Une scène surréaliste s’est déroulée ce mercredi au sein du Parlement irlandais. Alors que le vote pour élire Micheal Martin au poste de Premier ministre devait avoir lieu, la séance a rapidement sombré dans le chaos. Contestations, ajournements répétés, accusations… Retour sur une journée mouvementée qui sème le doute sur la formation du prochain gouvernement.
Un vote sans cesse repoussé
La nomination de Micheal Martin, dirigeant du parti centriste Fianna Fail, semblait pourtant acquise. Mais c’était sans compter sur la fronde des partis d’opposition, en particulier le Sinn Fein. Ces derniers ont vivement contesté le temps de parole accordé aux députés indépendants soutenant la future coalition. S’en est suivie une succession de reports qui ont eu raison de la patience des élus.
Excédé, Micheal Martin a dénoncé une « subversion de la constitution » lors d’une déclaration musclée à la presse. Il a souligné le caractère inédit d’une telle situation :
C’est la première fois, je pense, en plus de 100 ans, que le Dail ne parvient pas à élire un gouvernement et à remplir son obligation constitutionnelle.
Micheal Martin, dirigeant du Fianna Fail
Un équilibre fragile
La frustration de M. Martin est à la hauteur des enjeux. Son parti est arrivé en tête des élections législatives de novembre dernier, devant le Sinn Fein. Mais pour obtenir la majorité, il doit composer avec son rival historique, le Fine Gael. Un attelage complété par le soutien de députés indépendants, essentiels pour atteindre le seuil fatidique des 85 sièges.
C’est justement le rôle de ces élus sans étiquette qui cristallise les tensions. L’opposition les accuse de faire pencher la balance sans réelle légitimité. Une critique balayée par Simon Harris, dirigeant du Fine Gael et pressenti comme vice-Premier ministre. Il a réaffirmé la solidité de l’alliance entre son parti, le Fianna Fail et les indépendants.
Les défis qui attendent le futur gouvernement
Au-delà des querelles de procédure, ce sont de vrais défis qui se profilent pour la future équipe dirigeante. Pendant la campagne, des thèmes cruciaux ont émergé :
- Le coût de la vie et la crise du logement qui pèsent sur les ménages
- La question épineuse de l’immigration qui divise l’opinion
- Les inquiétudes sur l’avenir de l’économie irlandaise, dépendante des investissements étrangers, notamment dans la tech
Autant de chantiers qui nécessiteront un gouvernement solide et légitime. Ce qui est loin d’être gagné au vu des événements récents. Le feuilleton politique irlandais est loin d’être terminé.
Un scénario qui rappelle 2020
Les observateurs ne peuvent s’empêcher de faire le parallèle avec la situation post-électorale de 2020. À l’époque déjà, le Sinn Fein était arrivé en tête mais n’avait pu former de coalition. Le Fianna Fail et le Fine Gael s’étaient alors résolus à un mariage de raison, épaulés par les Verts.
Un « déjà-vu » qui en dit long sur la complexité du paysage politique irlandais. Les deux grands partis traditionnels paient le prix de leur usure. Pendant que les formations émergentes, à l’instar du Sinn Fein, bousculent les lignes sans parvenir à les faire vaciller. Une nouvelle donne qui impose aux vainqueurs des compromis de plus en plus périlleux.
Et maintenant ?
Après une journée pour le moins agitée, les regards sont désormais tournés vers la séance de jeudi. Micheal Martin parviendra-t-il enfin à être élu ? Rien n’est moins sûr. Les démêlés du Parlement ont exposé au grand jour la précarité des alliances et la défiance des oppositions.
Une chose est sûre : le prochain Premier ministre, quel qu’il soit, devra se montrer à la hauteur pour restaurer la crédibilité des institutions. Et surtout, pour répondre aux attentes d’une population irlandaise qui observe ces tractations politiciennes avec un mélange de lassitude et d’inquiétude. L’avenir du pays est en jeu.