La Chine est sur le point d’entamer un virage majeur dans sa politique économique cette semaine, à l’occasion d’une conférence annuelle déterminante scrutée par les marchés. L’enjeu : fixer le cap pour soutenir la croissance face à de multiples défis, de la crise immobilière persistante aux menaces de nouvelles tensions commerciales brandies par le futur président américain Donald Trump. Zoom sur ce grand rendez-vous économique et ce qui pourrait en sortir.
Une économie chinoise sous pression
Malgré une reprise post-Covid dynamique, la deuxième économie mondiale n’est pas au bout de ses peines. Elle reste plombée par une crise immobilière qui mine la confiance des acteurs économiques, freinant consommation et investissements. Dans le même temps, Pékin redoute un regain des tensions commerciales avec Washington après l’arrivée au pouvoir en janvier de Donald Trump, qui a promis de taxer lourdement les importations chinoises.
D’après les analystes, un nouveau bras de fer pourrait amputer le PIB chinois de 1,5% dans les années à venir si les droits de douane de 60% sont effectivement imposés. La Chine a cependant rééquilibré son commerce extérieur ces dernières années en réduisant la part des États-Unis, limitant l’impact potentiel d’une nouvelle guerre commerciale. Pékin se veut d’ailleurs confiant dans sa capacité à atteindre son objectif de croissance de 5% pour 2024.
Vers un assouplissement « approprié » de la politique monétaire
Pour relever ces défis, Pékin devrait annoncer cette semaine lors de la « Conférence centrale sur le travail économique » de nouvelles mesures de soutien. Premier signal fort : le Bureau politique du Parti communiste chinois a promis lundi « une politique budgétaire proactive » et surtout « un assouplissement approprié de la politique monétaire », une formule inédite depuis 2011 qui a brièvement électrisé les marchés.
Ce ton affirmé sur l’orientation politique suggère que Pékin est très déterminé à stabiliser la croissance et à augmenter les dépenses budgétaires l’an prochain.
Ting Lu, économiste chez Nomura
Concrètement, les experts anticipent de nouvelles baisses des taux d’intérêt pour encourager les prêts bancaires, même si la Chine ne devrait pas s’engager dans un assouplissement aussi agressif que pendant la crise financière de 2008-2010. D’autres outils pourraient être mobilisés, comme des programmes d’achat d’actifs ou une dévaluation de la monnaie.
L’arme budgétaire également attendue
Au-delà de la politique monétaire, le gouvernement pourrait aussi creuser son déficit pour financer des réductions d’impôts ou renforcer la protection sociale. Mais l’urgence serait surtout de doper plus directement la consommation des ménages via des aides financières ciblées.
Les mesures de relance monétaire ne seront efficaces que si Pékin parvient à renforcer la confiance des entreprises et des ménages.
Shehzad Qazi, directeur général de China Beige Book
Des annonces très attendues, mais prudence
Si la conférence de cette semaine doit officiellement fixer le cap économique pour 2025, son déroulé exact reste secret. Certains indices ont cependant filtré dans la presse officielle, évoquant une future politique monétaire visant à « améliorer le ciblage et l’efficacité du soutien à l’économie réelle ». Des annonces sur un vaste programme d’emprunts ou des dépenses sociales accrues sont aussi anticipées.
Malgré les espoirs, certains experts mettent en garde contre un excès d’optimisme, jugeant peu probable l’annonce cette semaine de mesures concrètes d’ampleur. Ils soulignent que la Chine a surtout besoin de réformes structurelles de fond pour soutenir durablement le secteur privé et s’adapter au vieillissement de sa population, un changement de paradigme qui n’est « pas encore complètement visible à l’horizon », selon Shehzad Qazi.
Une chose est sûre : les marchés seront suspendus cette semaine aux moindres signaux envoyés par Pékin sur ses intentions. Dans un contexte économique international de plus en plus incertain, le virage politique qui se profile en Chine sera déterminant pour l’avenir de la deuxième économie mondiale, et au-delà.