Imaginez un pays autrefois salué pour sa stabilité en Amérique latine, aujourd’hui secoué par une vague d’insécurité qui bouleverse les priorités des électeurs. Ce dimanche, les Chiliens se rendent aux urnes pour un second tour présidentiel décisif, où l’ultraconservateur José Antonio Kast part favori face à la candidate de gauche Jeannette Jara. Pour la première fois depuis la fin de la dictature il y a trente-cinq ans, l’extrême droite pourrait accéder au pouvoir.
Un scrutin sous haute tension sécuritaire
Les bureaux de vote ouvrent à 8 heures et ferment à 18 heures, avec un vote obligatoire pour plus de 15,6 millions d’électeurs. Ce scrutin marque un tournant : la criminalité et l’immigration dominent les débats, éclipsant même les questions économiques dans un contexte de croissance molle.
Les gangs violents ont transformé la perception quotidienne de la sécurité. Beaucoup de citoyens hésitent désormais à sortir le soir, craignant enlèvements ou extorsions. Pourtant, les chiffres montrent une réalité nuancée : le taux d’homicides a doublé en dix ans, mais reste en baisse récente et inférieur à la moyenne régionale.
Cette peur, amplifiée par les discours politiques, propulse José Antonio Kast en tête des sondages. L’avocat de 59 ans, père de neuf enfants et catholique fervent, promet une réponse ferme.
José Antonio Kast : le candidat de la « main ferme »
José Antonio Kast tente pour la troisième fois la présidence, sous les couleurs du Parti républicain qu’il a créé. Protégé par une vitre pare-balles lors de ses meetings, il dépeint un Chili en « chaos total ».
Son programme repose sur deux piliers : lutte implacable contre la criminalité et expulsion massive des migrants en situation irrégulière, estimés à près de 340 000, majoritairement vénézuéliens fuyant la crise chez eux.
Il assure qu’il faudra des « mesures extrêmes » au début pour restaurer la tranquillité. Ursula Villalobos, femme au foyer de 44 ans, incarne ce sentiment : pour elle, la sécurité et le travail priment sur les aides sociales. « Il faut que les gens puissent sortir sans peur », confie-t-elle.
Il faut prendre des mesures un peu extrêmes au début pour ensuite avoir un pays tranquille.
Ursula Villalobos, électrice
Malgré ses positions conservatrices – opposition à l’avortement même en cas de viol et au mariage homosexuel –, il les a atténuées pendant la campagne pour élargir son électorat.
Son passé suscite polémiques : il a défendu certains aspects de la dictature militaire et affirmé que le général Pinochet voterait pour lui s’il était vivant. Des révélations sur son père, membre du parti nazi en Allemagne avant d’émigrer, alimentent les critiques, bien qu’il nie tout lien idéologique.
Jeannette Jara : défendre les acquis sociaux
Face à lui, Jeannette Jara, 51 ans, ancienne ministre du Travail du président sortant Gabriel Boric. Issue d’une large coalition de gauche, cette communiste modérée mise sur le progrès social.
Elle promet d’augmenter le salaire minimum et de renforcer les retraites, tout en adoptant un discours plus ferme sur la sécurité pour contrer son adversaire.
Isidora Soto, designer de 27 ans, votera pour elle au nom du « bien commun » et d’une société plus inclusive, loin des privilèges pour quelques-uns.
Cecilia Mora, retraitée de 71 ans, voit en Kast « un Pinochet sans uniforme » et choisit Jara pour préserver les droits acquis. La dictature, avec ses 3 200 morts et disparus, reste une blessure vive pour beaucoup.
Je voterai pour le bien commun de la société chilienne, et pas seulement celui de quelques-uns.
Isidora Soto, électrice
Un premier tour révélateur des frustrations
Au premier tour, les deux candidats ont obtenu chacun environ un quart des voix, avec une légère avance pour la gauche. Mais les scores cumulés de la droite ont atteint 70 %, signalant un report favorable pour Kast.
Le gouvernement Boric, arrivé après les grandes manifestations de 2019 pour plus d’égalité, pâtit d’une popularité basse autour de 30 %. L’échec des réformes constitutionnelles a créé une lassitude envers le progressisme.
Les experts soulignent un traumatisme collectif : la révolte sociale violente, suivie de la pandémie, a poussé vers le conservatisme. Les cinq millions d’abstentionnistes traditionnels, désormais obligés de voter, penchent majoritairement à droite.
Les préoccupations majeures des Chiliens :
- Criminalité et gangs violents
- Immigration irrégulière
- Difficultés économiques et croissance atone
- Retraites et salaire minimum
Pourquoi la peur l’emporte-t-elle ?
Les délits violents comme les enlèvements ont augmenté, même si le Chili reste parmi les plus sûrs du continent. La peur grandit plus vite que les statistiques, alimentée par un discours alarmiste.
Kast répète que « le pays s’effondre », attisant l’angoisse pour mobiliser. Des politologues notent que les électeurs le soutiennent malgré son passé pinochetiste, priorisant la sécurité.
De son côté, la gauche peine à convaincre sur sa gestion, générant frustrations. « Ce que les gens veulent, c’est un changement », résume une chercheuse.
Les enjeux au-delà de la sécurité
Au-delà des thèmes dominants, les candidats divergent sur les valeurs sociétales. Kast incarne un conservatisme traditionnel, tandis que Jara porte l’héritage des luttes pour l’égalité.
Le vote obligatoire change la donne : il mobilise des électeurs auparavant abstentionnistes, souvent critiques du pouvoir en place.
Ce scrutin reflète un basculement : après des années de progressisme post-dictature, le pendule oscille vers la droite dure, portée par l’insécurité perçue.
Vers un Chili divisé ?
Quel que soit le vainqueur, le prochain président héritera d’un pays polarisé. Kast promet ordre et expulsions, Jara continuité sociale et modération.
Les Chiliens choisissent non seulement un leader, mais une vision : fermeté sécuritaire ou défense des vulnérables.
Dans les rues de Santiago comme dans les régions, l’attente est palpable. Ce vote pourrait redessiner le paysage politique pour des années.
| Candidat | Âge | Principales promesses | Soutien clé |
|---|---|---|---|
| José Antonio Kast | 59 ans | Lutte contre criminalité, expulsions migrants | Électeurs inquiets de sécurité |
| Jeannette Jara | 51 ans | Augmentation salaire, défense retraites | Défenseurs acquis sociaux |
Les prochaines heures diront si le Chili opte pour un virage conservateur marqué ou maintient une ligne progressiste, malgré les vents contraires.
Une chose est sûre : cette élection marque un chapitre crucial dans l’histoire récente du pays, entre mémoire de la dictature et aspirations à un avenir serein.
(Note : Cet article s’appuie sur les éléments connus à la veille du scrutin. Les résultats définitifs pourraient influencer les analyses futures.)
Revenons sur le parcours de Kast. Né dans une famille d’immigrants allemands, il a bâti sa carrière sur des positions intransigeantes. Fondateur de son parti en 2019, il capitalise sur le rejet du système traditionnel.
Ses meetings, protégés par des mesures exceptionnelles, symbolisent le climat tendu. Pourtant, il présente cela comme une nécessité face au « chaos ».
Jeannette Jara, elle, représente la continuité d’une gauche renouvelée post-Boric. Son expérience ministérielle lui confère une crédibilité sur les questions sociales.
La campagne a vu les deux camps durcir le ton sur l’immigration, signe que le sujet transcende les clivages.
Les Vénézuéliens, principaux concernés, vivent dans l’angoisse d’éventuelles mesures d’expulsion massive.
Économiquement, le Chili fait face à une croissance atone, rendant les promesses d’amélioration cruciale.
Les jeunes, comme Isidora, espèrent une société plus équitable. Les aînés, comme Cecilia, craignent un retour en arrière.
Les experts s’accordent : ce vote reflète un désir profond de changement, après des années de frustrations accumulées.
La lassitude vis-à-vis du progressisme s’explique par l’échec des grandes réformes promises.
Le mouvement conservateur gagne du terrain, porté par des électeurs nouveaux grâce au vote obligatoire.
Quel que soit l’issue, le prochain président devra unir un pays divisé sur ses fondements.
Ce dimanche pourrait marquer le retour d’une droite dure au pouvoir, trente-cinq ans après Pinochet.
Ou bien la résilience d’une gauche capable de s’adapter aux nouvelles réalités.
L’avenir du Chili se joue maintenant, dans l’isoloir de chaque citoyen.
Évolution de la criminalité au Chili :
- Taux d’homicides doublé en une décennie
- Baisse récente observée
- Hausse des délits violents (enlèvements, extorsion)
- Perception de peur supérieure aux statistiques
Ces éléments expliquent pourquoi la sécurité domine, même si le Chili reste relativement sûr comparé à ses voisins.
Les candidats ont tous deux promis des prisons supplémentaires et un renforcement policier.
Mais leurs approches diffèrent : radicale pour l’un, mesurée pour l’autre.
En conclusion, ce scrutin captive par son enjeu historique et ses contrastes idéologiques marqués.
Les Chiliens décident aujourd’hui de leur direction pour les années à venir.









