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Chine Intéressée par Nouveaux Ports du Canal de Panama

La Chine est prête à investir des milliards dans deux nouveaux ports du Canal de Panama… alors que Donald Trump menace de reprendre le contrôle du passage stratégique. Qui va gagner cette bataille géante pour le commerce mondial ?

Imaginez un instant : 5 % du commerce maritime mondial passe par un seul et unique corridor de 80 kilomètres. Un goulet d’étranglement que les États-Unis ont construit il y a plus d’un siècle et que, aujourd’hui, la Chine rêve de contrôler en partie. C’est exactement ce qui se joue en ce moment autour du Canal de Panama.

Un appel d’offres qui fait trembler Washington

L’administration du Canal de Panama vient de lancer un projet titanesque : construire deux nouveaux ports géants, l’un sur l’Atlantique, l’autre sur le Pacifique. Objectif affiché : doubler les capacités d’ici dix ans et attirer pas moins de 8,5 milliards de dollars d’investissements privés. Et devinez qui se précipite en première ligne ? Plusieurs groupes chinois parmi les plus puissants du secteur maritime.

Cette nouvelle a de quoi faire grincer des dents à Washington, surtout quand on se souvient des déclarations tonitruantes de Donald Trump au début de l’année. Le président américain avait alors accusé Pékin de « contrôler » le canal à travers une entreprise hongkongaise qui gérait déjà les deux principaux ports actuels.

Que s’est-il réellement passé avec les ports actuels ?

Revenons quelques mois en arrière. L’opérateur historique des ports de Balboa (côté Pacifique) et Cristobal (côté Atlantique) était CK Hutchison Holdings, un géant basé à Hong Kong. Pour beaucoup d’observateurs américains, cela revenait à dire que la Chine avait la main sur les entrées et sorties du canal.

Sous la pression, l’entreprise hongkongaise a accepté en mars de céder ses concessions à un consortium mené par le fonds américain BlackRock. Problème : plusieurs mois plus tard, la transaction n’est toujours pas finalisée. Et pendant ce temps, Pékin regarde ailleurs… très attentivement.

« Nous devons être ouverts à la participation de toutes les parties intéressées, avec la concurrence la plus large possible »

Ricaurte Vasquez, administrateur du Canal de Panama

Des projets pharaoniques pour un canal sous tension

Le plan panaméen est ambitieux. Outre les deux nouveaux ports, il inclut la construction d’un gazoduc, d’un nouveau lac artificiel pour alimenter les écluses et toute une série d’infrastructures modernes. Le tout doit être opérationnel dès 2029.

Les concessions seront attribuées fin 2026 après un appel d’offres international. Et la liste des prétendants donne le tournis :

  • Cosco Shipping Ports (Chine)
  • Orient Overseas Container Line – OOCL (Hong Kong, filiale de Cosco)
  • PSA International (Singapour)
  • Evergreen (Taïwan)
  • Hapag-Lloyd (Allemagne)
  • Maersk (Danemark)
  • CMA Terminals (France)

Autrement dit, presque tous les géants mondiaux du transport par conteneurs sont sur les rangs. Mais ce sont bien les candidatures chinoises qui focalisent l’attention.

Pourquoi la Chine veut absolument ces ports

Pour Pékin, le Canal de Panama représente bien plus qu’une simple infrastructure. C’est une pièce maîtresse de la Nouvelle Route de la Soie maritime. Contrôler ou influencer les grands points de passage du commerce mondial fait partie intégrante de la stratégie chinoise depuis plus de dix ans.

Aujourd’hui, la Chine est le deuxième utilisateur du canal derrière les États-Unis. Chaque jour, des dizaines de navires battant pavillon chinois ou transportant des marchandises made in China franchissent les écluses. Posséder des ports modernes aux deux extrémités offrirait un avantage stratégique considérable : rapidité de transbordement, réduction des coûts, et surtout influence directe sur l’un des points les plus sensibles du commerce planétaire.

En chiffres : Le canal voit transiter environ 14 000 navires par an. Un nouveau port ultramoderne pourrait traiter plusieurs millions de conteneurs supplémentaires et générer des revenus colossaux pour son opérateur.

La position délicate du Panama

Le pays se retrouve au milieu d’un bras de fer entre les deux superpuissances. D’un côté, les États-Unis, son voisin historique et premier client du canal. De l’autre, la Chine, premier partenaire commercial du Panama depuis 2017 et source d’investissements massifs.

L’administrateur Ricaurte Vasquez joue la carte de la neutralité absolue. Interrogé sur le risque d’une crise diplomatique avec Washington en cas de victoire chinoise, il répond avec une métaphore bien panaméenne : « On franchit le pont quand on arrive à la rivière ».

Traduction : on verra le moment venu. En attendant, le Panama affirme vouloir traiter tous les candidats sur un pied d’égalité, sans favoritisme ni pression extérieure.

Et si Trump revenait au pouvoir ?

La grande inconnue reste l’élection présidentielle américaine de 2024. Donald Trump a déjà menacé plusieurs fois de « reprendre » le canal si les intérêts américains étaient menacés. Des déclarations qui avaient fait bondir Panama City, qui rappelle que le canal lui appartient pleinement depuis le 31 décembre 1999.

Un retour de Trump à la Maison Blanche pourrait transformer cet appel d’offres en véritable crise diplomatique. Voire pousser Washington à exercer des pressions économiques ou politiques pour bloquer les entreprises chinoises.

Un enjeu bien plus large que deux ports

Au-delà du Canal de Panama, c’est toute la stratégie chinoise en Amérique latine qui se joue. Depuis vingt ans, Pékin a multiplié les investissements dans les infrastructures de la région : ports au Pérou, au Chili, chemins de fer, barrages… Le canal serait la perle ultime.

Pour les États-Unis, laisser la Chine poser la main sur ce point de passage stratégique serait vécu comme une humiliation historique. Le canal, construit avec du sang américain au début du XXe siècle, reste un symbole fort de la puissance passée de Washington dans l’hémisphère.

En 2026, quand les concessions seront attribuées, le monde entier aura les yeux rivés sur Panama. D’ici là, la tension ne fera que monter. Et le petit pays de 4 millions d’habitants continuera, comme il le fait depuis un siècle, de naviguer entre les géants.

Une chose est sûre : quel que soit le vainqueur de cet appel d’offres, il aura entre les mains l’une des infrastructures les plus stratégiques de la planète. Et peut-être, aussi, un morceau du futur équilibre mondial.

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