C’est une image inhabituelle mais hautement symbolique qu’a offert le roi Charles III pour sa première visite d’État aux Samoa. Troquant son traditionnel costume-cravate pour une tenue bien plus légère et adaptée au climat de cet archipel du Pacifique, le monarque britannique de 75 ans s’est plié de bonne grâce aux coutumes locales, participant à plusieurs cérémonies traditionnelles aux côtés de son épouse Camilla.
Breuvages ancestraux et rituels coutumiers
Dès leur arrivée à Apia, la capitale samoane, le couple royal a été accueilli avec les honneurs et convié à la cérémonie rituelle de l’ava. Charles III a ainsi dégusté dans une demi-noix de coco ce breuvage ancestral préparé à partir de la racine du kava, un symbole fort de l’union de la communauté. Le roi a ensuite été fait “chef suprême” du village de Moata’a au cours d’une deuxième cérémonie de l’ava, scellant à jamais son lien avec le peuple samoan et ses terres, comme l’a souligné le chef du village admiratif de l’engagement du souverain dans la lutte contre le changement climatique.
La suite de la visite a réservé d’autres moments forts, entre une démonstration de tatouage traditionnel douloureux et un spectacle de tissage ancestral, le tout dans une ambiance conviviale et colorée malgré une pluie battante. Pour clore cette journée riche en émotions et en découvertes, Charles et Camilla se sont vus offrir un cochon entier, symbole de prospérité, qui sera remis au chef de l’État samoan pour être partagé avec les familles locales.
Prémices d’un sommet sous haute tension
Mais au-delà du folklore et de la chaleur de l’accueil, cette visite officielle intervient à la veille d’un Sommet du Commonwealth qui s’annonce périlleux pour le souverain. Organisé pour la première fois sur une île du Pacifique, ce rendez-vous des dirigeants de l’organisation sera certes l’occasion d’adopter une déclaration sur la préservation des océans. Cependant, il devrait surtout être le théâtre de vives discussions sur l’héritage controversé de l’Empire britannique.
D’autant que l’incident qui a émaillé le passage de Charles III en Australie, avec l’interpellation musclée d’une sénatrice d’origine aborigène lors d’un événement à Canberra, a d’ores et déjà donné le ton. Les trois candidats en lice pour succéder à la Britannique Patricia Scotland au poste de secrétaire général du Commonwealth ont par ailleurs publiquement appelé au versement de réparations pour le rôle de l’Empire britannique dans l’esclavage et le colonialisme.
Le Sommet du Commonwealth sera l’occasion pour les dirigeants de discuter de l’héritage de l’Empire britannique, en particulier au moment d’élire un nouveau secrétaire général censé venir du continent africain.
Extrait de la dépêche AFP
Le spectre du passé colonial
Au cœur des débats, la question épineuse des réparations pour les méfaits de l’esclavage et de la colonisation promet de crisper les échanges entre le souverain et les dirigeants des anciennes colonies britanniques. Un sujet d’autant plus sensible que plusieurs États membres, à l’instar de la Barbade en 2021, envisagent de rompre les liens avec la monarchie pour devenir des républiques.
Face à ces vents contraires, Charles III tentera de défendre l’utilité et la pertinence du Commonwealth, cette union chère à sa défunte mère Elizabeth II. Mais le fantôme de l’Empire britannique planera indéniablement sur ce sommet crucial pour l’avenir de l’organisation et les relations entre la couronne et ses anciens territoires. Les fastes des cérémonies samoanes auront été pour le roi un répit bienvenu avant d’affronter ces lourds défis et ce passé qui ne passe pas.