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Chine : Vers une Économie Tournée vers la Consommation Intérieure ?

La Chine vient de promettre une relance massive de la consommation intérieure et une stabilisation du marché immobilier. Mais derrière les grandes déclarations, les défis restent immenses : dette, chômage des jeunes, exportations records… Pékin va-t-il enfin réussir le virage tant attendu ?

Et si la deuxième économie mondiale décidait enfin de compter d’abord sur ses propres citoyens ? C’est, en substance, le message envoyé par Pékin à l’issue de la très attendue Conférence centrale sur le travail économique qui s’est tenue cette semaine.

Dans un contexte où les exportations battent tous les records malgré les tensions commerciales, les dirigeants chinois ont choisi de remettre la demande intérieure au cœur de leur stratégie pour 2025. Un virage longtemps appelé de leurs vœux par les économistes, mais qui se heurte encore à des obstacles colossaux.

Une priorité affichée : faire de la consommation le moteur principal

Les termes sont clairs. Les autorités veulent « continuer à développer la demande intérieure » et en faire « le principal moteur de l’économie ». L’objectif : construire un marché intérieur robuste, capable de soutenir la croissance même en cas de ralentissement mondial.

Cette orientation n’est pas nouvelle sur le papier. Depuis plus de dix ans, les plans quinquennaux successifs promettent ce rééquilibrage. Mais la réalité reste différente : les investissements massifs et les exportations continuent de porter l’essentiel de la croissance.

Cette fois pourtant, le ton semble plus ferme. La conférence a insisté sur la nécessité de passer d’un modèle tiré par l’offre à un modèle tiré par la demande. Un changement de paradigme qui, s’il était réellement mis en œuvre, marquerait une rupture historique.

Le secteur immobilier, éternel point noir

Impossible de parler relance de la consommation sans aborder la crise immobilière. Pour des millions de ménages chinois, l’essentiel de l’épargne est immobilisé dans la pierre. Quand les prix chutent et que les promoteurs font défaut, la confiance s’effondre.

Les autorités en sont conscientes. Elles promettent désormais des « politiques spécifiques à chaque ville » pour ajuster l’offre de logements neufs, réduire les stocks invendus et optimiser la structure du marché. Un virage pragmatique après des années de régulation uniforme souvent contre-productive.

Derrière ces annonces se cache une réalité brutale : des dizaines de millions de logements restent vides tandis que des jeunes couples peinent à accéder à la propriété dans les grandes métropoles. Stabiliser ce secteur n’est pas seulement une question économique, c’est aussi une question sociale explosive.

Emploi des jeunes : l’autre urgence absolue

Le chômage des 16-24 ans a dépassé les 15 % cette année dans les statistiques officielles, et probablement bien plus en réalité. Un chiffre qui inquiète d’autant plus que cette génération est la première à avoir connu un niveau de vie supérieur à celui de ses parents.

La conférence a donc placé l’emploi au même niveau que la consommation. Objectif : augmenter le nombre de postes, améliorer leur qualité et surtout protéger les diplômés universitaires et les travailleurs migrants, deux catégories particulièrement touchées.

« Accroître les offres d’emploi, améliorer la qualité de l’emploi et stabiliser l’emploi de populations clés »

Cette citation officielle résume bien l’ampleur du défi. Car créer des emplois stables et bien rémunérés dans une économie qui ralentit n’a rien d’évident.

Exportations records dans un monde qui se protège

Paradoxe de la situation : alors que Pékin appelle à consommer plus à l’intérieur, les exportations chinoises n’ont jamais été aussi fortes. L’excédent commercial a franchi le cap symbolique des 1 000 milliards de dollars cette année, un record absolu.

Ces chiffres impressionnants s’expliquent en partie par la faiblesse du yuan, mais aussi par une compétitivité intacte dans de nombreux secteurs. Ils posent néanmoins une question dérangeante : pourquoi les Chinois consommeraient-ils davantage de produits locaux si ceux-ci sont avant tout conçus pour l’export ?

Le risque d’une guerre commerciale renforcée avec les États-Unis et l’Europe plane toujours. Dans ce contexte, réduire la dépendance aux marchés extérieurs apparaît plus que jamais comme une nécessité stratégique.

Les prévisions optimistes des institutions internationales

Contre toute attente, plusieurs institutions ont relevé leurs prévisions de croissance pour la Chine. Le Fonds monétaire international table désormais sur 5 % en 2025, exactement l’objectif officiel de Pékin.

Cet optimisme repose essentiellement sur la solidité des exportations et sur les mesures de soutien déjà mises en place. Mais il masque aussi la faiblesse persistante de la consommation des ménages, qui reste le maillon faible de la reprise post-pandémie.

À retenir : Malgré des exportations record, la consommation intérieure reste atone et l’immobilier continue de peser sur la confiance des ménages.

Un modèle de croissance à réinventer

Depuis les années 2000, la Chine a bâti sa prospérité sur trois piliers : investissements massifs dans les infrastructures, boom immobilier et usine du monde. Ce modèle a permis de sortir centaines de millions de personnes de la pauvreté, mais il montre aujourd’hui ses limites.

La dette publique locale explose, les retours sur investissement diminuent, et la population vieillit rapidement. Dans ce contexte, stimuler la consommation apparaît comme la seule voie durable. Mais cela suppose des réformes profondes : sécurité sociale renforcée, redistribution des richesses, ouverture du secteur des services.

Pour l’instant, les mesures restent relativement prudentes. On parle beaucoup de « politiques spécifiques » et d’« ajustements ciblés », mais peu de grandes réformes structurelles. Le dosage est délicat : trop de relance risquerait de relancer l’endettement, trop peu condamnerait la croissance.

Ce que cela signifie pour 2025

Les annonces de cette conférence posent les bases de la politique économique de l’année prochaine. Les mesures concrètes seront dévoilées lors de la session parlementaire de mars, mais les grandes orientations sont déjà connues.

  • Stabilisation ciblée du marché immobilier ville par ville
  • Relance de la consommation via des mesures encore à préciser
  • Création d’emplois de qualité, notamment pour les jeunes diplômés
  • Maintien d’un objectif de croissance autour de 5 %

Le succès de cette stratégie dépendra de la capacité des autorités à restaurer la confiance. Car au-delà des chiffres, c’est bien la psychologie des ménages chinois qui constitue aujourd’hui le principal frein à la consommation.

Après trois années de restrictions sanitaires, de crise immobilière et d’incertitudes économiques, beaucoup préfèrent épargner plutôt que dépenser. Changer cette mentalité demandera du temps et des signaux forts.

La Chine se trouve à un carrefour. Soit elle parvient à opérer cette transition vers un modèle plus équilibré, soit elle reste prisonnière de ses vieux démons : surinvestissement, surcapacités et dépendance aux exportations.

Les prochaines mois seront décisifs. Les regards du monde entier restent tournés vers Pékin.

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