Devos Kabemba, médecin chef de la zone de santé de Limete, ne mâche pas ses mots : « À part les inondations, nous faisons face à des établissements défectueux et à un manque criant d’eau potable. » Dans un tel contexte, comment empêcher la maladie de se propager ?
Le Choléra : Une Maladie Évitable, Pourtant Dévastatrice
Le choléra se transmet par la consommation d’eau ou d’aliments contaminés par la bactérie Vibrio cholerae. Les symptômes, comme la diarrhée aiguë, peuvent entraîner une déshydratation mortelle en quelques heures si aucun traitement n’est administré. En RDC, le taux de létalité national est de 2,4 %, mais il atteint des sommets alarmants de 10,2 % à Kinshasa. Dans le seul CTC de Pakadjuma, 26 décès ont été récemment signalés.
Le centre de traitement, un bâtiment rudimentaire fait de bâches et de planches, est installé sur un terrain marécageux. Les patients, souvent sous perfusion, luttent pour leur survie dans des conditions précaires. Les proches, parfois contraints de porter les malades sur leur dos, doivent naviguer à travers des montagnes d’ordures pour atteindre le centre.
Les Défis d’une Riposte Efficace
Briser la chaîne de transmission du choléra dans un quartier comme Pakadjuma relève du défi herculéen. Le Dr Kabemba insiste sur l’importance de couper cette chaîne, mais les obstacles sont nombreux :
- Manque d’eau potable : Les habitants dépendent de sources d’eau souvent contaminées.
- Insalubrité : Les déchets s’accumulent, et les égouts débordent, créant un terrain propice à la bactérie.
- Densité de population : La promiscuité facilite la propagation rapide de la maladie.
- Inondations : Les pluies aggravent l’insalubrité et compliquent l’accès aux soins.
Le professeur Yap Boum II, coordinateur de la riposte pour l’agence sanitaire africaine, souligne que Kinshasa est particulièrement vulnérable en raison de sa forte mobilité des populations et de son accès limité à l’assainissement. Alors que des pays voisins comme l’Angola ou le Soudan du Sud observent une baisse des cas, la RDC fait face à une hausse préoccupante.
« Il faut une réponse multisectorielle : eau, hygiène, assainissement. Sans cela, le choléra continuera de frapper. »
Représentant de l’Organisation mondiale de la Santé en RDC
Hygiène : Le Mot d’Ordre Inaccessible
« Hygiène, hygiène, hygiène », martèle le ministre de la Santé, Samuel-Roger Kamba. Mais dans un quartier comme Pakadjuma, où l’odeur des ordures imprègne l’air et où les mouches pullulent, cette injonction semble utopique. Les habitants, comme Gilbert Mujinga, expriment leur désarroi : « Est-ce que dans une ville, les gens peuvent vivre comme ça ? »
Pour beaucoup, se laver les mains régulièrement ou accéder à de l’eau propre est un défi quotidien. Les infrastructures de base font défaut, et les moyens financiers pour améliorer les conditions de vie sont inexistants. Pourtant, des organisations comme Médecins sans frontières soutiennent les efforts locaux, notamment en renforçant les capacités des centres de traitement.
Statistiques du choléra en RDC (2025) | Chiffres |
---|---|
Nombre de cas | Plus de 35 000 |
Nombre de décès | 852 |
Taux de létalité à Kinshasa | 10,2 % |
Un Combat pour la Dignité
Dans un quartier comme Pakadjuma, la lutte contre le choléra dépasse la simple question médicale. C’est une question de dignité humaine. Les habitants, confrontés à des conditions de vie inhumaines, continuent de faire preuve d’une résilience remarquable. Pourtant, sans investissements massifs dans les infrastructures d’eau et d’assainissement, la situation risque de perdurer.
Les organisations internationales appellent à une mobilisation multisectorielle. Cela inclut non seulement des campagnes d’hygiène, mais aussi la construction de canalisations, l’amélioration des systèmes d’évacuation des eaux usées et l’accès à des soins de santé de qualité. Sans ces mesures, Pakadjuma et d’autres quartiers similaires resteront des foyers d’épidémies.
L’Afrique Face au Choléra
Le choléra n’est pas un problème isolé à la RDC. En juin 2025, 82 % des cas mondiaux de choléra étaient enregistrés en Afrique, avec 93,5 % des décès. Vingt pays du continent sont touchés, mettant en lumière les défis structurels qui persistent : pauvreté, urbanisation rapide, et manque d’infrastructures. La RDC, avec ses 35 000 cas, est au cœur de cette crise.
Pourtant, des solutions existent. Les campagnes de vaccination, bien que limitées, ont montré leur efficacité dans d’autres régions. L’éducation à l’hygiène et l’accès à l’eau potable pourraient transformer la donne. Mais pour des communautés comme Pakadjuma, ces solutions semblent encore hors de portée.
Et Après ?
Le combat contre le choléra à Pakadjuma est loin d’être terminé. Chaque jour, de nouveaux cas émergent, et les habitants continuent de vivre dans la peur d’une maladie qui pourrait être évitée. Mais au-delà des statistiques et des défis, c’est l’histoire d’une communauté qui refuse de baisser les bras. Avec un soutien adéquat, il est possible de briser la chaîne de transmission et de redonner espoir à ces habitants oubliés.
Pour l’instant, la question demeure : comment une ville comme Kinshasa, avec ses millions d’habitants, peut-elle surmonter une crise sanitaire d’une telle ampleur ? La réponse réside dans une mobilisation collective, où chaque geste compte, qu’il s’agisse de fournir de l’eau propre ou de sensibiliser à l’hygiène. Pakadjuma, malgré ses défis, mérite qu’on lui donne une chance de respirer.